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EAN : 9782021433197
304 pages
Seuil (28/05/2020)
  Existe en édition audio
3.62/5   387 notes
Résumé :
Londres, été 2018. Nat, ex-recruteur d'agents doubles soviétiques pour les services secrets britanniques, est désormais un quinquagénaire au placard. Sa vie n'a rien d'exaltant, malgré le soutient inconditionnel de Prue, son épouse, et de Florence, sa jeune et brillante collègue qui surveille les agissements d'un oligarque ukrainien. Chaque lundi soir dans son club, il affronte au badminton - sa passion - un nouveau venu, un certain Ed, grand gaillard déconcertant e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (93) Voir plus Ajouter une critique
3,62

sur 387 notes
John le Carré, 88 ans, fait preuve d'une endurance imaginative absolument remarquable avec ce roman dopé à l'esprit du temps, pimenté de références ultra-contemporaines de l'ère post-Brexit.

Nat, quinqua vétéran des services secrets britanniques, se voit proposer une alternative à sa possible fin de carrière : prendre la direction du Refuge, une sous-station du département Russie, à la fois moribonde et bizarre avec ses espions rebuts qui semblent inutiles. Peut-être une dernière chance pour Nat de laisser sa marque sur le MI6 auquel il a consacré une grande partie de sa vie. Sauf que sa rencontre avec Ed, un grand gus dégingandé et déstabilisant avec lequel il joue au badminton tous les lundis, va l'entraîner dans un enchaînement de péripéties surprenantes jusqu'à un complot géopolitique d'ampleur.

Le scénario est excellent, construit en poupées russes qui recèlent toutes des surprises, avec un virage dans le dernier tiers vraiment ingénieux et très inattendu. C'est d'une fluidité parfaite, sur les pas de Nat, sa narration à la première personne créant une proximité et un attachement immédiats avec le lecteur. Tous les personnages sont formidablement campés et leurs interactions, heureuses ou pas, priment presque sur l'action à proprement parler.

Bien sûr, les services secrets britanniques sont toujours chez John le Carré en pleine déchéance, rongé par de petites rivalités entre collègues et services, sur-promouvant les médiocres ou les corruptibles, gaspillant les talents. Bien sûr, les thématiques obsessionnelles de l'auteur sont bien présentes : manigances et secrets d'Etat, trahison et loyauté, idéaux politiques soumis à rudes épreuves face aux fragilités humaines.

Mais ce qui ressort de ce roman, c'est sa truculence et sa mélancolie.
Sa truculence, car John le Carré régale le lecteur d'une plume pleine de verve, très ironique pour dire la crise de foi politique de notre époque, entre désespoir et incrédulité face au Brexit. Cette verve explose dans les dialogues, tous formidables, crépitants d'énergie et de drôlerie. Par exemple cette diatribe sur Trump qui sort de la bouche d'Ed, le personnage exutoire :

« Trump, c'est le balayeur de chiottes de Poutine. Il fait tout ce que le petit Vlad ne peut pas faire lui-même : il pisse sur l'unité européenne, il pisse sur les droits de l'homme, il pisse sur l'OTAN. Il nous assure que la Crimée et l'Ukraine appartiennent au Saint-Empire russe, que le Moyen-Orient appartient aux Juifs et aux Saoudiens, et merde à l'ordre mondial ! Et vous, les Britiches, vous faites quoi ? Vous lui taillez une pipe et vous l'invitez à boire le thé avec votre reine. Vous prenez notre argent et vous le lavez pour nous. Vous nous accueillez uniquement si on a assez d'envergure en tant qu'escrocs. Vous nous vendez la moitié de Londres. Vous vous lamentez quand on empoisonne nos traîtres et vous dites s'il vous plaît, s'il vous plaît, chers amis russes, faites du commerce avec nous. »


Sa mélancolie aussi. Il n'est pas beau, donc le nouveau Monde post-Brexit avec les agissement glaçants du trio Johnson-Trump-Poutine. Tout l'enjeu pour Nat, dans ce monde-là, est de trouver un moyen pour conserver son intégrité morale alors qu'il a perdu toute illusion sur le MI6 qu'il sert. En fait ce roman est profondément désenchanté au-delà de ses saillies satiriques drolatiques. Désenchanté mais qui trace une ligne morale, une droiture, celle de la force du choix individuel, de la liberté dont chacun soit s'emparer pour ne pas laisser le pessimisme le plus sombre gangréner ce monde. Les derniers chapitres sont très intéressants, mettant en scène la force de cette liberté individuelle lorsqu'elle s'allie à une autre ou plusieurs.

Lu dans le cadre du Club VIP Bepolar.com
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Ennuyeux comme une partie de badminton ce roman est passionnant par son analyse sociologique de la Nomenklatura anglaise.

L'intrigue « espionnage » se résume en une ligne : un agent britannique croyant trahir sa patrie au profit de l'Allemagne est tellement intelligent qu'il renseigne la Russie !

Les acteurs de cette tragi-comédie évoluent dans un univers dépourvu de tout souci financier grâce à des bourses de recherche qui financent leurs vacances au Panama ou à des spéculations servant à blanchir les fonds provenant d'opérations opaques.

La plume de l'auteur et de sa traductrice est entachée de tics datés du style « vestiaires genrés » qui plombent le texte mais colorent la caricature sociale.

Long, lent et soporifique ce texte est une déconcertante déception pour tout amateur de John le Carré ou tout admirateur de l'Intelligence Service.

Mais le romancier conserve un regard vif, malgré son âge, et le portrait de la fonction publique anglo-saxonne qu'il dessine est aussi accablant que pessimiste.

Aveuglée par une idéologie mortifère et vautrée dans un matérialisme confortable, cette technocratie passe plus de temps à aboyer contre les « populistes » qu'à se préoccuper du service public.

De tout temps les querelles byzantines annoncent la chute de l'empire ... le retour de service précède la fin de partie !

Prémonitoire et sombre, ce roman sera mobilisateur s'il contribue à un réel « retour de service » de la fonction publique à sa mission organique.
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Je n'avais pas relu John le Carré depuis des décennies. Dans les années soixante, cet ancien agent des services secrets britanniques avait révolutionné la littérature d'espionnage et connu rapidement une consécration mondiale avec l'un de ses premiers romans, L'Espion qui venait du froid (1964).

John le Carré a puisé son inspiration dans ce que l'on appelait la guerre froide et ses entrelacs de réseaux plus ou moins opaques de renseignement, de noyautage et de manipulation, orchestrés d'un côté du rideau de fer par les démocraties à l'Occidentale, et de l'autre par le bloc soviétique. A l'opposé des agents secrets playboys et cascadeurs ou des espionnes au galbe de séductrices fatales, les personnages de John le Carré principaux sont d'apparence banale. Les fictions mettent en valeur la réflexion et les discussions feutrées, où l'analyse géopolitique, la stratégie d'influence et la manoeuvre psychologique ont la primauté sur l'opération spéciale. Une littérature plus intellectuelle que spectaculaire, ce qui n'a pas empêché certains de ses livres d'être des best-sellers.

À quatre-vingt-huit ans, John le Carré sort un vingt-cinquième roman, dont le titre français Retour de service est particulièrement bien trouvé, puisque le personnage principal et narrateur, prénommé Nat, est à la fois un pratiquant assidu de sport de raquette – en l'occurrence le badminton, où il excelle – et un vétéran des services actions à l'étranger, en attente de reconversion dans un poste de management à la direction centrale, à Londres.

Dans son club londonien, Nat se voit défier au badminton par un jeune homme timide prénommé Ed. En l'espace de quelques mois, Nat jouera avec lui plusieurs parties, suivies d'un verre au bar du club, occasion pour les deux hommes d'échanger des propos qu'ils pensent sans importance. Mais voilà qu'au cours d'une opération complexe de retournement d'un transfuge, avec l'objectif de transformer un agent double en agent triple, l'activité de badiste (*) de Nat va se télescoper avec sa vie d'officier du contre-espionnage. de vraies-fausses révélations en rebondissements inattendus, la situation pourrait devenir compliquée pour lui…

J'ai aimé retrouver le style de narration de John le Carré, un peu désuet, très british, au demeurant très fluide et agréable à lire. L'auteur multiplie les digressions dont on ne sait jamais s'il s'agit de badinages accessoires ou de faits à garder en mémoire en prévision de développements futurs. On se sent quelque peu perdu dans le fil de la narration, et même carrément baladé, les intentions de Nat étant parfois confuses. Mais peu importe, ce n'est jamais ennuyeux.

Les personnages restent conformes à la vision de l'auteur. Les agents et les dirigeants des services de contre-espionnage sont des cadres et des cadres supérieurs, tel qu'on en rencontre dans l'Administration et dans les grandes sociétés privées : en parallèle de leurs missions, ils ont des vies de famille compliquées, un patrimoine personnel à faire fructifier, une santé qui les préoccupe, des états d'âme qui les rongent. Ce ne sont pas des héros.

Sur le fond géopolitique, tout a changé, mais rien n'a changé. La guerre froide appartient à l'Histoire, mais la Russie de Poutine, toute postsoviétique qu'elle soit, n'a pas perdu ses propensions à l'entrisme, ce qui oblige, pour le contrecarrer, à mobiliser la meilleure part des services secrets anglais. Et bien qu'en ces temps de Brexit, le Gouvernement de Sa Majesté cherche à s'adosser aux Américains, entre services opérationnels, ça reste un éternel « je t'aime moi non plus ». L'auteur en profite pour dire, sans mâcher ses mots, ce qu'il pense du Brexit, de Boris Johnson, et de Donald Trump.

Sur le terrain, chacun fait donc un peu ce qu'il veut, car les cadres ont une conscience propre, des convictions personnelles… et des intérêts particuliers. La plupart sont capables de trouver un compromis quand il faut tenir compte d'opinions contradictoires. Mais leur autonomie se heurte à la raideur de la bureaucratie, où les réactions sont marquées par un mélange de philosophie du soupçon et de principe de précaution, quand ce n'est pas par de simples réflexes comptables de limitation des dépenses. Décidément, le monde des espions est terriblement semblable au nôtre.

(*) Badiste : joueur de badminton.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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+++++++ AGENT COURANT À TRAVERS CHAMP +++++++

Le grand maître a probablement voulu se faire un petit cadeau en publiant son 25e roman 2 jours avant son 88e anniversaire, le 19 octobre dernier.

Je dois admettre que j'ai la même fascination pour ce bonhomme que le légendaire Bernard Pivot qui l'avait invité à une de ses émissions "Apostrophes". Émission pour laquelle l'auteur avait demandé un petit délai, question de se rafraîchir son Français ! Voire mon billet du livre de Pivot "La mémoire n'en fait qu'à sa tête" (du 13-4-2017) et des mémoires de John le Carré "Le tunnel aux pigeons" (du 18-4-2017).

Je ne vais donc pas résumer un curriculum, qui je crois est de toute façon généralement fort connu et passer tout de suite à l'action.

Tout au début du récit le personnage principal se présente : Nat, 47 ans, marié à "Prue" (de Prudence) et champion local de badminton. En fait, la réalité est un brin plus compliqué. Il est né à Paris, où son père travaillait pour l'OTAN à Fontainebleau, comme Anatoly, plus tard anglicisé en Nathaniel. Sa mère, une Biélorusse de petite nobilité y fréquentait le cercle des Russes blancs exilés jusqu'à son affaire avec un riche Belge, trafiquant d'armes. Môme, il avait une gouvernante russe, Galina qui lui a apprenait les langues en lui racontant pendant quelques soirs le même conte de fées mais chaque fois dans une langue différente. À la mort de son père d'un cancer, lorsqu'il avait 12 ans, il fut expédié par sa mère en Écosse, où il fit des études de philologie slave. Depuis un quart de siècle maintenant, Nat a travaillé pour le "Secret Intelligence Service", SIS, surnommé par ses employés le Bureau ("The Office").

Pendant toutes ces années, il a été l'agent du Bureau à Moscou, Prague, Bucarest, Budapest, Tbilissi, Trieste, Helsinki et Tallinn à recruter et diriger des agents secrets de tout acabit sous couverture diplomatique ou consulaire. Et maintenant que sera sa vie ? Qui voudra d'un diplomate demeuré dans les grades subalternes ?

Un job lui est finalement offert comme responsable d'un sous-service de l'agence de Londres du Bureau, où l'on case les agents avec qui l'on ne sait pas très bien quoi faire et qu'en haut lieu l'on souhaite "dynamiser". "Haven" - refuge ou sanctuaire - comme cette unité, non sans ironie, s'appelle, permet à Nat de vivre avec sa femme Prue et sa fille de 19 ans, Stephanie, (Steff pour les amis), à Londres, tout en recevant un salaire et, sans enthousiasme, notre homme accepte le poste.

Dans ce dépôt des cas paumés, la jeune, brillante et dynamique Florence tranche avec ses collègues et elle a le dénommé Orson dans le collimateur. Ce soi-disant oligarque ukrainien, qui s'est acheté dans les quartiers chics de Londres un duplex de 75 millions de livres sterling (88 millions d'euros ), a ses entrées au Kremlin et fait partie du gang ukrainien à Kiev favorable à Poutine. Apparemment cette riche demeure dans l'exclusive Park Lane constitue la plaque tournante d'éléments non désirables appartenant au FSB - le successeur du KGB - ou à des groupes de businessmen mafieux, qui bénéficient de la confiance de l'entourage immédiat du Président russe. Quoi qu'il en soit, ce serait intéressant de savoir ce qui s'y trame au juste et l'opération Rosebud (bouton de rose), soit l'installation d'un système ultrasophistiqué électronique de surveillance, est décidée.

Peu d'écrivains savent aussi bien ce que ce genre d'opération de grande envergure et délicate dans une démocratie implique que John le Carré. La préparation de Rosebud se lit presque comme un article du journal le Monde mais en plus littéraire et avec beaucoup plus d'ironie britannique, bien entendu.

Puis, il y a l'apparition d'un jeune homme étrange, Ed Shannon, à peu près 25 ans et mesurant presque 2 mètres, qui défie Nat de jouer un match de badminton. Comme Ed est un excellent joueur, plusieurs matches ont lieu, suivis de discussions à bâtons rompus à la cafétéria, où le jeune homme vilipende les folies de Trump et du Brexit. Nat est impressionné par ses connaissances, mais se montre réservé. Ed, qui a une soeur handicapée mentale et physique, Laura, pour lui faire plaisir, demande à Nat de faire une partie de badminton à 4. Nat se déclare d'accord et mobilise Florence.

C'est le lendemain de ce 2 x 2 que la bombe éclate : Opération Rosebud a été annulé en haut lieu, pour des raisons de "risques" disproportionnés et Nat apprend que Florence à été renvoyée du service. Les chefs estiment qu'elle est trop émotionnelle pour ce travail.

L'histoire ne s'arrête pas là bien sûr, car à Moscou on n'a pas du tout abandonné les intrigues contre l'Occident et nos héros, Florence, Ed, Prue et Nat ne sont pas au bout de leurs aventures.

Ce roman est une histoire à suspense digne du grand spécialiste qu'est John le Carré depuis 1964 et son inoubliable "L'espion qui venait du froid" . le maître incontesté des intrigues, du double jeu et des fluctuations de loyauté.

Le contexte est très contemporain, puisqu'a un moment donné, un haut placé du Bureau, regrette que les alliés et voisins ne prennent plus l'Angleterre au sérieux, qui est gouverné par une poignée de nostalgiques de feu l'empire, mais incapables de même gérer une simple stalle de fruit. Mais que voulez-vous "nous sommes spéciaux. Nous sommes British. Nous n'avons pas besoin de l'Europe...Nous sommes des supermen".
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Une leçon de géopolitique comme on les aime, dans son dernier roman, John le Carré met son talent, sa connaissance des relations internationales au service d'une idée : La Défense des valeurs de la démocratie, de l'Europe et de l'éthique dans les relations entre pays.
Pour cela, il crée des personnages hautement symboliques, Nat, l'agent britannique, Anatoly de son vrai nom, né à Paris d'un père écossais d'une mère fille de Russes blancs.
Prudence, son épouse "avocate associée dans un cabinet londonien établi de longue date, spécialiste des affaires à forte composante humaine et surtout des dossiers pro Bono."
Proche de la cinquantaine, Nat est rappelé par le bureau à Londres et hérite d'un placard qui ne satisfait pas son sens du service et le respect des valeurs qu'il a toujours recherché dans son travail. Il n'est pas un salaud.
Mais voilà, depuis l'époque ou avec Prudence ils étaient en poste à Moscou les choses ont changées.
Trump, Poutine, le Brexit perturbent le jeu des forces en présence et Nat n'y retrouve plus ses petits.
Sa rencontre avec Ed Shannon, un jeune anglais germanophile et europhile va le conduire dans un imbroglio relationnel dont il ne sortira pas indemne.
Il est assez rare que des romans de John le Carré flirte aussi impudiquement avec l'actualité et ça ne peut que réjouir le lecteur (je dis cela pour éviter de dire ça ne peut que me réjouir).
Les propos qu'il met dans la bouche d'Arkady, un ex agent double que Nat a retourné dans le passé, à propos du Brexit sont éloquents :
"Et le grand président Donald Trump qui aime tant la liberté va sauver votre économie, à ce qu'il parait. Tu sais ce que c'est, Trump ?
- Dis-moi ?
- C'est le nettoyeur des chiottes de Poutine. Il fait tout ce que le petit Vald ne peut pas faire lui-même : il pisse sur l'unité européenne, il pisse sur les droits de l'homme, il pisse sur l'OTAN. Il nous assure que la Crimée et l'Ukraine appartiennent au Saint-Empire russe, que le Moyen-Orient appartient aux Juifs et aux Saoudiens, et merde à l'ordre mondial ! Et vous, les Brioches, vous faites quoi ? Vous lui taillez une pipe et vous l'invitez à boire le thé avec votre reine. Vous prenez notre argent et vous le lavez pour nous. Vous nous accueillez uniquement si on a assez d'envergure en tant qu'escrocs. Vous nous vendez la moitié de Londres. Vous vous lamentez quand on empoisonne nos traîtres et vous dites s'il vous plaît, s'il vous plaît, chers amis russes, faites du commerce avec nous."
Nat est partagé entre la vision de son ami Arkady, celle du jeune Ed qui n'en est pas loin et celle du bureau qui en tout temps a toujours adopté le principe "réal politic" qui le conduit à ménager la chèvre et le chou.
A sa manière, et dans le cadre des limites qui lui sont imposées par le bureau, Nat (n'oublions pas qu'il est un joueur de badminton affuté) va jouer de sa connaissance des langues, des cultures européennes pour retourner la situation à son avantage et éviter les dégâts humains dont le bureau se soucie peu.
Du grand, du très grand John le Carré. Un livre noir et pessimiste sur l'état actuel du monde qui laisse filtrer une lueur d'optimisme en démontrant que seule la rébellion des individus pourra éviter de subir l'ordre que les nouveaux dictateurs cherchent à imposer au détriment de la morale et de l'éthique !
A lire...
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
18 juin 2020
L'écrivain britannique exprime sa colère d'Europhile dans son 25e roman, joliment troussé.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeMonde
08 juin 2020
Le Brexit ? Un sujet douloureux pour le Britannique. Mais sous influence russe ? Un sujet en or pour le maître du roman d?espionnage.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (86) Voir plus Ajouter une citation
Je reviens des courses et les trouve debout dans l'entrée. Deux choses se passent alors en simultané. Un jeune Indien courtois et bien habillé s'avance et me décharge de mes sacs de courses tandis que Steff me prend dans ses bras, pose la tête sur mon épaule, se recule et s'écrie : « Papa ! Regarde, c'est Juno ! Il n'est pas formidable ? » L'Indien courtois s'avance de nouveau, cette fois-ci pour m’être formellement présenté. Entre-temps, j'ai remarqué une bague d’apparence non anodine à l'annulaire de Steff, mais avec elle, j'ai appris qu'il valait mieux attendre qu'on m’informe.

Ces dames partent en cuisine préparer la quiche. J'ouvre le champagne et je leur en apporte une coupe à chacune, puis je retourne dans le salon pour en proposer aussi à Juno, parce que je ne prends pas toujours au pied de la lettre les instructions de Steff concernant ses chéris. Il accepte sans hésiter et attend que je l'invite à s'asseoir. Voilà qui me place en territoire inexploré. Il dit craindre que tout cela ne nous ait pris par surprise. Je l'assure qu'avec Steff, rien ne nous surprend jamais, et il semble soulagé. Je lui demande pourquoi le Panama, et il m'explique qu'il est diplômé de zoologie et que le Smithsonian l’a invité à faire une étude de terrain sur les grandes chauves-souris volantes de l'île de Barro Colorado dans le canal de Panama, et Steff l'accompagne. « Mais seulement si je suis dépourvue de tout parasite, papa, intervient Steff, vêtue d'un tablier de cuisine, en passant la tête par la porte. Je dois être désinfectée par fumigation, je n'ai pas le droit de souffler sur quoi que ce soit et je ne peux même pas porter mes nouvelles chaussures sexy, hein, Juno ?

- Si, elle peut les porter, mais avec des surchaussures, m'explique-t-il. Et la fumigation, ce n'est pas vrai. Tu en rajoutes, Steff.

- Et aussi, il faut qu'on fasse attention aux crocodiles en débarquant, mais Juno me portera, pas vrai, Juno ?

- Et priver ces pauvres crocos d'un bon repas ? Certainement pas. Nous allons là-bas pour préserver la faune. »
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Premières lignes…

Notre rencontre n’a été arrangée par personne. Ni par moi, ni par Ed, ni par des manipulateurs en coulisse. Je n’avais pas été ciblé. Ed n’avait pas été téléguidé. Nous n’avions fait l’objet d’aucune surveillance, discrète ou visible. Il m’a lancé un défi sportif, je l’ai accepté, nous avons joué. Rien de calculé là-dedans, pas de conspiration, pas de collusion. Certains événements de ma vie (rares ces temps-ci, je le reconnais) sont univoques. Notre rencontre en fait partie. Mon récit n’a jamais varié au fil des nombreuses occasions où on m’a obligé à le répéter.

C’est un samedi soir à l’Athleticus Club de Battersea, dont je suis le secrétaire à titre purement honorifique. Je suis assis sur un transat matelassé près de la piscine intérieure. Sous le haut plafond des immenses locaux que nous occupons dans une
ancienne brasserie, la piscine se situe à une extrémité et le bar à l’autre, reliés par un couloir qui dessert les vestiaires et les douches genrés.

Faisant face à la piscine, je suis de biais par rapport au bar, derrière lequel se situent l’accès au club, le vestibule puis la porte donnant sur la rue. Mon emplacement ne me permet donc pas de voir qui entre dans les lieux ni qui se trouve dans le vestibule à lire les affiches, réserver un court ou s’inscrire pour le tournoi échelle. Le bar est très animé. De jeunes demoiselles et leurs chevaliers servants discutent entre deux plongeons.

Je suis en tenue de badminton, short, sweatshirt et nouvelle paire de tennis montantes achetée en raison d’une douleur tenace à la cheville gauche qui me gêne depuis une randonnée dans les forêts estoniennes voilà un mois. Après une longue série d’opérations à l’étranger, je savoure cette permission bien méritée en m’employant à ignorer le nuage qui plane sur ma vie professionnelle : ma mise au rebut prévisible ce lundi. Je me répète en boucle : Eh bien soit, j’entame ma quarante-septième année, j’ai eu un beau parcours, je savais que cela finirait ainsi, alors pas de regrets.

https://julitlesmots.com/2020/06/29/premieres-lignes-retour-de-service-de-john-le-carre/
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C'est sur la foi de cet aléa dans sa scolarité qu'il s'arrogeait le droit d'établir des comparaisons dérangeantes entre l'ascension des dictateurs européens et celle de Donald Trump. Quand on le lançait sur ce sujet, Ed était à son plus pontifiant.
Sa vision du monde ne faisait aucun distinguo entre les fanatiques du Brexit et les fanatiques de Trump. Tous racistes et xénophobes, ils vouaient le même culte à l'impérialisme nostalgique. Une fois embarqué sur ce thème, Ed perdait toute objectivité. Trumpistes et brexiteurs conspiraient pour le priver de son droit de naissance en tant qu'Européen. Si solitaire pouvait-il être par ailleurs, sur l'Europe il n'avait aucun scrupule à déclarer qu'il s'exprimait au nom de sa génération ou à critiquer la mienne.
Commenter  J’apprécie          210
Notre rencontre n’a été arrangée par personne. Ni par moi, ni par Ed, ni par des manipulateurs en coulisse. Je n’avais pas été ciblé. Ed n’avait pas été téléguidé. Nous n’avions fait l’objet d’aucune surveillance, discrète ou visible. Il m’a lancé un défi sportif, je l’ai accepté, nous avons joué. Rien de calculé là-dedans, pas de conspiration, pas de collusion. Certains évé- nements de ma vie (rares ces temps-ci, je le reconnais) sont uni- voques. Notre rencontre en fait partie. Mon récit n’a jamais varié au fil des nombreuses occasions où on m’a obligé à le répéter.
C’est un samedi soir à l’Athleticus Club de Battersea, dont je suis le secrétaire à titre purement honorifique. Je suis assis sur un transat matelassé près de la piscine intérieure. Sous le haut plafond des immenses locaux que nous occupons dans une ancienne brasserie, la piscine se situe à une extrémité et le bar à l’autre, reliés par un couloir qui dessert les vestiaires et les douches genrés.
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Vous quittez l’Europe en prenant vos grands airs. “Nous ne sommes pas comme tout le monde, nous sommes
anglais, nous n’avons pas besoin de l’Europe. Nous avons gagné toutes nos guerres tout seuls. Sans les
Américains, sans les Russes, sans personne. Nous sommes des surhommes.” Et le grand président Donald Trump qui aime tant la liberté va sauver votre économie, à ce qu’il paraît. Tu sais ce que c’est, Trump ? – Dis-
moi. – C’est le nettoyeur des chiottes de Poutine. Il fait tout ce que le petit Vlad ne peut pas faire lui-même : il pisse sur l’unité européenne, il pisse sur les droits de l’homme, il pisse sur l’OTAN. Il nous assure que la Crimée
et l’Ukraine appartiennent au Saint-Empire russe, que le Moyen-Orient appartient aux Juifs et aux Saoudiens, et
merde à l’ordre mondial ! Et vous, les Britiches, vous faites quoi ? Vous lui taillez une pipe et vous l’invitez à
boire le thé avec votre reine.
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