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EAN : 9782072987885
128 pages
Gallimard (01/09/2022)
4.08/5   211 notes
Résumé :
"Si tu étais si attaché à ta carte d'ouvrier, c'est sans doute parce que tu étais un homme sans titre. Toi qui es né dépossédé, de tout titre de propriété comme de citoyenneté, tu n'auras connu que des titres de transport et de résidence. Le titre en latin veut dire l'inscription. Et si tu étais bien inscrit quelque part en tout petit, ce n'était hélas que pour t'effacer. Tu as figuré sur l'interminable liste des hommes à broyer au travail, comme tant d'autres avant... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
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Ce récit est à la fois une biographie se rapportant au père de l'auteur, - un homme humble qui n'a pas été épargné par la vie et une courte autobiographie de l'écrivain.
Un livre vrai, sans fioriture, sans haine, Les références à Albert Camus donnent encore plus d'intérêt et de chaleur.. D'ailleurs l'auteur était présent à l'Estival Camus qui s'est tenu à Lourmarin en ce début du mois d'octobre 2022?
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Ce livre, je l'ai lu en une soirée. Terminé au coeur de la nuit, les larmes au bord des yeux. Et j'ai écrit à son auteur. Pour lui dire merci.
Ça n'arrive pas si souvent d'avoir entre les mains un livre qui vous submerge. Et c'est difficile de dire pourquoi il vous émeut tant.
C'est une histoire qui n'est pas la mienne, qui pourtant a fait écho en moi. Parce qu'elle dit l'importance de tous ceux qui oeuvrent dans ce pays pour permettre à chacun d'y trouver une place. Sa place.

Hamid Aït-Taleb était un de ses gamins qui passaient des heures à la bibliothèque. Celle où je travaille aujourd'hui. Chaque phrase sur l'importance de ce lieu dans sa vie me touche. Je crois n'avoir jamais lu un si bel hommage à mon métier. A mes collègues. A ma bibliothèque (après 10 ans dans cet endroit, c'est un peu devenu chez moi.)
Quand on grandit dans un univers rude, entouré de 8 frères et soeurs, de parents ne sachant ni lire ni écrire, la lecture est un refuge, un secours. C'est sûrement bateau de le dire, de l'écrire. Mais j'aime croire que l'exemplaire des Trois mousquetaires dérobé dans nos rayonnages a été une planche de salut. J'aime croire que dans cette ville, cet auteur a eu grâce à nous et à d'autres dont le nom vibre dans les pages et dans les rues, une place. Sa place.

Celle que son père, dont la photo sur le bandeau hante la lecture, n'a jamais su trouver. Exilé, cet ouvrier de la SMN n'était pas vraiment chez lui ici. Il ne l'était plus totalement en Algérie. Les silences auront jalonné sa vie. Les cris aussi. La relation de l'auteur à son père est faite de tout ça, de la perte qui ronge, des dos courbés, de l'horizon qui ne s'ouvre pas, d'une vie de travail qui un jour s'arrête. de ce sentiment puissant, indépassable de ne jamais être à sa place.

Hamid Aït-Taleb est parti. Parce que parfois il faut se faire une place ailleurs. Il a changé de nom. Il est devenu Xavier le Clerc. Son livre a rejoint les rayonnages de la bibliothèque (la mienne, la sienne, il y sera toujours le bienvenu). Il n'est pas loin de Camus. Pas loin de Dumas. Mais peu importe. L'essentiel étant qu'il y trouve une place. Et vous auriez tort de ne pas lui en faire une, vous aussi.


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Xavier le Clerc raconte ici avec sobriété mais beaucoup d'amour, l'histoire de sa famille venue d'Algérie. Il nous dépeint son père comme quelqu'un de taiseux mais extrêmement digne. Né en 1939 il est venu en France et deviendra ouvrier métallurgiste pour faire vivre ses 9 enfants et sa femme. Il travaillera dur pendant plus de 20 ans sans se plaindre.
Ce récit rend hommage aux hommes venus en France et remerciés par des mesures politiques violentes, deshumanisées. C'est aussi un livre sur l'identité, l'integration, la misere, "un cri de révolte contre l'injustice et la misère organisée..."
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Récit touchant d'un homme cultivé qui a réussi dans la vie malgré l'imigration de sa famille. Cela ressemble à une lettre ouverte au père, cet homme analphabète qui a trimé toute sa vie pour nourrir ses neuf enfants. Je comprends que pour l'auteur son destin est unique mais pour le lecteur rien de nouveau. Quand même un bel hommage aux livres, bibliothèques et à Camus.
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A travers le portrait de son père, l'auteur met en scène dans ce livre, la violence coloniale en Algérie, et la violence sociale que ce dernier trouve en France à 25 ans lorsqu'il y arrive en 1962. Dans un récit plein de retenue et de pudeur, il redonne vie à ce père, après vingt longues années d'éloignement et de silence que la mort vient solder en 2020. Mohand Saïd Aït Taleb est un taiseux, écrasé par le travail à la Société métallurgique de Normandie, incapable d'exprimer par les mots sa peur du manque, du vide, de la faim, incapable de se révolter, car « la misère leur avait couvet les yeux, d'une croute plus épaisse encore que la corne des pieds »
L'ouvrier de 30 ans qui pointe à la SMN, creuse toujours ce sillon amer qu'il découvrait à 9ans en allant se vendre comme journalier, dans les exploitations des colons. La misère en France prend d'autres formes, elle se police un peu : les 3 pièces d'un logement HLM abriteront mieux les 9 frères et soeurs que le gourbi du bled, l'école vengera l'analphabétisme des parents, mais le manque sera toujours là, et Mohand Saïd n'aura pas d'autres armes que ses colères pour crier son désespoir.
« Un homme sans titre » est un récit d'une grande douceur pour dire la dureté implacable des conditions de vie d'un ouvrier immigré dans les années 60 et 70, puis le reflux aussi inhumain, lorsque la SMN ferme ses grilles sur fond de calcul de rentabilité, devant l'afflux d'aciers moins couteux venus d'ailleurs. Dans cet hommage à son père, l'auteur ne traque pas les traces de vie d'un héros, il donne l'image émouvante et pleine d'humanité d'un homme fragile dont l'histoire a creusé les failles jusqu'à l'écraser totalement. Devant cette réalité, l'auteur s'efface, en choisissant d'aborder son propre parcours discrètement, seules quelques allusions réussissent à l'esquisser en creux, dans l'ombre de son père retrouvé.
Ce père à qui il s'adresse directement à la fin du livre revendiquant son héritage, celui d'une rage partagée, celle qui lui a fait dresser la tête et assumer ses différences. Héritage d'un courage, celui de demander pardon, celui de choisir la traduction littérale de son nom pour ne rien oublier, pour affirmer un lien dont il est fier.
Ce roman vient s'inscrire parmi les récits d'auteurs qui ont voulu témoigner de leurs origines en mettant en scène la distance que leur vie a creusée. Xavier le Clerc apporte ici un témoignage original par le ton, par le style, par l'analyse fine et percutante de l'hypocrisie sociale. Je remercie Babelio et les éditions Gallimard de m'avoir permis cette découverte.
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critiques presse (2)
Culturebox
02 janvier 2023
Un livre touchant et plein de nuances d’une grande justesse de ton. Et un livre qui se termine par un plaidoyer étonnant de l'auteur qui explique pourquoi il a changé de nom. Il s’appelait Hamid Aït-Taleb, il est devenu Xavier Le Clerc.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Culturebox
19 septembre 2022
Un livre touchant et plein de nuances, qui se termine par un plaidoyer étonnant de l'auteur qui explique pourquoi il a changé de nom. Il s’appelait Hamid Aït-Taleb. Il est devenu Xavier Le Clerc.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (47) Voir plus Ajouter une citation
Mon père n'était vraiment pas un héros, au sens où l'entendait le gamin que je deviendrai plus tard et qui rêverait à l'école du panache des Trois Mousquetaires. Lui qui trimait à l'usine n'avait pour ennemi que la peur du lendemain. Analphabète comme ma mère, il avait cette hantise du manque qui le rongeait jour et nuit, jusqu'aux plateaux des hauts-fourneaux, où il se rendait en bus avec sa gamelle cabossée pleine de riz sans sauce. [...] Les soirs de la troisième semaine de chaque mois, mon père qui n'avait plus un centime, pas même de quoi acheter une plaquette de beurre pour l'étaler sur le pain, devenait fou et colérique. Dans la lumière pisseuse d'une ampoule qui pendait à un fil accroché au plafond, il hurlait sur sa femme enceinte et sur ses enfants, sans retenue. Il ne lui restait que des dettes, plus un seul meuble d'occasion à troquer, si ce n'est une table en formica jaune canari et quatre chaises assorties aux pieds chromés. Petit comme j'étais, impossible de savoir à quoi mon père pensait quand il retrouvait son calme. Ce n'est qu'en grandissant que j'ai compris qu'il y a les pères qui accumulent les connaissances, les richesses, les voyages et ceux qui perdent le peu qu'il détiennent, encore et encore, jusqu'à finir dépossédés de tout amour propre, résignés et dociles, dans la chaleur suffocante de l'usine et des coulées de métal en fusion. (P. 49)
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Avant de me coucher, comme presque chaque soir, je me plongeai dans Les Trois Mousquetaires. Ce qui me transportait, c'était moins les rêves de cape et d'épée que le maniement de la langue française. Des mots qui me faisaient oublier les engueulades des voisins du troisième, les pleurs étouffés sous les draps de Keltoum ou les ronflements de Mustapha. Le livre que j'avais piqué à la bibliothèque renfermait des cavalcades effrénées, des duels sans pitié et tout cela devait tenir sous mon matelas. Je redoutais que Larbi ne le découvrît: une dénonciation m'aurait valu un châtiment à la hauteur du forfait. Je culpabilisais tellement d'avoir volé un tel trésor que je m'étais juré qu'un jour j'en écrirais plusieurs, qui trôneraient eux aussi sur les étagères, et à leur tour seraient volés par un enfant venu d'une barre de béton. (P.80)
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Je dois tout à la France, aux bonnes sœurs de Normandie qui m'ont habillé dans ma prime enfance, aux professeurs qui m'ont élevé, aux docteurs qui m'ont soigné, aux bibliothecaires qui m'ont nourri, aux conducteurs de trains et de bus qui m'ont transporté, aux HLM qui m'ont logé. Ayant voyagé dans le monde entier, je ne connais pas de pays aussi lumineux. A tel point que si je n'ai pas dans le malheur de la guerre I'honneur, comme mon arriere-grand- pere Said ou mon grand-oncle Moussa, de mourir pour la France, j'aimerais que l'on dise de moi, le temps venu, que j'aurai au moins bien vécu pour elle.
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Je me rappelle un colis de mon père. Une fois la ficelle de jute dénouée, les multiples épaisseurs de scotch marron lacérées aux ciseaux, la surveillante me remit un gros sac en plastique qui contenait des cacahuètes à éplucher. Je me demande encore, alors qu'il ne savait ni lire, ni écrire, qui s'était chargé d'indiquer l'adresse sur le colis. Encore aujourd'hui, lorsque je reçois des achats en ligne, je repense à ce paquet- là, non par nostalgie mais parce que ce souvenir m'aide à distinguer l'essentiel du superflu. Le langage courant utilise ce mot pour désigner des objets sans valeur, mais pour moi les cacahuètes évoqueront toujours la valeur et le goût du réconfort. (P.58)
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Le petit Mohand-Saïd qui n'avait connu que des hommes -...-, rongés par la misère, jamais ne se demandait si la vie valait la peine d'être vécue. Si son visage grimaçait à cause de lourdes charges, son cœur restait léger grâce à un oiseau, me racontait-il. C'était un rossignol de la forêt interdite où il avait ramassé du bois sec, mais aussi des glands pour se nourrir. Les trilles de cet oiseau l'avaient tellement ébloui qu'il lui avait prêté un serment d'amitié. Mohand-Saïd lui avait même donné un nom, dont je ne me souviens plus. Son récit ressemblait à un conte berbère, et je percevais enfant, à l'écoute attentive de mon père, une frontière ténue entre la magie et ses souvenirs. L'enchantement lui avait permis de survivre - à moins qu'il ne l'eût inventé pour m'apaiser.
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Videos de Xavier Le Clerc (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Xavier Le Clerc
Écrire des livres permet parfois de rendre justice, de remettre un peu d'ordre dans la vie : Sabyl Ghoussoub et Xavier le Clerc sont des enfants de la guerre (du Liban pour l'un, de l'Algérie pour l'autre) et de l'exil familial. Ils ont choisi de raconter la vie de leurs parents fuyant la fureur et la misère, abandonnant leur famille pour cette France qui intègre si bien leurs enfants.
Dans Beyrouth-sur-Seine, Sabyl Ghoussoub interroge les souvenirs de son père, poète de PMU qui trimbale son passé dans des sacs plastique, et de sa mère, prêtresse WhatsApp du Liban familial.
Dans Un homme sans titre, Xavier le Clerc rend hommage à cet enfant affamé décrit par Albert Camus, devenu ce père taiseux, cet ouvrier invisible qui nourrit sa famille, tête baissée. Deux magnifiques déclarations d'amour filial.
Rencontre avec Sabyl Ghoussoub (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/sabyl-ghoussoub/) et Xavier le Clerc (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/xavier-le-clerc/)animée par Salomé Kiner (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/salome-kiner/)et enregistrée en public en mai 2023, au Mucem, à Marseille, lors de la 7e édition du festival Oh les beaux jours !.  
__ À lire
Sabyl Ghoussoub, Beyrouth-sur-Seine, Stock, 2022 (prix Goncourt des lycéens 2022). Xavier le Clerc, Un homme sans titre, Gallimard, 2022.
__ Montage : Arthur James Voix : Benoît Paqueteau Photo : Nicolas Serve Un podcast produit par Des livres comme des idées (http://deslivrescommedesidees.com/).
__ La 8e édition du festival Oh les beaux jours ! (https://ohlesbeauxjours.fr/) aura lieu à Marseille du 22 au 26 mai 2024.
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