Dans la lignée de la guerre, Le Clézio poursuit son entreprise de détestation-fascination de la modernité consumériste. Nous sommes en 1973.
L'espace du supermarché (ou plutôt de l'Hypermarché), largement paré de son parking, devient un univers totalitaire, destiné à priver les humains de toute autonomie, de tout langage propre et de toute pensée. Plus exactement, les Géants imposent désormais aux humains leurs pensées, leurs mots et leurs désirs et gare à qui tente d'échapper à leur emprise. Pourtant, comme dans La guerre, la modernité n'est pas purement et simplement condamnée au profit du retour à la nature. Certains pans du monde moderne sont valorisés esthétiquement, comme les machines, ou comme refuge comme les stations-services. D'autres au contraire sont purement mortifères comme l'électricité.
Dans ce style magnifique, qui n'appartient qu'à lui, Le Clézio nous plonge dans cet écartèlement entre horreur et fascination. Peu de personnages, mais ceux qui apparaissent sont archétypaux, la jeune fille Tranquillité, le jeune homme Machines et le gamin Bogo le Muet, le seul qui porte un réel espoir. On retrouvera des figures d'enfants similaires dans Mondo.
On songe aux films de Jacques Tati, mais sans la légèreté et l'humour du cinéaste, ou à 1984 pour le côté totalitaire.
Je ne me lasse pas de le Clézio, de ses visions larges, de sa prose splendide et de sa réflexion encore si actuelle.
La théorie du complot trouve toute sa place dans ce roman de le Clézio. La voix narrative ne cesse de nous alerter sur la présence cachée de ceux qui tirent les ficelles de ce monde : les tyrans, les forces du marché, les grands groupes industriels. le lieu symbolique de ces maîtres omnipotents est l'hypermarché Hyperpolis, sorte de parc d'attractions de la société de consommation. Des lumières pétantes qui ne font qu'éblouir, des rayonnages exubérants de produits inutiles et d'interminables parkings pour le plus grand bonheur des adeptes des bouchons. Mais plus que la dénonciation de l'hypermarché, Le Clézio évoque surtout l'extraordinaire pouvoir du langage, avec sa force de persuasion et de conviction au service des décideurs politiques, religieux et, surtout, économiques. Un détournement du langage qui devrait avant tout être source de rencontre et de beauté, créateur de poésies et d'histoires.
Les Géants est un roman de science-fiction, et une parabole sur les dangers de la société de consommation. Ces Géants sont les Géants de la grande distribution qui contrôlent la population en la maintenant dans l'espace d'Hyperpolis, un centre commercial gigantesque où les hommes et les femmes déambulent sans fin, à peine conscients d'eux-mêmes, au milieu de lumières qui les hypnotisent et de produits de consommation qu'ils sont amenés à convoiter. Au milieu de la population, une poignée d'êtres vont se distinguer – parmi eux, la jeune fille Tranquilité. C'est cette dernière que l'on suit égarée au milieu du centre commercial, et soumise à la douloureuse tentation d'acheter, submergée de stimuli visuels et sonores.
Un livre difficile à commenter. Il n'y a pas vraiment d'histoire mais une suite d'idées et de phrases qui petit à petit nous hypnotise comme les consommateurs dans Hyperpolis. Après quelques pages je me suis laissé happé par la merveilleuse plume de le Clézio qui nous dit qu'au fond le langage devrait servir à exprimer la beauté, à créer des rencontres entre les Hommes et non à les asservir à quelques puissants Maîtres du monde.
Une lecture atypique qu'au final j'ai beaucoup aimé !
C'est un roman moderne : pas forcément le meilleur de l'auteur, mais cela reste du le Clézio avec toute la force de sa plume.
Cette force est cette fois mise au profit d'une critique de la société de la consommation au travers de ses temples que sont les supermarchés.
Ce sont des scènes de guerre qui nous sont décrites. Les lettres dessinent des images hors du réel. L'effet hypnotique est réel.
Ce livre est une critique de la société de consommation. La population est hypnotisée par la lumière d hyperpolis : un grand supermarché. Des tyrans, observent et dictent leurs règles à ces hommes. Ils endorment la population pour mieux régner. Ces tyrans sont les grands groupes industriels.
Pour être une belle machine, il faut d'abord enlever sa tête, c'est ainsi. Il faut perdre toutes ses pensées, tous ses mots, toute l'organisation bavarde et prétentieuse. Il faut que la pensée soit ailleurs, dans le centre du corps, dans les bras, les jambes, et sur la peau de métal. C'est ça qui est le plus douloureux, parce que les hommes n'aiment pas trop perdre leur tête. Ils sont tellement habitués à vivre à l'intérieur de leur tête, comme des drôles de mollusques.
Les cailloux n'ont peur de rien. Ils n'ont pas peur de l'orage, de la mort, du soleil, de la mer. Les dents des cachalots déchirent tout, les hommes, les baleines, les navires, mais elles se brisent sur les cailloux.
Il y a plus de matière, ici, et là, partout, que de mots dans la langue. Alors qui ose encore parler de conscience ? Qui ose encore dire,
« Je… »
« Moi je… »
« Je pense que, je dis, j’écris… »
C’est ainsi, maintenant, la carapace de ciment recouvre la terre, elle est hermétique et dure, rien ne peut la pénétrer ; les fleuves roulent dans de grands égouts, les cataractes sont prisonnières des barrages. Jusqu’au fond du ciel, jusqu’au fond de la mer, jusqu’au fond des volcans, il y a un homme.
L'homme peut s'arrêter, et regarder autour de lui avec son drôle d'oeil de poisson mort. Le monde est suspendu un instant en équilibre au-dessus de l'abîme, puis il oscille, lentement, et il retombe; il roule le long de la pente invisible, il gagne de la vitesse, il descend, de plus en plus vite, il déboule sur sa route inconnue.
Quel est le personnage principal ?