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Critique de AgatheDumaurier


Splendide ! Noir ! Et quel titre ! "Après la guerre", la guerre n'a pas de fin, visiblement...
Quand j'ai lu Charlotte Delbo, rescapée, comme le personnage principal du livre, d'Auschwitz, j'ai été naïvement horrifiée de voir le silence qui avait entouré le retour des camps, et peu à peu j'ai compris ce que le Corre nous dit ici : qu'après la guerre, pendant plus de vingt-cinq ans, ceux qui marchaient dans la rue étaient les mêmes que pendant la guerre. Et pas que dans la rue, partout, dans la police en particulier, dans les grands corps de l'Etat. D'où le silence. Qui depuis a été levé, car ils ne sont plus très frais, tous ces braves gens. Alors maintenant, on y va pour la mémoire. Devoir de mémoire. Vieux motard que jamais. Avant la guerre.
Bref, c'est exactement ce que nous dit Hervé le Corre. Bordeaux, 1960, 61. Une chape de plomb sur la ville si marécageuse que jamais métro ne put y être construit. Une sorte de Derry français, si je puis me permettre cette comparaison kingienne, avec un coeur vicié par le commerce triangulaire, entre autres. le commissaire Darlac, Albert Darlac, y fait régner sa loi. Il a beaucoup collaboré quinze ans auparavant, beaucoup profité, beaucoup spolié...Il a épousé une "pute à boches" qu'il maltraite et méprise rigoureusement, et a une fille, Elise. C'est un violent, le commissaire. Personne ne songerait à l'embêter. de toute façon, il tient tout le monde, parce que tout le monde a quelque chose à se reprocher, quelque chose de sale à cacher.
Cependant...Une ombre s'est faufilée en ville, et a assassiné une petite ordure d'ex milicien proche du commissaire...Puis a failli étrangler Elise et lui a dit de prévenir son père qu'il était là revenu pour se venger...L'ordre fragile fondé sur les marais pestilentiels est-il menacé ?
Mais en fait, ce sera plus complexe que cela. Parce qu'il faut ajouter la nouvelle guerre qui s'amorce, celle dont on ne parle jamais vraiment, celle qui, aujourd'hui, dans une belle mise en abîme du roman sur nous-mêmes, est étouffée dans le silence, la guerre d'Algérie... C'est un troisième personnage, totalement lié aux autres, qui y est embarqué, Daniel, fils de deux déportés , dont la mère est morte dans les chambres à gaz, et qui va lui-même se retrouver face à des mères et des enfants, arme à la main...
L'auteur dépasse largement le cadre du genre pour poser des questions essentielles sur une époque qui est presque la nôtre, qui pourrait devenir la nôtre. Sa vision de la nature humaine est caractéristique de notre temps : atroce. Aucun espoir, entre les lâches, les flambeurs insouciants, les violents, les idiots, les profiteurs, les tueurs, les fous. Enfin si, il reste les femmes. Totalement écrasées par l'ordre patriarcal, elles réussissent quand même à émettre un peu de lumière dans la nuit. Mais bon, c'est peut-être le rêve d'un auteur masculin...
Magnifique livre ! Mais j'espère bien que nous ne sommes pas avant la guerre...
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