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Critique de michfred


"Sauf des mouchards et des gendarmes,
On ne voit plus par les chemins,
Que des vieillards tristes en larmes,
Des veuves et des orphelins.
Paris suinte la misère,
Les heureux mêmes sont tremblants.
La mode est aux conseils de guerre,
Et les pavés sont tout sanglants.

Oui mais, ça branle dans le manche
Les mauvais jours finiront
Et gare à la revanche
Quand tous les pauvres s'y mettront! "

La Commune de Paris m'a toujours fascinée, passionnée.

Elle m'a aussi broyé le coeur. Comme cette chanson, sur des paroles de Jean Baptiste Clément.

La Commune, avec ses rêves, son utopie faite réalité  pour deux petits mois seulement-  après la défaite de Sedan, la Commune de Paris est assiégée par ses ennemis historiques, les Prussiens, objectivement alliés à ses ennemis naturels, les "Versaillais" de Thiers et Mac-Mahon, qui affame les insurgés avant de les écraser. S'ensuit une répression impitoyable.

Et sanglante. Comme les pavés de la chanson...

La Commune et la Semaine Sanglante: une page d'histoire tellement honteuse que pendant des années,  celles de mon enfance, en tout cas, les manuels scolaires se gardaient bien de la mentionner..

Seules des chansons en véhiculaient alors la mémoire.

"On l'a tuée à coups d' chassepot,
A coups de mitrailleuse,
Et roulée avec son drapeau
Dans la terre argileuse
Et la tourbe des bourreaux gras
Se croyait la plus forte.

Tout ça n'empêch' pas,
Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !"

...me chantait de sa belle voix de basse Marc Ogeret qui avait repris cette chanson,  avec d'autres de la même période.

Autre chanson, dont le refrain, comme celui de la chanson de Clément, laisse espérer une résurrection, une survivance, un espoir de renaissance. Une revanche.  

 Je me suis souvent demandé à qui pouvait ressembler le Nicolas auquel le chansonnier tente de remonter le moral contre massacres et  désespoir.

Désormais, pour moi,  il a les traits du jeune Nicolas imaginé par  Hervé le Corre, dans l'Ombre du brasier...

Un Nicolas qui tout en faisant sauter les canons ennemis parvenus aux portes de Paris, en sautant de barricades en embuscades, tente de retrouver sa belle, Caroline, indépendante et forte, infirmière d'occasion, ouvrière comme lui, enlevée par un dangereux maniaque,  Pujols ,  un nouveau Maldoror, violent et pervers, dont les crimes sanglants passeraient presque inaperçus dans le carnage ambiant...Clovis, une sorte de Quasimodo, velu et muet, hanté par un passé lourd, est l' homme de main de Pujols dans l'exécution de ses basses oeuvres.

Un ouvrier du livre ,  Antoine Roques, que la Commune   a fait officier de sécurité a, de son côté,  pris sa nouvelle fonction au sérieux et tente, malgré l'apocalypse annoncée, de mettre la main sur le criminel. Au risque de se perdre.

Un Marius, une Cosette, un Frolo, un Quasimodo, un Javert...Hugo n'est pas loin, ni celui des Misérables avec un Paris insurgé et rebelle,  ni celui de Notre Dame de Paris, avec ses icônes du Mal ..

On pense aussi à Vallès, à Sue..mais chez le Corre, les personnages, attachants, moins simplistes qu'on ne pourrait l'imaginer, sont pourtant des silhouettes perdues dans une tourmente qui les habite et les dépasse. 

 Hyper documenté,  écrit avec un lyrisme visionnaire et un réalisme très cru, Dans l'ombre du brasier est un incendie tragique  où s'agitent sans espoir de petites existences menacées d'extinction.

Plus encore que la survie, les retrouvailles, la rédemption ou le châtiment qui les attend, c'est le ballet fou de leur chassé-croisé dans cet enfer que le lecteur suit avec une terreur mêlée de pitié. C'est ainsi que je l'ai lu -dévoré et aimé ! -  pour ma part.

Et comme tout finit par des chansons, voici le dernier couplet  de la Semaine sanglante de J. B. Clément. ..

"Le peuple au collier de misère
Sera-t-il donc toujours rivé ?
Jusques à quand les gens de guerre
Tiendront-ils le haut du pavé ?
Jusques à quand la Sainte Clique
Nous croira-t-elle un vil bétail ?
À quand enfin la République
De la Justice et du Travail ?"
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