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Jacques Papy (Traducteur)François Rivière (Préfacier, etc.)
EAN : 9782253087793
124 pages
Le Livre de Poche (25/08/2004)
3.88/5   739 notes
Résumé :
Vingt-cinq ans avant le Dracula de Bram Stoker, un autre Irlandais, Sheridan Le Fany écrit une longue nouvelle de vampires qui marquera l'histoire du genre : Carmilla. Gothique, érotique, fantasmatique, scandaleuse, freudienne... : découvrez ou redécouvrez l'une des œuvres majeures de la littérature fantastique.
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Critiques, Analyses et Avis (148) Voir plus Ajouter une critique
3,88

sur 739 notes
Hasard ou choix inconscient, je me retrouve à lire une histoire de vampires durant le « dia de bruxa » (se prononce « brrouch' »), jour des sorciers / sorcières ici au Cap-Vert (comme toutes les voyelles finales sont escamotées, et que tout le monde s'en fout, le genre reste plutôt indéterminé…), fête possiblement traditionnelle — coïncidant vaguement avec l'Haloween à présent commercial — où tout un chacun en profite pour s'exercer au vol sur balais, et plus sûrement à bambocher jusqu'au matin, jour de tous les saints…

Présenté comme le premier véritable roman de vampire, brandissant son antériorité d'une génération avec son plus illustre représentant, ( non… ni Annie Lennox… ni Robert Smith… mais Vlad Dracula ! ) ayant connu de nombreuses éditions et traductions successives (toujours le même souci… laquelle choisir ?) — ici c'est la version Actes Sud dont je vous parle, éditeur connu entre autres pour sa passion, parfois douteuse, des nouvelles traductions — ce petit livre de tradition gothique brille surtout par la grande variété d'interprétation qu'il propose, ainsi que par la trouble sensualité qui s'en dégage.

L'analyse qu'en donne son traducteur Gaïd Girard, bien qu'excellente, parait à présent un peu datée (1996), tant une lecture post-moderne de ce livre est à présent impossible à éviter, ouvrant ainsi la voie à une énième ré-édition, ce que la très graphique et conceptuelle maison Tendance Négative a semble-t-il réalisé (deux-trois différences dans les traductions semblent l'indiquer… sinon, l'objet est superbe, percé de part de deux petits trous…). On pourrait y parler de la culture du viol propre aux vampires, bien que Girard parle déjà d'indécision sexuelle…
Enfin bref, une histoire de vampire à consonance saphique, cela ne peut qu'interpeler…

En passant, on remarquera encore une quatrième de couverture qui divulgache tranquillement toute l'intrigue, en deux phrases seulement. Rassurez-vous, ce n'est pas celle-ci qui est reprise sur la fiche Babelio…

Sinon le livre en lui-même présente une séduisante histoire à tirer par les cheveux, efficace dans son écriture et dans ses non-dits (à se demander si la censure n'était pas aussi une lumineuse contrainte littéraire…), certes assez courte et sans grandes surprises, mais justifiant amplement son statut de classique.

On s'habituera à considérer trois étoiles comme une jolie note, pour ces livre incontournables dont le souvenir se résume parfois à un hochement de tête, une croix dans la marge, sans que les poils ne s'hérissent pour autant…
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Château isolé, forêt sombre et mystérieuse, paysages brumeux, héroïne pure et naïve… Tous les ingrédients du roman gothique sont là et si le lecteur d'aujourd'hui connait la recette et ne sera donc pas surpris, « Carmilla » reste un petit bijou du genre et procure un immense plaisir de lecture.

Je peux sans peine imaginer que le lecteur de 1872 pouvait trouver ce récit angoissant et être surpris par son intrigue. Bram Stoker n'avait pas encore publié son « Dracula » qui allait apporter une consécration définitive à la figure du vampire. Lorsqu'on découvre « Carmilla » aujourd'hui, il n'en est pas de même. La figure du vampire a été surexploitée, que ce soit dans la littérature, au cinéma ou à la télévision, parfois pour le meilleur, le plus souvent pour le pire. On est maintenant très habitués à tous les motifs récurrents à ces histoires. le roman de le Fanu ne provoque donc pas aujourd'hui le même effroi et dès le début du récit on devine les tenants et les aboutissants.
Malgré tout, le plaisir de lecture est bel et bien là. L'intrigue, si elle ne surprend pas, est parfaitement menée. J'ai aimé la belle simplicité de l'intrigue, son côté direct qui lui donne un peu l'aspect d'un conte pour adultes.
L'auteur sait instaurer une ambiance gothique très séduisante. Les amateurs de ce registre seront comblés. de plus, le récit distille une sensualité très troublante. Cette évocation à demi-mots d'un désir lesbien est assez piquante. La relation fusionnelle des deux jeunes filles, à la fois passionnée et macabre, a un côté fascinant.

J'ai énormément apprécié cette lecture que j'ai trouvée poétique, magnétique, en un mot ensorcelante. J'ai été séduite par la plume et le talent de conteur de le Fanu et j'ai bien envie de lire d'autres oeuvres de cet auteur.

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La réussite de ce petit roman est la narration, qui est tenue par une adolescente Laura. Sheridan le Fanu fait évoluer le récit dans une atmosphère de surprise et de toute naïveté possible correspondant bien sûr à l'adolescence, ça en fait un beau récit qui se lit d'un seul trait, avec effervescence bien sûr. Carmilla envoûte, séduit et fascine, de la manière la plus normale, elle sait se faire inviter par ses proies ciblées à l'avance, sa rencontre avec la pupille du général Spielsdorf à l'occasion d'un bal masqué et de Laura, notre chère narratrice après un accident survenu non loin de leur château, quoi de plus normal que venir en aide aux personnes victimes d'un accident qui se déroule sous vos yeux. Laura et son père recueillent Carmilla qui est dans un état bien critique pour pouvoir continuer la route...he oui, quoi de plus normal que d'exprimer sa compassion envers une personnes en état de faiblesse, faiblesse de mon œil, oui!...c'est de la ruse, une malignité empoisonneuse, une bonne stratégie pour des âmes venimeuses de s'intégrer et enfin mettre en œuvre leur projet de nuisance, de destruction. Depuis l'arrivée de Carmilla dans le château, une épidémie se déclare dans les environs, la mort survient à tout moment, la terreur s'installe...juaqu'à ce que Carmilla en vienne à pincer Laura avec ses crocs malgré toute l'attraction qu'elle exerce auprès de la jeune fille...le sang adore le sang sans distinction...
Une véritable dégustation!
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Ça y'est je suis enfin passée au numérique. Moi qui me disais toujours contre, j'ai succombé à la tentation et me suis offerte une liseuse Sony.
Carmilla est un des premiers romans que j'ai téléchargé et le premier que j'ai lu sur ma tablette.

Et j'ai été conquise déjà rien qu'avec l'ambiance. Ce château isolé du monde à quelque chose de vraiment envoûtant.
Et puis très vite des phénomènes surnaturels surviennent.

La narratrice, Laura est une jeune fille à laquelle on s'attache très vite. Elle se confie à nous sous la forme d'un journal et parle à la première personne, ce qui fait qu'on se sent très proche d'elle.

Carmilla quand à elle est un personnage étrange car on l'a connait peu. Elle ne se livre que très peu se qui l'a rend fascinante.

Ce livre est un classique, publié pour la première fois en 1872 et pourtant le texte n'a absolument pas pris une ride. Il se lit très facilement, l'écriture est très fluide et j'ai été charmé par les descriptions des paysages qui entourent le château. Il y avait quelque chose de très poétique dans la description des lieux et l'auteur y glissait juste assez de détails pour que l'on s'imagine parfaitement le décor.

La relation entre Laura et Carmilla est vraiment très sensuelle. Jamais l'auteur ne dit clairement les choses mais laisse supposer beaucoup. Laura est clairement fascinée par sa nouvelle amie, elle nous l'a décrit comme étant d'une grande beauté et passe beaucoup de temps avec elle. Est-ce uniquement de l'amitié ou un amour interdit? C'est aux lecteurs de le deviner, car rien n'est dit. En tout cas cette relation est intrigante et ne fait que renforcer le suspense prenant de l'intrigue.

Une vrai belle découverte que je recommande à tous les amateurs de vampires mais pas seulement.
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Immanquablement, le thème du vampire m'évoque, de première intention, un dessin de Victor Hugo (Le château au clair de lune) qu'Omnibus Editions utilisa en une de couverture des « Oeuvres » de Bram Stoker. La sombre et frêle demeure m'évoque, plus que tout autre illustration, le château de Dracula. Il est racé, élancé, parait fragile et cassant comme taillé dans du verre filé teinté de noir. Il se montre mystérieux dans l'obscurité naissante quand, baigné d'ombres incertaines et inquiétantes, au crépuscule brumeux d'un soir défunt, le comte sort du caveau les canines humides. On y retrouve la dichotomie à l'oeuvre dans son personnage : sa sophistication aristocratique diurne face à ses cruels emportements nocturnes. Dracula, en homme intelligent confronté à sa barbarie, est la référence obstinée du genre. Il n'est pourtant pas le seul vampire remarquable de la littérature. Il y eut aussi, bien avant, la belle Carmilla aux amours saphiques. Ce château est, tout autant, celui que nous laisse entrevoir Sheridan le Fanu, d'autant qu'il possède une élégance toute féminine.

« Carmilla » mérite que l'on s'attarde sur son cas car, loin d'être anecdotique, la novella préfigure par bien des détails, le mètre-étalon vampirique que devint Dracula (26 ans plus tard) et tout ce qui s'en suivit à l'aune de la littérature moderne, du cinéma, de la bande-dessinée, des séries-TV ... etc.

« Carmilla » (1871) semble être, au-delà des ancestrales croyances populaires d'Europe Centrale, un des trois textes fondateurs de la littérature vampirique. On trouve chronologiquement : « le Vampire » de John William Polidori (une nouvelle de 1819), « Carmilla » de Sheridan le Fanu et « Dracula » de Bram Stoker (un roman de 1897). le dernier m'avait enthousiasmé (il y a maintenant longtemps), on y trouve des passages épiques sous une forme épistolaire, originale, inspirée et très bien agencée. Je n'ai jamais lu le premier cité (çà viendra, il est aisément trouvable en domaine public numérique).

Pour maints lecteurs, le vampire littéraire premier, celui en référence ultime, reste le « Dracula » de Bram Stoker. Son nom, d'emblée à l'esprit à l'évocation de ce membre du bestiaire des morts-vivants (et peut-être même du genre littéraire Fantastique tout entier ?), cible le plus (re)connu des membres de la confrérie des taste-sang. Il est le Goûteur passionné des millésimes primés, Celui assoiffé de sangs bleus (le plus souvent féminins). Dédaigneux des moins nobles sinon dans l'urgence, il a l'élégance fascinante de l'aristocrate racé. Il salive dans l'ombre de ses canines acérées ; sa proie bientôt consentante dépérit et meurt.

« Carmilla », de moindre notoriété au point d'en paraitre tirée de seconde pression, parait (à tort) vampire du pauvre et resucée affaiblie d'une thématique surexploitée. Et pourtant … le roman possède une double spécificité: il est de 26 ans antérieur à « Dracula » ce qui le rend presque pionnier, son héroïne est, chose étonnante et singulière pour l'époque (1871), un vampire saphique. La parution et la distribution de l'ouvrage ne semble pas s'être fait sous le manteau. Il y a une raison très précise à cela : Le Fanu ayant offert à Carmilla (et par effet rebond à Laura, sa victime) une passion amoureuse partagée pour quelqu'un de son sexe, une étonnante magie de style d'écriture, sans scandale attaché, opère à décrire leurs amours. Le Fanu use de termes paradoxalement chastes et romantiques, sibyllins et évasifs. La censure ne dit mot. Un critique, beaucoup plus tard, la jugea perverse et, vrai, il y a de çà, aussi. On a l'impression d'une relation essentiellement épidermique alors que rien ne vient vraiment l'étayer. Les joues rougissent, les mains se serrent, les tendres baisers s'échangent, les mains sur les hanches se posent, les chevelures se caressent, les crocs de Carmilla plantés en creux de cou … allez, circulez, il n'y a rien à voir, faites donc travailler votre imagination. Et çà marche … Laura et Carmilla semblent les deux faces d'une même pièce, les deux pôles d'un aimant s'attirant et se repoussant, le Bien/le Mal noués par la passion, Laura le jour et sa pleine lumière, Carmilla la nuit et ses ombres, Dieu et diable, Ombre et Lumière … et pourtant la passion les lie, fascinante et irrationnelle. Troublante configuration, sans espoir dans le statut quo. …

Carmilla : « Je vis de ta vie chaude – et toi tu mourras doucement – de la mienne. C'est ainsi, je ne peux rien empêcher. Comme je vais vers toi, à ton tour tu iras vers d'autres et tu connaitras l'ivresse de cette cruauté qui est quand même de l'amour. »

de son côté le « Je narratif » de Laura, la victime, dissèque au plus près ses états d'âmes naïfs et ambigus ; le caractère épistolaire de « Dracula » ne s'y prêtera pas (ou moins). Le Fanu décrit, avec patience et lenteur, deux profils psychologiques serrés et aboutis plus qu'il ne taille dans l'horreur des faits anormaux se succédant jusqu'à leur conclusion sanglante. La force de frappe anti-vampire est, déjà, entre les mains d'un personnage voisin de van Helsing : sortez l'ail, les pieux et les masses, le sabre qui décapite, le pal et le bûcher. Tous les moyens classiques pour se débarrasser de l'assoiffée nuisible aux canines acérées sont là. Ne manquent que le reflet absent dans le miroir, l'eau bénite et le crucifix (encore qu'un simple convoi funéraire conduit par un prêtre y suffit).

Pour le lecteur déjà familier du « Dracula » de Stoker, lire la novella de le Fanu c'est emprunter un parcours où il est malaisé de se déconnecter du vampire-étalon. Son omniprésence écrase tout. La comparaison est inévitable.

Carmilla et Dracula. Deux styles de plume lyriques et emphatiques, de même époque ou presque, de même école. Tous deux parfaitement lisibles, fluides, attrayants et prenants, presque addictifs ; romantisme et sensualité mêlés (mention + pour le premier).

Carmilla et Dracula. Deux ambiances cousines, sombres, macabres et lugubres, gothiques l'une l'autre, en noirs et blancs quasi exclusifs, les gris voilant et troublant la perception claire de ce qui, aux aguets, menace. Une nature sauvage presque impénétrable, Styrie (Autriche) du XIXème siècle pour le premier, Transylvanie (Roumanie) pour le second. Forêts primaires à perte de vue, châteaux perchés en nids d'aigles, chemins creux, étroits et boueux. Froid, neige et pluie, brumes et brouillards. Loups hurlant à la Lune. Nobliaux campagnards dans leurs rôles ancestraux : fiers, hautains, condescendants et protecteurs ; gens du peuple respectueux et serviles : bucherons et paysans, valets et servantes, colporteurs à colifichets, pentagrammes et potions miracle. Les personnages féminins sont marqués de soumission, l'émancipation de la condition féminine est bien loin encore.

« Carmilla » : je l'avais sous deux traductions : celle d'Alain Dorémieux (Fiction n° 83, octobre 1960) et celle, non créditée, en ebook du domaine public. « Carmilla » étant une novela somme toute assez brève, j'ai lu les deux simultanément, petits bouts par petites bouts, revenant sans cesse d'une traduction à l'autre. Je m'étais voulu, en fin(s) de lecture(s), comparatif des rendus réciproques, mais au regard de ma quasi impuissance à lire l'original en anglais je me suis demandé de quel droit juger. le fait serait anecdotique si les lectures en parallèles n'avaient laissé remonter de l'inattendu. La version de Dorémieux semble rabotée à l'essentiel, dégraissée du superflu, afin, sans doute de coller à la nature du support, une revue mensuelle, dont la raison d'être était de laisser place indispensable à d'autres nouvelles. L'autre traduction, par la présence de considérations, de faits et de descriptions absentes de la première, est sans doute plus proche de l'originale. Nul doute que Dorémieux ai taillé dans le gras pour répondre à des impératifs de mise en place (il était en 1960 le rédacteur en chef du magazine) tout en laissant l'esprit original perdurer via une version épurée, nécessaire et suffisante. Je préfère le travail de Dorémieux à l'autre, le rendu est plus fluide, agréable, rythmé, ne se sépare pas de la spécificité XIXème siècle tout en étant d'une certaine modernité.

La une de couverture du Fiction n°83 est un dessin, à mon sens magnifique ; il est dû à la plume et aux encres de Jean-Claude Forrest (le papa, entre autres, de Barbarella) ; il montre Carmilla en reflet-miroir (?, alors que, hein, les vampires, n'est-ce-pas, s'y dérobent.. !). Les trainées sanglantes, couleur d'hémoglobine fraiche, suggèrent au lecteur potentiel qu'au-delà du sous-titre du mensuel (« Revue littéraire de l'étrange ») il va pénétrer en territoire vampirique traditionnel (bougeoir et cadre miroir aidants). C'est aussi, après recherches, le portrait d'Annette Vadim dont le mari Roger fit une adaptation cinématographique du roman en 1960 (l'année de parution du dit Fiction). Un titre différent y fut accolé : « Et mourir de plaisir » ; bien qu'il centre davantage le fond du récit, il n'a survécu que le temps de quelques images/seconde, le film n'ayant pas le succès escompté.

« Carmilla », celui de le Fanu, à n'en pas douter, fit frémir sous les crinolines de l'ère victorienne, sous les redingotes et les hauts-de-forme, fit s'emballer les coeurs, frissonner les épidermes. C'était le temps des lectures à la chiche lueur des bougies, pâle et tremblotante. Des ombres mouvantes, hésitantes et inquiétantes se découpaient sur les murs des chambres. On devait y voir, en ombre chinoise, le profil d'un visage aux canines proéminentes. Il n'en reste,150 ans plus tard, que le plaisir de renouer avec les racines du Fantastique, zest d'érotisme inclus ; l'effroi s'est envolé à la lueur rectangulaire des liseuses d'ebooks, au rythme des doigts effleurant les écrans, en but à une modernité qui nivèle bien des ressentis. La chronologie des évènements est sans surprise pour un lecteur du XXIème siècle, tout est lisse et prévisible.

Dracula, ses confrères et consoeurs, tous vampires d'antan, de maintenant ou de demain, ont envahi depuis quelques années, et ce jusqu'à la lie, nombre de supports médiatiques. Un ahurissant déboulé en surenchère constante d'horreur ou de parodie s'en est, hélas, ensuivi. Venus de Transylvanie ou d'ailleurs citadins, de futurs improbables, ils ont dénaturé un thème classique qui, peut-être, se suffisait à lui-même. « Carmilla » : une soixantaine de pages jaunies au coeur d'un vieux Fiction d'antan, une simple résurgence de ce qui, avant, faisait banalement peur, tout le plaisir est là.

En cet automne qui débute, laissez-vous porter par « Carmilla ». C'est un simple frisson de feuilles mortes poussées par un vent glacial de novembre. Bonne lecture.

PS : la présente chronique fait écho à une autre. Celle, sur un blog ami, mise en ligne récemment (http://livrepoche.fr/carmilla-sheridan-le-fanu/). Les propos, là-bas tenus, m'ont poussé à lire l'ouvrage à mon tour. Ce dernier ne m'était pas spécialement en PAL, stagnait dans les possibles lointains, parmi ceux, comme en attente, sur une voie secondaire improbable. Ce fut alors le concernant, sur une pulsion subite sabrant sur pattes les favoris du moment, maintenant et tout de suite, le moment ou jamais. Je ne regrette pas le voyage. J'ai gardé la chronique du voisin de palier en background de lecture, sur un mode comparatif de ressentis : ils sont, au final, cousins de fond. Merci à toi, Nicolas, de m'avoir poussé sur ce sillon vampirique romanesque d'antan, surgi d'entre tous les classiques du Fantastique. PS . la chronique de Nicolas est née d'une troisième traduction : celle de Gaïd Girard chez Actes Sud collection Babel (2005).

Lien : https://laconvergenceparalle..
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[...] ... J'ai dit que de nombreuses choses me plaisaient en [Carmilla].

D'autres m'étaient moins agréables.

Mais je dois d'abord la décrire. Elle était plus grande que la plupart des femmes, mince, et d'une grâce étonnante. Malgré la langueur - l'extrême langueur - de ses gestes, rien ne laissait supposer qu'elle fût malade. Elle avait un teint éclatant, des traits pleins de finesse, de grands yeux étincelants et sombres, des cheveux magnifiques. Jamais je n'en avais eu d'aussi épais, d'aussi longs, lorsqu'ils se déroulaient sur ses épaules. Combien de fois les ai-je retenus dans mes mains, m'émerveillant de leur poids ! Ils étaient délicieusement soyeux, et d'un brun chaud avec des reflets dorés. Auprès d'elle dans sa chambre, tandis qu'étendue sur une chaise longue, elle me parlait de sa voix basse et douce, j'aimais les dénouer en les emmêlant de mes doigts, puis les natter, les enrouler, les lisser, et jouer avec eux.

Pourtant, comme je viens de le dire, certains traits de son caractère me déplaisaient. Le premier soir, elle avait su me gagner par sa franchise ; depuis, je lui reprochais sa répugnance à parler d'elle-même et de tout ce qui avait trait à sa vie. J'aurais plutôt dû respecter la recommandation faite à mon père par la dame en noir [l'inconnue d'un certain âge qui a confié Carmilla au père de la narratrice], mais la curiosité est une passion dévorante. Quel mal y avait-il à me révéler ce que je désirais si ardemment savoir ? N'avait-elle pas confiance en moi, lorsque je lui jurais de ne divulguer à personne ce qu'elle pourrait me dire ?

Mais avec une obstination qui semblait au-delà de son âge, elle persistait dans son refus à me fournir la moindre lueur. Tout ce qu'elle m'apprit se résumait à quelques faits vagues. Elle s'appelait Carmilla, sa famille était de très ancienne noblesse, , elle habitait du côté de l'ouest. Mais elle ne mentionna ni son nom de famille, ni ses quartiers de noblesse, ni le nom de son domaine, ni même celui du pays où elle vivait. ... [...]
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Elle avait coutume de me passer ses beaux bras autour du cou, de m’attirer vers elle, et, posant sa joue contre la mienne, de murmurer à mon oreille : " Ma chérie, ton petit cœur est blessé. Ne me juge pas cruelle parce que j’obéis à l’irrésistible loi qui fait ma force et ma faiblesse. Si ton cœur adorable est blessé, mon cœur farouche saigne en même temps que lui. Dans le ravissement de mon humiliation sans bornes, je vis de ta vie ardente, et tu mourras, oui, tu mourras avec délices, pour te fondre en la mienne. Je n’y puis rien : de même que je vais vers toi, de même, à ton tour, tu iras vers d’autres, et tu apprendras l’extase de cette cruauté qui est pourtant de l’amour. Donc, pour quelque temps encore, ne cherche pas à en savoir davantage sur moi et les miens, mais accorde-moi ta confiance de toute ton âme aimante."
Après avoir prononcé cette rapsodie, elle resserrait son étreinte frémissante, et ses lèvres me brûlaient doucement les joues par de tendres baisers.
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[...] ... Le juge [Harbottle] était âgé, à l'époque, de quelque 67 ans. Il avait le visage gros, violacé, le nez proéminent, la bouche sévère et brutale. Mon père, qui était alors très jeune, crut n'avoir jamais vue physionomie plus redoutable : la forme et les rides du front trahissaient en effet la puissance intellectuelle ; la voix forte, dure, prêtait une efficacité plus grande au sarcasme qui était son arme habituelle à la Cour.

Ce vieux gentleman avait la réputation d'être l'homme le plus mauvais de l'Angleterre. Même à la Cour, il manifestait parfois son dédain de l'opinion. Il influait, disait-on, sur l'issue des procès, au mépris des conseils, des ordres et même de la volonté des jurés, grâce à un mélange de cajoleries, de violences, de duperies, qui parvenaient à confondre et à vaincre toute velléité de résistance. Il ne s'était jamais réellement compromis ... Il avait bien trop d'adresse pour cela. On ne l'en considérait pas moins comme un juge dangereux et sans scrupules. Mais cette réputation ne le troublait guère ; les partenaires qu'il choisissait pour charmer ses heures de loisir s'en souciaient aussi peu que lui. ... [...]
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[...] ... - "Il était là et la méchanceté qui couvait auparavant sous son apparence abattue, se manifestait plus activement. A cette exception près, il n'avait changé en rien. Sa nouvelle énergie apparaissait dans ses gestes et dans ses regards : bientôt, elle prit d'autres aspects.

Comprenez-moi bien : pendant quelque temps, le changement ne fut perceptible qu'à sa vivacité plus grande et à son air de menace ; on eût dit qu'il concoctait constamment quelque plan atroce. Comme avant, ses yeux ne me quittaient pas.

- Est-il ici présent ? " demand[a le Dr Hesselius].

- "Non. Il est absent depuis quinze jours exactement. Il lui est déjà arrivé de m'abandonner pendant près de deux mois, ou même trois. Son absence excède toujours une quinzaine, ne fût-ce que de vingt-quatre heures. Quinze jours s'étant déjà écoulés depuis que je l'ai vu pour la dernière fois, il peut revenir incessamment.

- Son retour s'accompagne-t-il de quelque manifestation particulière ?

- Non. Il se contente d'être là. Soudain, je lève les yeux, ou je tourne la tête, du fauteuil où je suis assis à lire quelque ouvrage, et je le vois à sa place habituelle ; il y reste pendant le laps de temps qui lui est alloué. Jamais je n'en ai tant dit, tant précisé à personne." ... [...]
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Les mots sont impuissants à décrire mon trouble. Bien entendu, j'avais, comme tout le monde, quelques notions des "illusions spectrales", pour reprendre les termes dont vous, médecins, vous vous servez pour désigner ces phénomènes. J'examinai ma situation et regardai mon malheur en face.
"J'avais lu que ces affections étaient, tantôt provisoires, tantôt obstinées. Mes lectures m'avaient appris l'existence de certains cas où l'apparition, d'abord inoffensive, se transformait, peu à peu, en quelque chose de sinistre et d'insupportable, qui finissait par user les nerfs de la victime. Debout sur cette route de campagne, seul avec mon bestial compagnon, je tentai de me réconforter en me répétant ces mots: "Il s'agit simplement d'une maladie, d'une affection physique bien connue, aussi distincte que la petite vérole ou les névralgies. Les médecins sont tous d'accord là-dessus. La philosophie le démontre. Je ne dois pas agir en imbécile. J'ai veillé jusqu'à des heures trop tardives, je digère mal. Mais ce n'est qu'un symptôme de dyspepsie nerveuse et, avec l'aide de Dieu, je serai bientôt guéri." Le croyais-je moi-même ? Non, je n'en pensais pas un mot, pas plus que n'y ont jamais cru les misérables êtres victimes de cette captivité satanique. En dépit de mes convictions, et même de mon savoir, je m'efforçais simplement de m'inspirer un faux courage.
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BANDE ANNONCE - "Carmilla" - LE FANU & MAZZANTI .BANDE ANNONCE - "Carmilla" - LE FANU & MAZZANTI Collection Métamorphose - Éditions Soleil EN LIBRAIRIE LE 8 OCTOBRE 2014 © ÉDITIONS SOLEIL / MAZZANTI À l?occasion du 200e anniversaire de la naissance de le Fanu, Isabella Mazzanti illustre de façon sensible, sombre et romantique « Carmilla », une ?uvre majeure de la littérature vampirique du XIXe siècle, métaphore implacable de l?amour interdit. Bram Stoker reconnaîtra plus tard la dette qu?il a envers son compatriote lors de la parution, en 1897, de « Dracula », roman devenu culte.
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