Soudain, la sentinelle tressaillit et se redressa :
– Qui va là ? bégaya-t-elle d’une voix enrouée.
– Eh ben ! quoi, père Boucard… plaisanta le gamin en
s’approchant vivement, vous ne me reconnaissez pas ?… Nicolas
Chardonnet, l’officieux du citoyen Floridor.
L’autre écarquillait les yeux, tout pleins de sommeil.
– Nicolas Chardonnet… balbutia-t-il, c’est ma foi vrai, c’est
toi.
« Mais qu’est-ce que tu fais ici ?
– J’étais entré avec la foule pour entendre le citoyen Tallien.
Puis, voilà-t-il pas que s’produit un tumulte, que les gens
sortent en courant, qu’on ferme les portes… et que je reste
comme une souris dans une souricière…
– Fallait te faire ouvrir !
– On m’aurait peut-être pris pour un aristocrate, observa le
gamin.
– Alors, qu’est-ce que tu veux ? demanda l’épicier.
– … Que vous me laissiez passer. Vous me connaissez, vous
savez que je ne suis pas un ami du château, moi, que je crie avec
les patriotes : « Vive la Nation ! »
Tout en parlant, le gamin attirait l’attention de la sentinelle,
faisait des mines drôles et des grimaces, pour l’empêcher
de regarder du côté du prisonnier.