Lady mensonges

Avant toutes choses, mes remerciements à Babelio et aux Editions Alma, accompagnés de mes plus plates excuses pour cette critique tardive.
Je pourrais broder, distordre la vérité, pour donner une version dans laquelle je sortirais la tête haute de cette entorse impardonnable aux commandements de Masse Critique.
Vous me voyez venir ....
Comme Lady Mensonges, Mary Lindell
Cette femme à l'histoire manifestement trouble.
Je resors de ce livre avec le sentiment que oui, sûrement, l'auteur a raison, Mary Lindell n'est pas celle qu'elle prétendait être (penser le contraire serait une injure à la mémoire des déportés).
Oui, manifestement, eu égard notamment aux témoignages de gens qui l'ont côtoyée et dont la probité ne fait pas de doute, Mary Lindell est une imposture.
Je le dis sans ironie, réellement, je pense que l'auteur a raison.
Mais la juriste en moi sans doute ne peut s'empêcher de penser que la démonstration est loin d'être limpide et/ou sans appel.
Etait-ce mon état de fatigue ? J'avoue n'avoir pas compris la moitié des déductions qui amenaient Marie-Laure le Foulon à ses conclusions.
Manque de structure ? Manque d'explications ? Un peu tout ça sans doute. Mais, si au fond de moi, je me laisse convaincre de la réalité de l'imposture, je ne suis nullement convaincue par les "preuves" avancées.
Finalement, si je suis un peu passée à côté du sujet principal du livre, j'y ai par contre apprécié (d'où mes 3 étoiles) les témoignages directs de la résistance au quotidien, du procès de Hambourg, des camps de concentration ...
Apprécier n'est pas le mot adéquat ....
Comme le rappelle, dans des termes nettement plus adéquats, je ne sais plus quel témoin cité par Marie-Laure le Foulon (honte sur moi - je n'ai vraiment pas retenu beaucoup de noms), ces témoignages sont terriblement durs pour la plupart, mais nous devons à toutes ces femmes, tous ces hommes, tous ces enfants, cette lecture terrible afin que nul ne les oublie, nul n'oublie.

Mary Lindell, une femme pleine de courage si on en croit sa biographie. Si on l'écoute, c'est une figurine de la résistance, un élément incontournable. Alertée par Anise Postel-Vinay, Marie-Laure le Foulon mène l'enquête et le résultat est sans appel : Mary Lindell ment. L'auteure, s'appuyant sur des documents et témoignages d'anciens déportés encore vivants, nous démontre l'imposture dans toute sa splendeur. Mais qu'est-ce qui à motiver cette femme à mentir ? La reconnaissance, une quelconque forme de gloire et être reconnue officiellement en France comme déportée et résistante.

Et elle n'est pas la seule à faire ça. Son fils, Maurice, marche dans les traces de sa mère et ment tout autant. Sa fille et son mari sont suspectés d'intelligence avec l'ennemi, mais aussi d'avoir arnaqué des familles de déportés, leur promettant contre de grosses sommes, de faire revenir leurs proches. Et son autre fils, Oky, a filé tout droit en Allemagne en pleine guerre pour y faire sa vie. Une charmante petite famille...

Marie-Laure le Foulon argumente, prouve, a des témoignages, des documents officiels. Et démonte pièce par pièce l'histoire de l'anglaise. La guerre est tellement horrible que moi-même j'ai du mal à saisir comment l'on peut mentir sur un tel sujet, maquiller des faits aussi graves pour une quelconque reconnaissance, sans en éprouver le moindre remord.

Le travail de l'auteure est remarquable, c'est le point fort de ce livre. Mais le point faible, c'est le manque d'organisation. Même si le livre est divisé en plusieurs parties, c'est très fouillis. Des noms ou informations sont données au début du livre, on ne comprend pas leur intérêt ni leur place dans cette partie du livre et on les retrouve tout à la fin avec l'explication qui va avec.
Une bonne partie des argumentaires partent dans tous les sens, on se retrouve avec telle ou telle personne qui aurait pu rencontrer Mary, ou alors toute une partie sur l'explication de la situation d'un hôpital face à la guerre et ses blessés qui est long, fastidieux, pas forcément utile et surtout déjà abordé au moins une fois dans le parcours scolaire. Alors que, par exemple, l'explication du fonctionnement du Revier est plus intéressant car le lecteur lambda n'aura jamais croisé un seul texte dessus avant et voudra comprendre son fonctionnement pour saisir toute l'ampleur du pourquoi le mensonge de Mary ne fonctionne pas dans ce cas là. Sincèrement, le plus souvent j'arrivais à la fin d'un argumentaire en me disant "tout ça pour en arriver à une telle conclusion?". Une meilleure organisation, une synthèse des idées de l'auteure et un vide des informations pas forcément utiles ferait gagner 150 pages grand maximum au lecteur.

Bref, un bon livre pour rétablir la vérité, mais il faut s'accrocher pour le finir.
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Marie-Laure le Foulon a fait un gros travail de recherche et de documentation afin de restituer le mieux possible le contexte des deux guerres mondiales. Elle a enquêté sérieusement sur Mary Lindell afin de rester factuelle. Mais parfois elle enquête à charge, uniquement. le personnage aurait mérité un traitement plus nuancé. En effet Mary Lindell fait preuve de courage à plusieurs reprises, elle est une femme hors- norme et l'écriture du roman n'a pas l'envergure pour prendre en compte la complexité du personnage.
Mais le travail d'enquête se suffit à lui-même, ce n'est pas un roman psychologique sur les rapports entre mémoire et Histoire, ni sur les rapports entre image de soi et mensonges/oublis/re-créations des souvenirs. Mary Lindell a été en camps de concentration, quelles furent ses stratégies pour survivre ? Pas de preuve de trahison, non plus, ni de preuves de relations proches avec le médecin SS du camps ... On sait ce qu'elle n'a pas fait. Qu'a-t-elle fait ? Qu'aurions-nous fait à sa place ? Marie-Laure le Foulon est journaliste, et cela se sent dans la façon dont est traité le sujet.
C'est un livre à lire parce qu'il pose beaucoup de questions, et qu'il apporte des témoignages émanant de femmes résistantes dont on parle beaucoup en ce moment ( Anise Postel- Vinay, Geneviève de Gaulle...) Les passages décrivant Mathausen sont particulièrement poignants.

Une anti-biographie, en tout cas un texte à charge contre une femme dont on croise le nom dans pas mal de livres, romans ou récits historiques. S'il est difficile d'apporter des preuves, les éléments rassemblés viennent assombrir l'image de cette icone. Mais pourquoi mentir ? Pourquoi embellir la vérité ? Pour être une héroïne, pour la gloire, pour l'argent ? On se pose encore bien des questions.
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