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Critique de Foxfire


J'ai lu très peu d'oeuvres de le Guin, uniquement le superbe roman « la main gauche de la nuit » et le passionnant recueil d'articles paru sous le titre « le langage de la nuit ». Roman, essai, il ne me manquait plus que des nouvelles pour avoir un aperçu global du talent l'auteure. C'est chose faite avec ce volume de la collection mythique de Gérard Klein « le livre d'or de la SF ». Cette lecture est venue confirmer tout le bien que je pensais d'Ursula le Guin qui est donc également une excellente nouvelliste.

Sur les 11 nouvelles que comporte cette anthologie, seules 2 ne m'ont pas entièrement séduite, sans pour autant qu'elles puissent être qualifiées de mauvaises. Si « le roi de Nivôse » ne m'a pas convaincue c'est surtout parce qu'il est une sorte d'esquisse à ce qui deviendra « la main gauche de la nuit ». Ayant lu ce superbe roman avant la nouvelle, celle-ci m'est apparue peu aboutie, comme un brouillon du chef d'oeuvre en question, certes un joli brouillon mais qui s'apprécie sans doute plus si on n'a pas lu « la main gauche… ». La seconde nouvelle qui ne m'a pas séduite est « à la veille de la révolution ». Dans ce texte, indéniablement brillant, Le Guin développe des idées intéressantes et profondes tout en restant à hauteur d'humain. L'auteure propose un texte très bien écrit et intelligent mais il lui manque le côté merveilleux, enchanteur que j'aime tant chez cette auteure.

Ce sont là les 2 seuls textes du recueil qui, tout en étant bons, ne m'ont pas séduite. Tout le reste n'est que du bonheur.
Comme je l'ai dit, ce que j'aime particulièrement chez Le Guin c'est son talent pour imaginer des récits empreints de merveilleux. Depuis ma lecture du recueil d'articles « le langage de la nuit » je sais que Le Guin avait beaucoup de considération pour les contes, genre littéraire très riche et plus profond que ce que pensent beaucoup de gens. Il n'est donc guère étonnant que plusieurs nouvelles fassent penser à des contes. C'est le cas de la magnifique nouvelle qui ouvre ce recueil, « le collier de Semlé » qui constitue semble-t-il le prologue du « monde de Rocannon ». le mélange de fantasy et de SF allié à la poésie d'un conte est enchanteur. Des images naissent instantanément dans la tête du lecteur. D'ailleurs, bien faite, une adaptation en B.D pourrait être assez fabuleuse.
« La règle des noms », formidable récit qui relève plutôt de la fantasy a aussi des allures de conte. Tout comme « étoiles des profondeurs », très beau récit en forme d'hommage poétique à Galilée et à tous ceux qui regardent le ciel.

Dans chaque récit Le Guin fait preuve d'un talent formidable pour créer des mondes riches avec une économie de mots qui force le respect. Pas de vanité, pas d'effet gratuit chez Le Guin. A chaque fois, en très peu de pages tout un monde prend vie. Tout comme, il suffit à l'auteure de quelques lignes pour camper des personnages forts et attachants. Même dans un récit assez mineur comme « avril à Paris », Le Guin parvient, avec très peu, à lier son lecteur à ses 2 héros. Cette histoire n'est pas la plus aboutie de le Guin mais ce mélange de magie et de voyages dans le temps réussit l'exploit d'être à la fois drôle et émouvante.

Si le Guin excelle à imaginer des mondes riches et à créer des personnages forts, elle maîtrise également parfaitement la narration. Ses récits sont toujours très bien menés, de façon très intelligente. Sans jamais chercher la facilité d'effets artificiels, l'auteure parvient à surprendre son lecteur. On ne sait jamais où Le Guin va nous emmener. Ainsi en lisant « neuf vies » on a d'abord l'impression de se retrouver face à un récit assez classique de SF avant d'être peu à peu emmené vers quelque chose de plus personnel. On commence par suivre 2 hommes chargés de l'exploitation minière d'une planète qui reçoivent l'assistance de clones. le récit aborde alors avec subtilité les thèmes de l'identité et de la solitude, tout en demeurant très divertissant.
« Champ de vision » et « ceux qui partent d'Omelas » sont d'autres preuves de la maestria narrative de l'auteure. La construction est chaque fois parfaite de bout en bout jusqu'à des conclusions à la fois surprenantes et qui donnent un sens aux récits.

Mais la nouvelle qui m'a littéralement subjuguée est « plus vaste qu'un empire », un véritable chef d'oeuvre de la forme courte. L'intrigue est menée de main de maître. L'auteure installe progressivement les différents éléments, prenant le temps de s'attarder sur les rapports entre les personnages. D'ailleurs, les relations entre les protagonistes sont finement posées et l'évolution de ces rapports est très bien construite. Dans ce texte on retrouve un motif récurrent chez Le Guin, la forêt en tant que personnage vivant (motif qu'on retrouve un peu dans un autre texte du recueil, le très bon « le chêne et la mort). A travers un récit d'exploration, l'auteure aborde le thème du rapport à l'autre. Et elle le fait de façon brillante mais surtout pleine d'émotion. Empreint d'un grand humanisme, le récit est centré sur les émotions. Les sentiments et les émotions sont un véritable enjeu dramatique dans le récit. Ils sont les causes et les conséquences, ils font partie des péripéties, des événements. Sur un thème classique en SF, Le Guin fait preuve d'une belle singularité et pose un regard très personnel.

Ce recueil est donc un très bon ouvrage qui ne me donne qu'une envie, lire encore et encore cette fabuleuse auteure qu'est Ursula le Guin.
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