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Critique de Bernacho


J'imagine les nuages noirs de contrariété au-desssus de Mme le Guin alors qu'elle relit, vingt ans après, sa trilogie Terremer, vous savez, celle où les hommes font des études supérieures, deviennent archimage et sauvent le Monde, tandis que les sorcières restent au village pour soigner les verrues. Inquiet, je la vois alors prendre une résolution.

- Mais c'était fini, madame ! Un Roi sur le Trône, le Monde sauvé, rien à ajouter !
- Mon p'tit Bernacho, tous mes personnages sont encore là. Même ceux que tu as oubliés. Je vais reprendre pile où j'ai arrêté.
- Mais... votre Ultime Rivage... bof... ultime... je m'interroge sur l'opportunité de...
- Cesse de radoter dans ton bec. N'aie crainte, tout est pareil, mais ce n'est plus pareil. Ferme les yeux. Fais le vide. Déploie les ailes. Laisse toi emporter.

Tehanu, Terremer bis ? Oui, mais non. D'ordinaire, je déteste comparer les livres, mais, après tout, ceci est un tome 4. Il n'a pas beaucoup de sens sans les trois précédents. Donc comparons, et bienvenue en Terremer 2.0.

Terremer 2.0, c'est d'abord l'incarnation de ce qui avait jusque là
encore des allures de conte. Dans Tehanu, on vit pleinement dans un environnement concret, une vie villageoise, sociale, agricole, dans les saisons, dans la nature, avec le vent et sous les étoiles, et sans rien oublier des tâches quotidiennes, vous savez, toutes ces corvées qu'esquivent les archimages partis sauver le Monde, et qui échoient aux sorcières restées au village.

Mais quand c'est avec Mme le guin qu'on désherbe une plate-bande ou qu'on recherche une biquette disparue, ça ne peut pas être ennuyeux. Parce qu'elle écrit rudement bien, sans ostentation, toujours avec les mots et les expressions justes, et juste ce qu'il faut pour donner son effet à chaque scène, de l'écossage de petits pois au souffle brûlant des dragons.

Et ses personnages aussi se sont incarnés, tant en relief qu'en profondeur. Goha surtout, alias Tenar, alias Ursula (?), une jeune grand-mère paysanne, mi battante, mi fataliste, dont on suit tous les états d'âme.

Goha est une des rares femmes de Terremer qui a eu, dans sa jeunesse, le choix de faire ces fâmeuses études, et devenir, peut-être, une femme de pouvoir. Elle a préféré fonder une famille et vivre une vie simple à la campagne (pendant que les archimages sauvaient le Monde). Voilà qu'elle retrouve un homme de sa connaissance qui avait un immense pouvoir, et qui l'a perdu. Est-ce le pouvoir qui faisait de lui un homme ?

Ce ne sont que des exemples. Tehanu aborde les rapports entre sexe et pouvoir. Pouvoir magique, souvent, mais c'est transparent, car c'est de nous qu'elle parle. Goha est confrontée aux mentalités patriarcales, au sexisme, ordinaire et extraordinaire, bienveillant et malveillant. Tehanu est un roman féministe, qui parle de condition féminine dans un monde dominé par les hommes. Mais toujours avec une certaine discrétion et subtilité. Elle utilise plusieurs personnages, comme Tante Mousse la sorcière malodorante, pour amener des points de vue différents, une vraie dialectique.

- Euh... il y a une histoire quand même ? Une quête ? Des dragons ?

Oui, il y a une histoire, avec des dragons et un enjeu. Une révolution dans Terremer.

Parce que sauver le Monde, c'est bien, mais il faut aussi cultiver notre jardin. Alors allons arroser le pêcher qui en a bien besoin.

Un voyage agréable en Terremer poursuivi en compagnie de Siabelle. Je vais de ce pas lire sa critique.
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