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Le Cycle de Terremer tome 0 sur 5
EAN : 9782253189671
1800 pages
Le Livre de Poche (03/10/2018)
4.24/5   218 notes
Résumé :
Terremer est un lieu magique et ensorcelé. Une mer immense recouverte d’un chapelet d’îles où les sorciers pratiquent la magie selon des règles très strictes. On y suit les aventures de Ged, un éleveur de chèvres qui, au terme d’une longue initiation, deviendra l’Archimage le plus puissant de Terremer, mais aussi celles de Tenar, haute prêtresse du temple des Innommables de l’île d'Atuan, de Tehanu, la fille-dragon, et de Aulne le sorcier qui refait chaque nuit le m... >Voir plus
Que lire après Terremer - IntégraleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai connu bien des déboires avec Terremer, dus à la politique de conservation des documents dans ma bibliothèque de quartier. S'y trouvaient tous les livres principaux se rattachant à ce cycle légendaire d'Ursula le Guin. J'avais donc entamé le cycle, et puis... patatra ! le temps que je fasse une pause entre deux tomes, la totalité avait disparu des collections. Les livres étaient un peu vieux, certes, mais encore largement en état d'être lus, et, surtout, cette bibliothèque était la seule du réseau à les posséder. Et il n'était nullement envisagé de les remplacer par la nouvelle édition en intégrale. Frustration, dégoût, agacement, je suis passée par toutes sortes d'émotions en me rendant compte qu'on avait fait le choix d'éliminer des collections un classique de la littérature et, en même temps, la possibilité de découvrir son auteure, une référence en SF autant qu'en fantasy : ne restait qu'un seul livre de le Guin, qui allait sans doute suivre la même voie que ses compagnons. Ont suivi des demandes d'achats de la nouvelle intégrale par mon conjoint et moi-même, des discussions constructives avec deux bibliothécaires, et on a finalement gagné au change, puisque notre bibliothèque possède maintenant la récente intégrale publiée en poche. J'espère bien que les lecteurs se montreront un tantinet curieux et l'emprunteront souvent - car ils sont eux aussi en partie responsables de la politique de conservation de la bibliothèque.


Je ne vous raconterai pas l'histoire de Terremer, non pas parce qu'il est impossible d'en tirer un résumé (qui serait très long, cela dit), mais parce que, d'une part, je n'ai pas envie de déflorer l'oeuvre, et d'autre part parce que je pense que ce n'est pas la meilleure façon de donner envie de lire ce cycle. Un de ces jours, j'écrirai des critiques pour chacun des romans ou recueil de nouvelles du cycle, mais ce n'est pas ce que j'ai envie de faire aujourd'hui.


Terremer, c'est un lieu, un royaume, un archipel de centaines, de milliers d'îles. Un lieu surgi de l'imagination d'Ursula le Guin, mais auquel elle avait peu réfléchi lorsqu'elle a écrit les premières nouvelles qui se déroulaient dans cet environnement. Puis, en 1967, un éditeur propose à le Guin d'écrire un roman de commande, un roman de fantasy qui s'adresserait aux adolescents. Réticente d'abord (car après tout, pourquoi écrire spécifiquement pour des adolescents?), elle tente tout de même l'aventure en reprenant le monde à peine esquissé de Terremer. Ce sera, avec le Sorcier de Terremer en 1968, l'arrivée de Ged, le futur Archimage, personnage central de Terremer... Central, vraiment ??? C'est cette question du héros, de la place du héros, qui fera, entra autres, la particularité de Terremer. D'un roman à la facture somme toute classique, comme le dit elle-même Le Guin - et quoiqu'on puisse amplement discuter du classicisme de ce premier roman -, va naître un cycle de six livres, qui n'était absolument pas prévu. Assez vite, Le Guin aura envie de creuser ce monde de Terremer. Suivront donc en 1970 et 1972 Les Tombeaux d'Atuan et L'Ultime Rivage. Et plus rien jusqu'en 1990, date de sortie de Tehanu. Ursula le Guin ne savait alors pas ce qu'il allait advenir de ses personnages. Donc, une pause, à nouveau, jusqu'aux Contes de Terremer en 2001 (dont les nouvelles ont été écrites entre 1997 et 2001), pour terminer le cycle en toute beauté la même année. Après des tergiversations, des arrêts qui devaient signer la fin du cycle de Terremer, et des suites imprévues, la boucle a enfin été bouclée. Et quelle boucle !


Car enfin, on pourrait penser qu'un cycle qui a connu tant de méandres a été pensé de façon peu rigoureuse et donne un résultat peu cohérent. Or, c'est tout le contraire. Si on compare Terremer à la série des Harry Potter (bon, c'est pas du tout du même niveau selon moi, que je sois claire, même si j'ai pu prendre plaisir à lire Harry Potter), qui révèle beaucoup d'incohérences et de manque d'exploration du monde imaginé par J.K. Rowling, Ursula le Guin a beaucoup plus travaillé et son univers, et ses textes. Si Rowling retombe tout de même sur ses pieds - je dois lui reconnaître ça -, Le Guin s'est, elle énormément, intéressée au monde de Terremer, s'est posé moult questions au fur et à mesure de son travail d'écriture et pendant ses longues pauses. Elle explique très bien tout ça dans tous les textes de type postface de l'intégrale.


Ce qui a fait de Terremer un magnifique terreau pour développer une multitude de sujets, tout en restant une histoire de fantasy à l'écriture très sobre, qui se lit facilement, et d'un genre un peu à part pour les années 1960, puisqu'il s'agissait davantage de voyages initiatiques individuels, du moins pour les premiers romans, que d'une épopée collective. le voyage intérieur, la découverte de ce qui fait l'identité de chacun, c'est Terremer. La place des femmes dans la société, c'est Terremer. le questionnement sur ce qu'est la magie, c'est Terremer. le questionnement sur la supposée supériorité de la magie pratiquée dans l'archipel, c'est Terremer. le rapport entre les hommes et leur sol natal, c'est Terremer. le rapport entre les peuples qui composent l'archipel, c'est Terremer. le rapport à L Histoire, c'est Terremer. le rapport des hommes à la mort, c'est Terremer. La découverte des origines, c'est encore et toujours Terremer. Et Terremer, c'est encore bien plus que ça. Que votre préférence aille vers Confucius ou Aristote, retenez ceci à propos de Terremer : "Le tout est plus grand que la somme des parties" / "La totalité est plus que la somme des parties".

Lien : https://musardises-en-depit-..
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Je connais bien, pour les avoir lus, relus et appréciés, les romans de SF d'Ursula K. le Guin, notamment ceux qui s'inscrivent dans le « Cycle de Hain ». Mais je n'avais encore jamais lu en intégralité ses ouvrages de fantasy du « Cycle de Terremer ». La parution récente d'un énorme omnibus au Livre de Poche, dans un format plus grand que celui qui est habituel à cette collection, a été le déclic pour que je m'y mette enfin ! Et j'ai donc passé deux mois en sa compagnie, en alternant cette lecture avec d'autres pour ne pas risquer la saturation.

Cette édition exhaustive comprend les romans ou recueil de nouvelles :
- le Sorcier de Terremer (1968)
- Les Tombeaux d'Atuan (1971)
- L'Ultime Rivage (1972)
- Tehanu (1990)
- Contes de Terremer (2001)
- le Vent d'ailleurs (2001)
mais aussi des présentations et postfaces de l'auteure, quatre nouvelles rares, la « Description de Terremer », une carte et des illustrations. C'est donc un assez bel objet, au papier très fin pour supporter une pagination maximale dans un volume au poids raisonnable.

Le Sorcier de Terremer :
A l'époque où a été écrit ce premier volume (1968), la fantasy n'était pas le phénomène éditorial qu'elle est devenue. J'ai donc trouvé une très grande fraîcheur à sa narration, qui a bien des égards s'éloigne des stéréotypes du genre. Si l'apprentissage de Ged , un adolescent doué de pouvoirs, est au centre du roman, le traitement du sujet échappe subtilement aux lois du genre. Ici, pas de camps bien tranchés entre bien et mal, pas de nations en guerre non plus. le récit laisse la part belle à l'évolution d'une personne vers sa maturité.

Les Tombeaux d'Atuan :
Au premier abord, on croit lire un nouveau roman, et non pas une suite. Mais cette impression se révèlera fausse. Tenar, une fillette de cinq ans, a été désignée comme réincarnation de la Gardienne des Tombeaux d'Atuan. Alors qu'elle en a quinze, elle sera confrontée à une situation qui l'obligera à se redéfinir entièrement. Et Ged y sera pour beaucoup…

L'Ultime Rivage :
Dernier volume de la « trilogie originale » ce volume se caractérise par un ton beaucoup plus sombre que celui des deux précédents. L'équilibre du monde de Terremer est mis en péril par une force mystérieuse qui semble ôter toute magie et tourner les hommes vers la tristesse et la mort. Ged, devenu Archimage de Roke, partira en compagnie d'Arren, un jeune prince venu d'Enlade, pour essayer de remonter à la source de ce trouble. Ils iront aux confins des Marches du Sud puis remonteront vers les Marches de L'Ouest. Chacun d'entre eux en reviendra changé.

Tehanu :
Rajout de 1990 à la trilogie initiale, ce quatrième volume se caractérise par un ré-équilibrage des sexes par la prééminence accordée à Tenar et sa protégée Therru. Ursula K. le Guin s'en explique dans une postface éclairante. le roman a été jugé trop féministe pour nombres de lecteurs, qui ont vécu la perte des pouvoirs de Ged comme insupportable. Pour autant ce roman, pour moi encore plus sombre que l'Ultime Rivage, est bien plus subtil et profondément humain.

Contes de Terremer :
Magnifique. L'écriture de chaque nouvelle est ciselée, les surprises au programme. Et l'on en apprend beaucoup plus sur l'histoire de Terremer, chaque nouvelle se situant à une époque différente, on finit par avoir une perspective différente et beaucoup plus riche de cet univers. Si vous voulez avoir un aperçu saisissant de ce cycle, commencez-donc par ces Contes de Terremer.

Le Vent d'ailleurs :
Où comment mettre fin à un cycle commencé trente ans plus tôt avec toute la hauteur de vue nécessaire : difficile de mettre en défaut Ursula K. le Guin sur la grande cohérence de son univers, encore une fois si profondément humain et, à mon sens, éloigné des clichés du genre.
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J'ai commencé cette lecture avec quelques idées préconçues : pour être honnête, du fait de l'âge des premiers romans, je m'attendais à ce que ce soit sympathique, mais très classique. Un héros, de l'aventure, des duels de magie, des méchants très méchants et des dragons un peu partout… Je ne pouvais être plus positivement surprise de ce que j'ai alors découvert.
Certes, le début du premier tome est classique. Un garçon faisant preuve d'un pouvoir précoce et fort, ses premiers maîtres, son passage à l'École de Roke – l'école de magie –, ses erreurs et sa progression. La première moitié est très rapide (Ged passe d'apprenti à sorcier à mage sans que l'on ne voit le temps passer, sans que l'on ne sache vraiment comment), tout à fait « sympathique mais classique » donc. Mais les choses évoluent et, quand a commencé cette fuite en avant pour se défaire de l'ombre qu'il avait extrait des ténèbres, la tonalité a changé et le tout est devenu beaucoup plus captivant. Ne nous arrêtons donc pas à ces cent premières pages sur un pavé qui en contient 1800.

Car les romans d'Ursula K. le Guin sont, en réalité, beaucoup plus psychologiques et parfois beaucoup plus sombres que ce à quoi je m'attendais. Plus qu'un ennemi bien identifié, ce sont des ténèbres qui envahissent chaque roman, des forces noires et invisibles : celles des Tombeaux d'Atuan et des Innommables, celles liées à cette terrible Contrée Aride où errent les morts, celles que l'on porte en soi…
Ce ne sont pas des histoires de guerres, de lutte entre le Bien et le Mal, mais des quêtes souvent très personnelles. Les ténèbres à dissiper ou à dompter sont souvent intérieures, issues de la soif de pouvoir, de la jalousie, de la fierté, de la peur, pernicieuses contaminations de l'esprit et du coeur. le quatrième tome, très sombre, raconte la méchanceté humaine, la cruauté indicible, la misogynie. Ce tome amorce une tendance plus féministe, avec des personnages féminins qui interrogent le quasi-monopole de la magie par les hommes, la chasteté des mages, le rabaissement des sorcières, le pouvoir des femmes – celui qu'elles prennent, celui qu'on leur laisse. L'amour et le désir font leur apparition tandis que Ged – le héros jusque-là, le mage, le sage – se retrouve malmené par une perte intime et la honte, sources d'un apprentissage de la vie qui n'est pas telle qu'on la souhaitait.
Certains volumes se sont révélés presque déprimants tant leur atmosphère est lourde, tant leurs personnages doutent ou errent en vain : c'est le cas du troisième, L'Ultime Rivage, un road-trip à travers les mers noyé dans les incertitudes d'une magie qui semble vaciller, d'un monde qui perd pied, d'une tristesse infinie due à une quête de l'immortalité finalement dépourvue de sens, ou du quatrième, Tehanu, pour des raisons que je ne dévoilerai pas pour ne pas spoiler.

Tome après tome se dessine l'histoire de Ged/Épervier, parfois avec des ellipses de plusieurs années entre deux volumes. Ged apparaît comme un personnage parfois mystérieux du fait de ce portrait en pointillé. Outre l'histoire de Ged, c'est aussi celle des personnages qui l'entourent, notamment des femmes qui deviendront aussi importantes que lui. J'ai tellement envie de vous parler de la richesse et des nuances des personnages de Tenar, Tehanu ou même Seserakh qui n'apparaît pourtant que dans le dernier volume, mais je ne veux pas gâcher le plaisir de la rencontre à celles et ceux qui se lanceraient dans cette aventure.
L'intériorité des personnages constitue bien souvent le coeur des romans, aussi palpitants qu'ils peuvent se montrer en parallèle (je pense par exemple au gebbet du premier tome ou au second volume, Les Tombeaux d'Atuan, roman captivant dévoré en 24 heures). Les protagonistes que l'on rencontrera au fil des épisodes seront bien souvent confrontés à des questions identitaires, des questions de pouvoir, de liberté, d'entraide et de confiance
Rares sont les finals épiques, les duels ostentatoires de magie. Celui de Tehanu pourrait presque apparaître comme bâclé tant il est bref, mais ce n'est finalement pas ce qui importe : on ne lit pas le roman pour sa fin, c'est tout ce qui a mené les personnages là où ils sont qui importe. Ce n'est pas forcément épique ou trépidant, mais ça peut se révéler grandiose et puissant malgré tout.

Le cinquième tome, Contes de Terremer, se démarque des autres en proposant cinq nouvelles qui permettront d'aborder le sixième et dernier tome en ayant tous les éléments nécessaires. On y trouve des histoires du passé, des secrets, des choix, des hommes dévorés par la cupidité ou le désir de domination et des mages qui se privent d'une part de leur humanité en niant leur désir, en reniant le sexe féminin, mais aussi des personnages plus nuancés ; on y trouve des histoires du passé, des situations troublantes, des remises en question, la vérité derrière les légendes ; il s'y dessine un déraillement, un déséquilibre qui sera au coeur du dernier volume. Comme dans tout recueil, toutes les nouvelles ne se valent pas, elles ne passionnent pas de la même manière ou n'ont pas toute une force équivalente, mais elles sont toutes intéressantes et servent l'histoire globale à merveille.
Ce dernier tome, le Vent d'ailleurs, reprend des éléments de tous les tomes précédents et constitue une très belle conclusion, riche et onirique. Comme ses prédécesseurs, c'est une réflexion sur les choix, la vie et la mort, le pouvoir et la magie, les hommes et les femmes.

La plume d'Ursula K. le Guin est très agréable à lire. Fluide et immersive, elle nous transporte dans son univers de dragons et de magie où le pouvoir réside dans le vrai nom des choses. Elle convoque parfois des images incroyablement intenses, à la fois fascinantes et oppressantes, et certains noms – les Tombeaux d'Atuan, l'En-Dessous des Tombeaux, les Innommables, les Puissances Anciennes… – ont conservé un pouvoir formidablement évocateur tout au long de la saga. Elle donne corps à l'immatériel, force aux sentiments et aux doutes, intensité à des quêtes personnelles.
De plus, chaque volume est accompagné d'une postface signée par Ursula K. le Guin et ces ajouts se sont révélés particulièrement intéressants et réjouissants, bref, véritablement pertinents. Ils replacent l'oeuvre dans son contexte et soulignent tant des détails relatifs à l'époque que les désirs de l'autrice. (Par exemple, les personnages de l'Archipel de Terremer ont la peau noire ou cuivrée, seuls les peuples du Nord et de l'Est (qui sont, au début du moins, plutôt des personnages négatifs) sont blancs. C'est un détail qui ne m'avait pas arrêtée car ça ne me choque absolument pas, mais pour l'époque, c'était plus qu'original.) Elle raconte sa vision de Terremer, les difficultés pour écrire tel ou tel tome, sa découverte du féminisme et son impact sur son oeuvre, la relation entre son monde fictionnel et le monde réel, et bien d'autres sujets évoqués en quelques pages concises et précises qui éclairent merveilleusement toutes celles lues juste avant.

Ainsi, pas ou peu d'aventures haletantes, de grands combats homériques, d'éclairs magiques fusant en tous sens. le coeur de ces romans est le parcours personnel de tous ces personnages et tous leurs choix qui les ont amenés là où ils sont. Terremer parle d'identité et de choix, de relations entre peuples, entre femmes et hommes, de la place des femmes dans la société, de la mainmise des hommes sur certaines pratiques, certains arts, certains savoirs, de pouvoir et de confiance, de la mort et de la vie, du passé et des bifurcations de l'Histoire de Terremer.

Ces six volumes constituent une saga solide alors qu'il n'était absolument pas prévu qu'ils soient si nombreux ; Ursula K. le Guin a su tisser et développer ses récits, approfondir son univers d'une manière parfaitement cohérente sans vision d'ensemble préalable. Et surtout, elle propose des romans beaucoup plus humains que ce à quoi je m'attendais, beaucoup plus intimistes, ce que j'ai trouvé formidablement enthousiasmant. de la fantasy subtile et délicate, non dénuée de poésie. Ça a été une aventure magique et je retournerai un jour respirer l'air de Gont.
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Un classique, et même une pépite de la fantasy, touchante et intelligente. C'est aussi une formidable porte d'entrée pour découvrir la fantasy.

Alors déjà : il y a des dragons. de vrais dragons qui volent et qui crachent du feu, la classe incarnée.

De manière générale, le style de le Guin m'a beaucoup plu. Les descriptions des paysages et des personnages sont belles, parfois terrifiantes et cruelles, mais toujours poétiques.

Terremer, ce n'est pas un livre « bim bam boum ». Oubliez l'action, on n'est pas dans de la fantasy épique, ce n'est pas l'objectif de le Guin. Il se passe des choses, bien sûr, mais pas de grandes guerres ni d'affrontements physiques. J'aime cette approche : une bonne histoire de fantasy ne nécessite pas de mettre en scène un conflit dans lequel le protagoniste a un rôle à jouer.

Ne vous attendez pas non plus à avoir du dialogue à toutes les pages. Pour chaque roman, le nombre de personnages est assez restraint, il n'y a donc pas forcément beaucoup de dialogue. Donc quand il y en a, il est qualitatif ! Certaines réflexions de Ged ou Tenar m'ont fait bien réfléchir, ou m'ont mis la larme à l'oeil (j'ai pleuré plusieurs fois, je l'avoue volontiers).

Les romans doivent être lus dans l'ordre indiqué par Le Guin, et j'insiste sur ce point, car comme indiqué par l'auteure dans ses postfaces, il est arrivé plusieurs fois depuis la publication du dernier roman que les éditeurs en fassent la promotion dans des ordres divers et complètement fous. Alors que c'est un récit chronologique ! Il faut les lire dans l'ordre pour comprendre les choses !

Quant aux postfaces ajoutées à la fin de chaque roman, bon sang qu'elles étaient intéressantes ! Le Guin y explique la réception des livres, les déboires d'édition et d'illustration, ses choix scénaristiques, et surtout, elle y tacle le « politiquement correct » de l'époque en ce qui concerne les scénarios, les personnages stéréotypés et les illustrations, les étiquettes associées au genre.

Maintenant que j'ai tout lu, je constate une évidente scission entre les 3 premiers livres et les 3 suivants. Je parlerai donc de deux trilogies.

La première reste ma favorite, peut être par nostalgie. La première fois que je l'avais lue, j'avais eu un coup de coeur pour le Sorcier de Terremer et L'Ultime rivage (dont la conclusion est certes positive mais si terrible, j'en ai pleuré), qui sont selon moi les meilleurs récits initiatiques que j'ai lu. J'adore leurs protagonistes. Comment ne pas s'attacher à Ged ou Arren ?

Dans ces deux livres, la mer et les îles y tiennent un rôle prépondérant. La plus grande partie du récit se passe à bord d'un bateau, les personnages voyagent d'une île à une autre, et j'aime, comme j'aime cela !

J'ai eu plus de mal avec Les Tombeaux d'Atuan. le désert, ça n'a jamais été mon truc, et je ne me suis pas attachée à Tenar. le récit reste intéressant. Notamment en ce qui concerne les rapports de force entre les personnages, mais ce n'était pas mon préféré, et ça ne l'est toujours pas.

Prend donc fin une première trilogie. Une bonne quinzaine d'années s'écoule. Puis vient une deuxième trilogie. Et là, la révélation : j'admire Tenar.

Ça n'avait pas marché entre la jeune Tenar et moi, mais la Tenar qu'on retrouve après les événements de L'Ultime rivage, quelle femme ! Elle a énormément mûri, a gagné en expérience. Et elle voit les choses bien différemment de Ged (qui ne va pas bien du tout le pauvre). Et Tehanu, bien sûr… comment ne pas penser à Tehanu désormais quand je penserai à Terremer ?

Je trouve la deuxième trilogie bien plus sombre et terre à terre que la première. Il y a de nombreux changements à Terremer. On pourrait les qualifier de bons de manière générale, mais au niveau individuel. C'est la crise pour plusieurs personnages ! Tehanu, Les Contes de Terremer et le Vent d'ailleurs (Mon préfère numéro 3, oui j'ai pleuré à la fin) sont là pour faire travailler les cellules grises et pour dénoncer les injustices, plus rien n'est caché, plus rien n'est épargné, et les rapports de force sont remis en cause.

Bref, pour mettre fin à cette dissertation qui pourrait encore continuer un moment, je dirai ceci : la première trilogie est une belle histoire et un beau voyage à tous les niveaux (narration, scénario, cadre de l'action), elle est même réconfortante et porteuse d'espoir. La deuxième trilogie est plus sombre, on ressent bien l'évolution de le Guin et du monde qui l'entoure, mais c'est vrai, et ça doit être dit et écrit.

Les plus de cette édition intégrale : les illustrations sont sympas, surtout celles des dragons, et les nouvelles sont chouettes. La dernière, « Au Coin du feu », m'a fait pleurer une dernière fois, mais quelle meilleure façon de clore une telle histoire ?

A lire, donc !!

Si vous avez tout lu, chapeau et merci ^^
Heureusement qu'il n'y a pas de limite de caractère !!
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La fantasy, c'est cette branche de la littérature de fiction qui vous transporte dans un monde assez semblable au nôtre, mais créé de toutes pièces par l'auteur, depuis la géographie et les caractéristiques physiques jusqu'à la population et tout ce qui va avec, religion, politique, culture, etc. Les grands noms en sont des jalons connus : Robert E. HowardConan le Barbare »), initiateur de l'heroic fantasy, ou J.R.R. Tolkienle Seigneur des anneaux »), tête de file de nombreux écrivains comme C.S. Lewis (« Narnia ») ou Ursula le GuinTerremer »).
S'il y en a une qui peut être donnée en exemple comme étant une autrice de fiction imaginaire, c'est bien Ursula Kroeber le Guin (1929-2018), dont la plus grande partie de la production littéraire concerne la science-fiction et la fantasy. Dans ces deux domaines, elle a excellé, devenant une icône incontestée : citons pour la science-fiction : « La Main gauche de la nuit » (1969) et « Les Dépossédés » (1974) ; et pour la fantaisie : « le cycle de Terremer » (1964-2018)
En 2010, le Livre de Poche propose une intégrale de Terremer, comprenant la totalité des écrits de l'autrice sur ce cycle, soit cinq romans et un recueil de nouvelles, quelques nouvelles isolées, le tout accompagné d'une préface (« Introduction ») et d'une postface (« Terremer revisité ») toutes deux écrites spécialement par Ursula le Guin pour cette édition. La totale, comme qui dirait.
L'ensemble propose donc : les cinq romans : « le Sorcier de Terremer » » (1968), « Les Tombeaux d'Atuan » (1971), « L'Ultime rivage » (1972), « Tehanu » (1990) et « le Vent d'ailleurs » (2001) ; le recueil de nouvelles : « Contes de Terremer » (2001) ; les nouvelles isolées : « Description de Terremer » (2001), « le Mot de déliement » 1964), « La Règle des noms » (1975), « La Fille d'Odren » (2016) et « Au coin du feu » (2018).
Terremer, comme La Terre du milieu (J.R.R. Tolkien), ou plus près de nous Westeros (G.R.R. Martin), est un lieu imaginaire, où se passent des évènements grandioses et épiques ou parfois plus simples et familiers, où les destinées individuelles sont confrontées à la violence des sentiments (ou à leur douceur), et où, ici particulièrement, la magie est omni-présente.
Terremer (Earthsea, en version originale), se présente comme un archipel en pleine mer, où la sorcellerie est partie prenante de la culture. L'histoire s'attache particulièrement aux personnages attachants de Ged, dit l'Epervier, humble chevrier, qui deviendra Archimage (chef de tous les sorciers) ; de Ténar, grande prêtresse des Tombeaux d'Atuan, qui croisera la route de Ged ; de Tehanu leur fille adortive, une fille-dragon ; d'Ogion le vieux mage qui initie Ged et Ténar…
Ursula le Guin, comme Tolkien avant elle, écrit à la fois un roman où le fantastique joue pour une grande part (magie, dragons, sortilèges…) mais également un roman d'initiation où les héros doivent passer par un nombre considérable d'épreuves où ils se mettent sans cesse en danger.
Enfin, l'autrice fait passer un message pleinement féministe, qu'elle détaille dans son introduction : « Quand « Tehanu » est sorti, nombre de critiques et de lecteurs y ont vu un effort « genré », une trahison des traditions romantiques de l'héroïsme. Mais la trahison aurait été de conserver le même point de vue… En intégrant pleinement les femmes dans mon histoire, j'ai pu appréhender plus largement la notion d'héroïsme, trouver enfin une voie de retour vers ma Terremer – désormais bien plus étrange, intense, plus mystérieuse qu'elle ne l'avait jamais été ».
Un chef d'oeuvre de la fantasy, à ne pas laisser passer.
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critiques presse (1)
Liberation
14 novembre 2018
A Terremer, la magie semble se perdre, les dragons s’entretuent. [...] Terremer est une fantasy sensible, où les dragons ne sont pas censés avoir de genre…
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
La guerre comme métaphore morale est limitée, restrictive et dangereuse. En réduisant le choix de l'action à une "guerre contre", on divise le monde en Moi ou Nous - le Bien - et Eux ou Ca - le Mal -, on atrophie la complexité éthique et la richesse morale de nos vies en une dualité oui/non, avec/sans. C'est puéril, mensonger, et dégradant. Dans le cadre d'une histoire, cela disqualifie toute solution qui ne serait pas violente et procure au lecteur un réconfort infantile. Bien trop souvent, les protagonistes de ces fantaisies se comportent exactement comme leurs ennemis, agissent avec la même violence aveugle - sauf que que le héros est du "bon" côté", et finit en conséquence par triompher. Le droit fait la force.
Ou bien la force fait-elle le droit ?
Si la guerre est le seul enjeu, oui. La force fait la justice. C'est précisément la raison pour laquelle je ne joue pas aux jeux de guerre.
Pour devenir l'homme qu'il porte en lui, Ged doit découvrir l'identité et la nature de son véritable ennemi. Il doit découvrir ce que signifie être soi-même. Cela n'exige pas de guerre, mais une recherche, ainsi qu'une découverte. La recherche l'amène au-devant de périls mortels, de deuils et de souffrances. La découverte lui apporte la victoire qui ne scelle pas une guerre mais signe le début d'une vie.


Le Sorcier de Terremer - Postface
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Le meilleur moyen d’étudier une période historique qui n’existe pas, c’est de la raconter et de découvrir ce qui est survenu. Je crois que les historiens du monde prétendu réel usent d’une méthode assez similaire, au fond. Même si l’on assiste à un évènement historique, a-t-on la moindre chance de l’analyser – voire de se le rappeler – sans le relater sous une forme narrative ? Quant aux évènements qui, par leur position dans le temps ou l’espace, échappent à notre sphère personnelle, nous n’avons pour les connaître que les récits que nous en transmettent d’autres personnes. Après tout, le passé n’existe que dans la mémoire, qui est bien une sorte d’imagination. L’évènement est réel maintenant, or, une fois qu’il devient jadis, la continuité de son existence dépend de notre énergie et de notre honnêteté. Si on le laisse échapper à sa mémoire, seule l’imagination peut en restaurer la moindre lueur. Si on ment sur le passé, si on le force à raconter l’histoire qu’on veut l’entendre dire, il perd sa réalité, il devient factice. Transporter le passé avec nous à travers le temps dans le fourre-tout du mythe et de l’histoire représente une lourde tâche ; mais, comme dit Lao-Tseu, les sages escortent les chariots à bagages.
[Avant-propos – Contes de Terremer]
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Bien que l'usage du Langage Ancien contraigne l'homme à dire la vérité, il n'en va pas de même pour le dragon. Cette langue, en effet, est la sienne, et elle ne l'empêche pas de mentir, d'assembler des mots vrais à des fins mensongères, et d'égarer l'auditeur sans méfiance dans un labyrinthe de mots-miroirs dont chacun reflète la vérité et dont aucun ne débouche sur quoi que ce soit.
("Le sorcier de Terremer")
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Ses os le brûlaient. Ils brûlaient d'attendre que le soleil réapparaisse, qu'il brille sur sa chair et qu'il les sèche. Certes, il aurait pu lancer un sort apaisant, mais celui-ci aurait simplement masqué la douleur pendant quelques temps. Il n'y avait aucun remède à son mal. Les vieux os ont besoin de soleil. Debout dans l'embrasure de sa porte, entre la pièce principale assombrie et l'extérieur griffé par la pluie, le magicien se retenait de jeter un sort, et il se détestait de se retenir et de devoir se retenir.
("Les os de la terre" - "Contes de Terremer")
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— Tu ne tires aucune fierté de ta lignée ?
— Si, j'en suis fier... parce qu'elle fait de moi un prince ; c'est une responsabilité, une tâche dont il faut se montrer digne...
— L'Archimage acquiesça avec brusquerie :
— C'est ce que je voulais dire. Renier le passé, c'est nier le futur. Un homme ne peut forger sa destinée ; il l'accepte, ou il la nie.
("L'ultime rivage")
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Vidéo de Ursula K. Le Guin
De "La Main Gauche de la Nuit", au "Nom du monde est forêt" en passant par "Les Dépossédés", l'autrice américaine de science-fiction Ursula le Guin, disparue en 2018, a tissé une toile narrative complexe d'une grande beauté littéraire et d'une actualité thématique brûlante.
Réflexion sur le genre et féminisme, écologie, inégalités sociales, ce sont autant de préoccupations qui se dessinent subtilement dans l'oeuvre monde de cette touche-à-tout
En compagnie de ses invités, Catherine Dufour, écrivaine de science-fiction et Jérôme Vincent, directeur éditorial des éditions ActuSF, Antoine Beauchamp vous propose de découvrir cette immense autrice qui fut un temps pressentie pour le prix Nobel de littérature.
Photo de la vignette : Dan Tuffs/Getty Images
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