Enfin. Enfin j'ai découvert la plume d'
Ursula K. le Guin, au travers de ce recueil de 18 nouvelles inédites que les éditions ActuSF m'ont envoyé (mercimerci), et ce fût un pur régal. Voilà pourquoi :
Ursula K. le Guin est une autrice de nombreux textes sf/fantasy/post-apo/fantastiques (veuillez piocher) et qui a écrit beaucoup de sagas ; je ne me voyais pas me lancer dans "
Terremer" ou encore le cycle de "l'Ekumen" sans avoir d'abord découvert son style par une oeuvre plus courte. Mon voeu a été exaucé lorsque j'ai lu ce recueil de 18 textes très variés, sorti dans sa langue originale en 1997. Ça fait un bail.
Et pourtant, toutes ses nouvelles sont pleinement inscrites dans notre époque de par leur thématique : en effet l'autrice est anthropologue et on le sent à la lecture de cet ouvrage. Les relations et les personnages sont très bien travaillés, et cela amène des réflexions sur leurs conditions et leurs identités ("Quatre Heures et Demie", "Ruby sur la 67", "Tenir ses positions"). Beaucoup de ses nouvelles font mal au coeur car elles dénoncent des inégalités sociales sur des personnes LGBTQ+, qui sont encore d'actualité ("Saison sèche").
Et ce qui a été surprenant, c'est que l'autrice n'emploie que tardivement le fantastique et plus globalement l'imaginaire dans ce recueil (à partir de la moitié des textes seulement). Pas de sf ni de fantasy ici, mais surtout des textes ancrés dans la réalité.
Après il y a quelques récits fantastiques, dont "Ether, ou", "Le braconnier" et "La grande fille à son papa" qui font partie de mes nouvelles préférées du livre, ainsi que la nouvelle-titre, "La Clef des Airs", qui fait suite aux
Chroniques orsiniennes (la seule suite de tout le recueil d'ailleurs), et que je n'ai absolument pas compris pour le coup.
Dans les autres textes, soit l'autrice m'a bluffé par sa propension à détourer la noirceur de l'âme humaine ("Une épouse enfant"), soit elle m'a fasciné par sa justesse et ses messages d'espoirs pour notre espèce dans une réalité qui n'est parfois pas bien belle à voir ("Ruby sur la 67" = gros coup de coeur, "Tenir ses positions", "Saison sèche").
Et à certains moments, Ursula laisse libre cours à sa poésie, et c'est bouleversant ("Dimanche d'été à Seatown", "Créatures de mon esprit") ; est-ce que j'ai parfois pensé à
Ray Bradbury dans "Dimanche d'été à Seatown" ? C'est possible ouiouioui.
Alors certes ce n'est pas un immense coup de coeur car certains textes m'ont un peu moins touché, mais là où ce recueil est unifié, c'est par ces thématiques profondes sur notre société qui sont amenées dans chacun des récits, et cette plume qui sublime le tout.
C'est une superbe porte d'entrée dans l'oeuvre de l'autrice et je n'ai qu'une hâte, c'est découvrir plus son oeuvre qui me semble être un précieux filon.
Je l'ajoute au podium des auteur.ices qu'il faut que je suive absolument. Très proche de Bradbury.