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EAN : 9782203169517
88 pages
Casterman (06/06/2018)
3.78/5   36 notes
Résumé :
Wannsee, faubourg huppé de la capitale Allemande, le 20 janvier 1942. Quinze hommes parmi les plus hauts fonctionnaires du Reich et de la SS sont conviés à une conférence organisée par Eichmann et présidée par Heydrich. Cette réunion est brève (moins d'une heure trente) mais va constituer une étape décisive dans l'organisation et la réalisation de la Shoa, et par la même occasion sceller le sort de millions de personnes en Europe.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Comment traiter d'un tel sujet – la façon dont quinze hommes ont, un jour, entre le buffet et le dessert, décidé du sort, et de la mort, de millions d'autres hommes – ? C'est l'interrogation première que pose cette bande dessinée, dès la préface de Didier Pasamonik : comment éviter la fascination, morbide, voyeuriste ou sidérée, à la fois pour ces morts, ces cadavres, et pour la mise en scène nazie, entre célébrations aux flambeaux et esthétique aryenne ?

Quoi qu'il en soit, le résultat est, de mon point de vue, extrêmement réussi. En ce centrant sur ces 90 minutes qui ont marqué à jamais l'humanité, l'auteur parvient à la fois à nous en montrer le côté monstrueux, mais également risible. Ces hommes, au-delà du pouvoir immense qu'ils ont alors, et qu'ils vont exercer en despotes, que sont-ils ? Rien, en fait, ou si peu que c'en est négligeable. Et, d'ailleurs, ce qui pourrait être le principal reproche que j'aurais à faire à cette bande dessinée – je ne reconnais pas les différents personnages, je ne les distingue pas vraiment les uns des autres – prend en fait pour moi un autre sens : il n'y a aucun intérêt à les distinguer, parce qu'ils sont en réalité des rouages, parfaitement interchangeables. À part Eichmann et Heydrich, dont on connait les « exploits », les autres ont été d'abord de ces hauts fonctionnaires qui « ont appliqué les ordres »… Et cette façon de les fondre dans une espèce de « communauté » indivisible me semble être une bonne façon de les représenter. Les dessins, pour en terminer avec cette dimension de la bande dessinée, sont dans des teintes passées, dans des nuances de gris, qui vont bien avec le sujet traité. Tout reste un petit peu flou, comme le cauchemar que événement incarne.

Les dialogues montrent, par petites touches, les lignes de faille. Les échanges, avant le début de la conférence, dans les petits groupes qui se forment, montrent les dissensions, les luttes de pouvoir. On perçoit également le montage de la manipulation – il est prévu, avant même la conférence, que les notes soient détruites, pour que seul un communiqué officiel subsiste. Et puis arrivent – les derniers – Eichmann et Heydrich. Et, quoi que l'on ait pu dire d'eux en leur absence, on ne leur dit pas non.

C'est sinistre, c'est glaçant, naturellement. Mais c'est tellement salutaire, également, de pouvoir accéder à un tel témoignage de la façon dont un système peut emmener avec lui des hommes « normaux », et non pas des « monstres » qui auraient été prédestinés à cela. Cela n'est pas sans me faire penser à ce qu'Éric-Emmanuel Schmitt indique dans sa postface à La part de l'autre, rappelant qu'il serait trop facile, pour l'humanité, de se dédouaner en considérant Hitler comme un monstre, alors qu'il faut prendre à bras le corps la question inverse, qui est de savoir comment un homme lambda peut, au travers de circonstances, devenir un bourreau… Cela me fait d'ailleurs songer que je devrais consacrer une chronique à ce livre… à suivre !

Enfin, à signaler, à la fin de l'histoire, l'auteur nous indique, en quelques pages et en quelques dessins, le destin de chacun de ces hommes. Et c'est presque là où l'on est le plus choqué, en découvrant que deux d'entre eux ont vécu encore plusieurs dizaines d'années…
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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Ce tome contient un récit complet indépendant de tout autre. La première édition date de 2019. Il a entièrement réalisé (scénario, dessin, couleur) par Fabrice le Hénanff. Il comprend 70 pages de bande dessinée en couleurs couvrant la conférence de Wannsee, ainsi que 11 pages dessinées supplémentaires présentant le premier propriétaire de la villa au bord du lac de Wannsee, ainsi que les différents participants à la conférence. le tome s'ouvre avec un court avertissement de l'auteur explicitant qu'il s'agit 'une fiction, une introduction d'une page rédigée par Didier Pasamonik (éditeur, directeur de collection, journaliste et commissaire d'exposition dans le domaine de la bande dessinée), évoquant les questions de ressenti, de séduction esthétique et de transmission par le biais d'une bande dessinée historique.

Dans la villa Marlier en banlieue de Berlin, le 19 janvier 1942, le personnel s'affaire pour préparer les chambres des invités, et pour les questions logistiques de la conférence qui doit se dérouler sous la responsabilité de Reinhard Heydrich (1904-1942). Sur place, Adolf Eichmann (1906-1962) fait enlever les fanions SS, et exige qu'à la place soient hissés des fanions aux couleurs du drapeau. Il a fait amener avec lui de bonnes bouteilles pour le buffet du lendemain. le 20 janvier 1942, Eichmann accueille lui-même certains arrivants : Rudolf Lange (1910-1945), Karl Eberhard Schöngarth (1903-1946). Il les accompagne à l'intérieur et fait le point avec l'adjudant : il ne manque plus que Reinhard Heydrich et Wilhelm Kritzinger (1890-1947). Il indique à Lange et Schöngarth qu'ils peuvent aller se restaurer au buffet en attendant que la conférence commence. Kritzinger arrive dans sa voiture avec chauffeur, au moment où Heydrich survole le domaine dans son avion. En attendant le début, les conversations s'engagent sur plusieurs thèmes : la solution finale à la question juive, les combats à Moscou, la mort du général Walter von Reichenau(1884-1942), Herman Göring et le pillage des musées d'Europe, les lois de Nuremberg de 1935 (dont celle sur loi sur la protection du sang allemand et de l'honneur allemand).

Chacun ayant fait un peu connaissance avec les autres, et Reinhard Heydrich étant arrivé, tout le monde pénètre dans la salle de réunion et prend place autour de la table. Heydrich a la ferme intention de boucler la réunion en une heure et demie, deux heures maximum. Il pénètre dans la salle, et propose que tout le monde se dispense du salut nazi. Il organise un tour de table pour que chacun se présente. Chacun à tour de rôle annonce son nom, son titre, et sa position dans le gouvernement : Adolf Eichmann, Roland Freisler, Josef Bühler, Garhard Klopfer, Wilhelm Kritzinger, Alfred Meyer, Martin Luther, Georg Leibbrandt, Wilhelm Stuckart, Heinrich Müller, Otto Hofmann, Karl Schöngarth, Rudolf Lange, Erich Neumann, et donc Reinhard Heyrich. Ce dernier rappelle qu'il est l'organisateur de la réunion et qu'il la préside, que tous les participants sont tenus au secret, qu'ils ont droit de prendre des notes mais pas de les conserver, ni de les emmener avec eux, et qu'il s'agit de régler les détails techniques de la question juive.

Il y a des bandes dessinées au thème tellement fort qu'elles intimident le lecteur : la solution finale ! Il est vraisemblable qu'elles doivent également intimider leur auteur : c'est sûr qu'il est attendu au tournant par tous les historiens professionnels, et aussi amateur, par tous les férus de cette période de l'histoire, fourbissant leurs critiques avant même d'avoir lu une seule page. Il n'est pas possible de faire dans la demi-mesure avec un tel sujet : exemplarité, rigueur et exactitude. En outre, il s'agit de raconter dans un média visuel, le déroulement d'une réunion, c'est-à-dire majoritairement des gens statiques sur une chaise en train de parler : un défi à la limite de l'inconscience. de fait, cette bande dessinée est bien telle que le lecteur peut se l'imaginer : présentation un par un des 15 participants à la réunion, avec leur fonction au sein du gouvernement ou de l'armée, explication du déroulement de la réunion, passage en revue des objectifs et suggestions sur les méthodes et les moyens à mettre en oeuvre, et beaucoup de cases avec uniquement une tête en train de parler. D'un autre côté, comme le lecteur s'y attendait, il est déjà préparé à fournir l'effort nécessaire pour se plonger dans une bande dessinée sans action, sans scène spectaculaire, et un peu alourdie par les informations historiques, parfois trop précises, parfois pas assez.

Dès la première page, le lecteur est frappé par les choix de mise en couleurs : entre naturalisme et approche conceptuelle. À la fois, les couleurs jouent leur rôle habituel : accentuer la distinction entre les formes détourées, ajouter un peu de relief à chaque forme, rendre compte de des couleurs réelles en fonction de l'éclairage. À la fois, l'artiste a retenu une palette limitée, à base de marron clair, d'ocre et de vert de gris. En fonction des séquences, l'impression du lecteur passe d'une sensation d'uniformité un peu glauque, à une immersion dans un état d'esprit grisâtre dominé par un processus technocratique sans âme ni émotion. Tout du long de ces pages, le lecteur constate également que l'artiste a appliqué des traits verticaux, sur la plupart des cases, mais pas sur toutes les surfaces. Il s'agit le plus souvent de segments, parfois un peu courbes, parfois discontinus. Cela produit un effet de voile comme si les images étaient rayées, portent la marque du temps qui a passé. Étrangement, cela ne surcharge pas les dessins, ne les rend pas plus compliqués ou plus longs à lire. Par contre les sens du lecteur se retrouvent comme engourdis, à la fois par les couleurs ternes, à la fois par ces striures qui forment comme une sorte de voile affadissant la réalité.

Le lecteur se rend également vite compte de la difficulté de rendre visuellement intéressante une réunion de personnes assises autour d'une table. Fabrice le Hénanff fait de son mieux pour inclure un peu de variété : vues de la façade de la villa Marlier, l'avion de Heydrich dans le ciel, phase d'attente dans les salons, 5 pages consacrées à la prise de Kiev… Il n'en reste pas moins qu'il y a beaucoup de cases ne comprenant qu'une tête en train de parler, ou des gros plans, à la rigueur des plans poitrine sur les participants. Malgré les présentations lors du tour de table initial, il est possible que le lecteur décroche en cours de route et n'identifie pas tel ou tel intervenant. de ce point de vue, les 11 pages en fin permettent de revoir chacun des participants et de se les remettre en mémoire. Malgré ces caractéristiques visuelles et narratives, le lecteur ressent bien une impression d'immersion et de narration graphique. Au fil des pages, il voit bien qu'il y a de nombreux détails qui nourrissent la reconstitution historique : modèle de voiture, modèle d'avion, uniformes, portrait d'Adolf Hitler, décorations militaires, déportation de population, exécution sommaire et fosse commune, facsimilé de document administratif, etc. Il a conscience que l'utilisation d'une palette de couleurs réduite et un peu terne et que les hachures discrètes évitent tout effet voyeuriste, tout regard complaisant ou malsain, en produisant un effet de prise de recul.

Alors que la réunion progresse, le lecteur s'immerge complètement dans les échanges, comme s'il était lui aussi assis à la table de réunion, ou sur une chaise un peu en retrait. Les choix graphiques lui rappellent qu'il s'agit bien d'une reconstitution, d'une fiction, grâce à cette distanciation visuelle d'une représentation de type photographique. Il remarque facilement les éléments chiffrés ou les rappels de faits qui fournissent des points d'ancrage dans la réalité historique et qui sont facilement vérifiables. Fabrice le Hénanff se montre transparent dans ce qui relève de faits avérés (la quantification de la population juive en page 26, la prise de Kiev) et de mise en scène fictionnelle. Il n'y a pas de tricherie, pas d'imposture. Visiblement, les différents officiels ne se connaissent pas plus que ça, et la plupart restent sur leur quant-à-soi, évitant de trop s'engager, de prononcer une parole qui pourrait les compromettre. Certains se montrent habiles dans l'art de la manipulation pour influencer, évoquant le nom du Führer en passant, rappelant une prise de position publique de l'un ou l'autre des participants. Petit à petit, le lecteur observe également qu'il se produit un glissement sémantique : les participants ne parlent plus d'êtres humains mais de processus de traitement, la rationalisation bureautique s'applique ainsi à des processus. Chacun propose une idée, émet une suggestion : la responsabilité se dilue dans le groupe, chacun pouvant estimer qu'il n'est en rien responsable du processus global.

Au fur et à mesure que les fonctionnaires et les militaires analysent les possibilités d'action, le scénariste intègre des éléments historiques plus pointus : la Babi Yar (un lieu-dit de la ville de Kiev où les soldats allemands fusillaient les juifs de Kiev et de ses environs), le traumatisme des soldats allemands chargés des exécutions, la consommation en munition, le traitement des Mischlinge et des mariages mixtes, ainsi que l'origine de la politique de traitement des juifs (la Limpieza de Sangre, appliquée en Espagne et au Portugal à la fin du quinzième siècle). Même lorsque l'auteur a recours à un portrait d'un interlocuteur dessiné en pleine page et artificiellement découpé en 9 cases (3 rangées de 3 cases en page 49), le lecteur conserve l'impression d'une bande dessinée, du fait de la progression de la rhétorique dans les phylactères successifs. Il prend pleinement conscience de la démarche organisatrice et planificatrice à l'oeuvre, maintenant totalement déconnectée des individus, de la notion d'être humain. Pendant 4 pages (51 à 54), les participants examinent la question des mariages mixtes et des personnes d'ascendance partiellement non-allemande. C'est d'une efficacité redoutable, à la fois pour catégoriser les individus, leur situation et leur sort, à la fois pour que le lecteur fasse l'expérience de cette logique de traitement. Il est tellement absorbé par la normalité du discours et son décalage avec la réalité de ce qu'il recouvre, qu'il est possible qu'il ne prête plus attention aux informations visuelles qui l'accompagnent : les allées et venues des rats, la composition de la page 41 silencieuse et des bordures de case dessinant l'étoile juive. Même dans un moment aussi technocratique, l'auteur réussit à mettre à profit la narration visuelle.

Avec cette bande dessinée, Fabrice le Hénanff relève un pari risqué : évoquer un moment de l'Histoire dans une période très visitée, raconter une réunion statique autour d'une table dans un lieu clos dans un média visuel. Sans surprise, le lecteur découvre que la bande dessinée prend vite en charge de nombreuses informations historiques et que la réunion est dépourvue d'action. Progressivement, il se rend compte qu'il écoute les participants, comme un réel observateur à cette réunion, et que la partie visuelle est pleine de personnalité et ne se limite pas à une soixantaine de pages montrant des têtes en train de parler. Une fois les participants partis, il reste sous le choc de l'extermination qui a été organisée avec professionnalisme, ayant vu comment un tel massacre est devenu un défi administratif relevé avec compétence. L'addenda se révèle tout aussi cruel : le lecteur découvre ce qu'il est advenu des participants à la conférence de Wannsee, et il établit une comparaison avec ce qu'ils ont participé à organiser, et le sort des êtres humains exterminés dans ces opérations.
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Déjà auteur de deux one-shots, Ostfront: Stalingrad et Westfront: Berlin, sur des thématiques proches, Fabrice le Hénanff revient aujourd'hui avec Wannsee, un album historique traitant de la Conférence de Wannsee.

Dans La villa Marlier, en quelques 85 minutes, le 20 janvier 1942, quinze dignitaires nazis mettent en place l'organisation administrative, technique et économique de la Shoah, autrement dit de la « solution finale de la question juive ». Parmi ces dignitaires nazis, les deux plus tristement célèbres sont Adolf Eichmann - à lire entre autres Nous, fils d'Eichmann de Günther Anders et Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal de Hannah Arendt - et Reinhard Heydrich - c'est le dernier H du livre de Binet, HHhH.

À la date de la Conférence de Wannsee, la Shoah a déjà débuté : notamment les Einsatzgruppen pratiquent déjà la « Shoah par balles », mais elle « se traduit par une trop grosse consommation de munitions. Elle est donc très coûteuse et fort peu discrète, sans oublier la pénibilité pour nos hommes » (p. 59), et l'expérimentation d'une « nouvelle méthode : le monoxyde de carbone » (p. 59) dans le cadre de l'Aktion T4 a déjà été testée - cette méthode est une préfiguration des chambres à gaz déployées dans les camps d'extermination et à l'utilisation du tristement célèbre Zyklon B. le 20 janvier 1942, il s'agit de rendre plus efficace un processus qui a déjà commencé et d'augmenter le nombre de morts par jour.


Dans Wannsee, dont toute l'action se déroule dans la villa Marlier, Fabrice le Hénanff relate fidélement le déroulement - notamment les rôles de Eichmann et Heydrich et les précautions imposés par celui-ci aux participants qui ne devaient pas prendre de notes - de cette réunion* et les discussions entre haut dignitaires nazis (seuls les services de Goebbels n'y assistent pas) pour décider du sort des Juifs, de celui des « Mischling », les métis, de la nécessité d'aller au-delà des lois de Nuremberg - pour certains des présents, elle réglaient déjà la « question juive » - et traiter les protestations de certains des présents sur des questions diverses.

Graphiquement, l'album qui aura demandé plus de trois années de travail à Fabrice le Hénanff** est une réussite. Certaines pages - celle du portrait d'Hitler découpé en 9 cases (p. 20) ou celle sans paroles montrant le massacre de Babi Yar et dessinant une étoile de David (p. 41) - sont impressionnantes. L'utilisation du sépia et « un graphisme plus tableau, plus torturé avec du flou »** sont particulièrement idoines pour rendre l'atmosphère des discussions.

Le texte de Fabrice le Hénanff est introduit par une préface instructive de Didier Pasamonik, l'un des deux commissaires scientifiques de l'exposition « Shoah et bande dessinée », dans laquelle il s'interroge sur la possibilité de faire de l'histoire et de transmettre avec une bande dessinée comme Maus de Spiegelman, Yossel de Joe Kubert, Deuxième génération de Michek Kichka, et ce Wannsee. Ici, Fabrice le Hénanff a voulu « mettre tout le texte [de la Conférence de Wansee] dans l'album, suivre le déroulement des débats »** - le texte, connu également comme le « protocole de Wannsee », disponible sur le site de « La maison de la conférence de Wannsee » ne fait que 15 pages et constitue l'un des seuls documents sur cette rencontre pour laquelle aucune photo n'existe.

Comme Hannah Arendt qui avait montré la banalité du mal dans le cas de Eichmann, Fabrice le Hénanff montre ici la banalité du mal dont ces dignitaires nazis plaisantant, mangeant et buvant du cognac, se querellant, se jalousant,… vont se rendre coupables. Seul l'un d'eux, Kritzinger se déclarera, lors d'un des procès de Nuremberg, honteux des atrocités commises par le Troisième Reich et sera acquitté - les autres*** ne montreront aucune forme de repentance.

Même si Fabrice le Hénanff n'apporte rien de nouveau sur ce qui se passa le 20 janvier 1942, Wannsee est une bande dessinée de qualité s'adressant à tous les lecteurs, pas uniquement aux seuls passionnés d'histoire.

* Au format bande dessinée, cette conférence est également en partie le sujet de Wannsee, 1942, le second tome1 du cycle I de Sir Arthur Benton.
** À lire un interview ici : https://www.ligneclaire.info/le-henanff-wannsee-72463.html
*** À la fin de l'album, une courte biographie de l'après conférence pour les différents protagonistes est présentée.
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Un ouvrage d'une violence morale intense dont je suis sortie sonnée. La Seconde Guerre mondiale (ici appelée "Deuxième" dans la préface, c'était la première fois que je voyais ça) fait partie de notre héritage, on sait tous ce qu'il s'est passé, mais s'immiscer durant la conférence où sera décidée "la solution finale" est autre chose. Je suis presque sans mot devant la barbarie d'hommes pourtant supposés supérieurs et civils. Bienvenue à la guerre... Nous suivons donc le cours de la conférence avec les marchandages entre la SS et les ministères, pour arriver finalement à la conclusion qu'il "est temps de dire aux juifs qu'ils ne peuvent plus vivre". Sans commentaire.
La maîtrise graphique vient renforcer le malaise et les planches sont magnifiques.
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L'idée de retracer une conférence secrète menée par des dignitaires du régime nazi en ce début de l'année 1942 est intéressante d'un point de vue historique.

En effet, il s'agit d'expliquer comment une simple réunion de travail suivi d'un buffet a entériné et organisé le génocide de millions de juifs à travers l'Europe.

Après, le traitement est celui d'une réunion pas comme les autres dans ses moindres détails. Mis à part des prises de paroles qui apparaissent audacieuses, il n'y aura point d'action. Par ailleurs, les dialogues sont assez explicatifs et ne sonnent pas vraiment réalistes. Bref, la mise en scène n'est pas parvenue à sortir de cet exercice de départ assez délicat.

Cependant, cette oeuvre a le mérite d'exister et elle est extrêmement bien documentée pour qu'on oublie jamais ce qui s'est passé. Les monstres existent toujours bien malheureusement.
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critiques presse (5)
BoDoi
14 septembre 2018
Fabrice Le Hénanff en imagine l’atmosphère, les paroles, les réactions et réussit à faire ressentir le poids de l’Histoire pendant plus de 80 pages, en faisant le récit d’une réunion à huis clos, sans pathos ou ficelles grossières. Outre la volonté absolue du secret, les acteurs ont recours à des expressions euphémisées et ambiguës, ne nommant jamais la réalité du projet.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Sceneario
17 juillet 2018
Le Henanff nous offre une bien belle oeuvre, dure, prenante, qui nous prend aux tripes et qui nous donne une leçon d'histoire.
Les illustrations sont superbes.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Bedeo
06 juillet 2018
Tentative mi-graphique mi-historique, pour rendre compte d’un épisode méconnu mais ô combien important de la Seconde Guerre mondiale, pour trouver un sens impossible à l’abject, Wannsee recoupe les compte-rendus pour rappeler que la plupart des hommes présents n’ont même pas été jugés.
Lire la critique sur le site : Bedeo
ActuaBD
02 juillet 2018
Huis-clos étouffant préparant le génocide des Juifs, la conférence de Wannsee de 1942 a marqué l'histoire du nazisme au pouvoir. Cette restitution glaçante met en lumière les mécanismes de l'horreur en jeu dans cette réunion aux allures de dîner mondain...
Lire la critique sur le site : ActuaBD
BDZoom
26 juin 2018
Très documenté et relu par une historienne du Mémorial de la Shoah, l’album nécessitera trois années de réalisation et d’investissement psychologique…
Lire la critique sur le site : BDZoom
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Non, non, je vous assure que nous avons tout essayé. Il a même été question de leur offrir un territoire après-guerre, nous avions pensé à Madagascar pour en faire une réserve. Désormais, toutes les frontières d’Europe les rejettent ou demandent des sommes d’argent importantes – voire exorbitantes – en échange.
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Voici quelques chiffres. Pologne occidentale 420.000 juifs. Gouvernement général : 228.400 juifs. France territoire occupé : 165.000 juifs. Non occupé : 700.000 juifs. Je ne vais pas tout vous lire : comme l'a souligné le lieutenant-colonel Eichmann, nous avons établi en gros le chiffre de onze millions de juifs à traiter. Onze millions, mais certains pays définissent les juifs par des critères non raciaux… par la pratique religieuse uniquement, ce qui est le cas par exemple pour l'Angleterre et les États-Unis. De ce fait, d'après nos critères raciaux, il existe de nombreux israélites non répertoriés. Vous voyez, la tâche est énorme.
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Le livre de Fabrice Le Hénanff, Maus de Spiegelman, Yossel de Joe Kubert, Deuxième Génération de Michel Kichka ne sont pas là pour dire l'histoire. Mais ils nous enseignent par un ressenti mieux qu'aucun témoignage, aucun essai ne pourra jamais le faire.
- Didier Pasamonik
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N'employons plus jamais le mot euthanasie. D'abord, il y a le mot nazi dedans, ce qui n'est pas gentil.
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Ne perdons pas de temps. Je vous propose de faire un tour de table pour nous présenter, ce tour finira par moi. À vous, Eichamnn, et soyez bref !
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