David, commercial dans une grosse boîte, vient d'être promu. Une promotion méritée aux dires de son patron qui a confiance en lui. Mais, ce père de famille est à la fois ravi et ennuyé au vu de la charge de travail qui l'attend. Ce vendredi soir, il prend la route pour rentrer chez lui à Douarnenez malgré la pluie battante qui a déjà provoqué des inondations, bloquant certaines routes. Ne se sentant pas bien, il s'arrête un instant sur le bas-côté quand une autostoppeuse, un brin marginale, croyant qu'il s'arrêtait pour elle, monte dans sa voiture. Ne pouvant la laisser sous la pluie, il se propose alors de l'avancer un peu. Au fil des kilomètres, les langues se délient et chacun d'eux remarque combien leurs vies sont diamétralement opposées. Une conversation et des événements qui vont peu à peu interpeller David sur sa façon de vivre...
Ralentir pour prendre le temps de vivre... Ralentir pour profiter des siens... Ralentir pour prendre conscience de l'éphémérité de la vie... Dans une société où il faut réussir, aussi bien professionnellement que sociétalement, où il faut aller toujours plus vite, Delphine le Lay, elle, nous propose de ralentir, de regarder autour de soi et de profiter de ce qui nous entoure. À travers les portraits de David, commercial ultra-connecté qui fait passer son travail avant sa famille, et Emma, une jeune femme qui vit un peu comme bon lui semble, l'auteure compare deux modes de vie et met en avant le "vivre autrement". Sans donner aucune leçon de moral, elle constate combien la société va vite aujourd'hui et combien les gens ne prennent plus le temps. Delphine le Lay nous offre un album qui donne à réfléchir sur la notion de bonheur et du sens que l'on veut donner à sa vie. Graphiquement, Alexis Horellou joue essentiellement sur les couleurs, passant d'une ambiance grise à une ambiance plus chaude avec des tons ocres. Le trait reste simple mais efficace.
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« Une gare, c'est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. » *
Dans cette BD moins peuplée que la gare Montparnasse un vendredi soir, mais plus que celle de Ste-Pazanne (44) à midi en hiver, on côtoie un quadra en pleine ascension professionnelle, et une jeune femme désabusée, revenue de la société de consommation - à moins qu'elle n'y ait jamais eu accès, c'est plus probable.
Le premier serait en train de « réussir » et la seconde ne serait « rien » ?
Pas si simple, il appartient à chacun de trouver son juste milieu en faisant abstraction du jugement des autres, comme on le voit avec les autres personnages rencontrés dans cette intrigue.
J'ai beau m'intéresser à ce genre de préoccupation (travailler moins pour vivre mieux), je trouve cet album plutôt maladroit, trop manichéen : VDM des salariés ultra connectés et speedés en ville, vs zénitude des heureux campagnards qui cultivent leur bout de terre et passent de chouettes soirées à manger et boire avec des 'vrai(e)s gens' - la bicoque à retaper peut attendre, pas de réveil le lendemain, juste le chant du coq qu'on ne perçoit qu'une fois la petite gueule de bois dissipée...
Heureusement, cette vision aussi tranchée qu'agaçante est adoucie par une postface qui laisse place au doute et à la réflexion : « Nous sommes nombreux à ressentir l'absurdité du système dans lequel nous sommes plongés. Mais par où commencer ? L'énergie, l'environnement, l'alimentation, l'éducation, l'argent, l'agriculture... Chaque sujet de notre quotidien est source de questionnements, de sentiment de culpabilité, de peur de mal faire. [...] On perd plus de temps à se poser des questions pour essayer de bien faire qu'à tenter quelques changements concrets, même s'ils paraissent insignifiants au regard de l'immense sac de noeuds mondial. Certains, bien sûr, font le choix de tout changer du jour au lendemain. D'autres entament un chemin, en choisissant un point de départ. »
Je préfère ça aux recettes miracles et aux sentences...
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* Déclaration du président Macron en date du 29/06/2017 lors de l'inauguration de la Station F, le plus grand incubateur de start-up au monde (Halle Freyssinet, Paris).
https://www.youtube.com/watch?v=yVw0zCu4X30
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Ralentir.
Prendre le temps de profiter des uns et des autres, de la Terre, de ses richesses et de sa beauté. Vivre plus simplement, en harmonie avec soi-même, prendre des décisions pour ne plus subir. Dans un contexte de mondialisation et dans un modèle économique de surconsommation, Ralentir est une bande-dessinée qui fait du bien. Parce qu'elle
laisse entrevoir l'humanité qui nous anime et qui, malgré le rythme effréné imposé par nos sociétés, malgré la volonté des "puissants" de la faire taire, se réveille, se répand, communicative, et donne à nos vies le sens qu'elles méritent.
A travers les deux protagonistes, les auteurs confrontent ceux qui oeuvrent au maintien du modèle, David, commercial qui rentre chez lui le week-end retrouver femme et enfants, un attaché-case rempli de dossiers à traiter avant le lundi, et ceux qui le rejettent, qui le fuient et se placent en marge, Emma, jeune autostoppeuse pepsy, qui ne veut pas consacrer sa vie à travailler. J'ai aimé la finesse avec laquelle le sujet est traité. Les deux personnages sont prisonniers, l'un pour les raisons évoquées plus haut et l'autre par le manque de moyens financiers. Leur démarche est compréhensible, leur positionnement tout en nuances, ce qui nous épargne les clichés habituels des productions cinématographiques et littéraires sur le sujet.
Durant le trajet, malgré ce point commun qui semble engendrer chez eux, mélancolie et angoisse, ils opposent leur vision de la vie, à travers des échanges laconiques puis tranchants. Jusqu'à ce qu'un accident auquel ils assistent les rapproche. Jusqu'à cet accident, le graphisme est sans éclat, composé de gris, blanc et noir. A partir de l'accident, les couleurs chaudes viennent illuminer les pages au fur et à mesure que les protagonistes retrouvent une certaine sérénité. Vivre l'instant présent, prendre les événements comme ils se présentent, abandonner les sur-connexions technologiques pour en vivre d'autres, plus humaines.
C'est dans une convivialité inattendue que les personnages se laissent aller, s'écoutent, et, finissent par oublier un instant les contraintes, les limites et l'angoisse qui régissent leur existence.
La bande-dessinée s'achève sur des couleurs apaisantes, nuances de beige, saumon et turquoise, sur des paysages, sur le silence, qui accompagnent David dans sa prise de décision, celle de ralentir pour ne plus subir.
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Lorsqu'en rentrant du boulot, David, un quadra, commercial qui vient d'obtenir une "sorte" de promotion, prend en auto-stop Emma, jeune femme libre et un peu rebelle, il pense rapidement que le trajet va être trèèèèès long ! Mais il n'imagine pas que cette rencontre va changer le regard qu'il porte sur sa vie.
Car tout semble opposer les deux protagonistes : lui a un travail stable, dont il n'a jamais rêvé mais pour lequel il se démène afin d'offrir une vie confortable à sa famille. A peine en week-end, il croule déjà sous les appels professionnels. Emma quant à elle vivote de petit boulot en petit boulot et ne signerait pour rien au monde un CDI tant elle est attachée à sa liberté.
Le début du trajet va opposer leur deux visions du monde qui finissent par trouver une trêve à l'occasion des aléas de la route (un accident, une route barrée). La rencontre avec de parfaits inconnus chez qui ils trouvent refuge pour la nuit, la découverte de leur choix de vie et leur générosité vont bouleverser le destin de David comme d'Emma.
Un album sous forme de road trip qui questionne les choix de vie, permet de s'interroger sur ce qui finalement est réellement essentiel et important pour soi, qui parie sur la richesse des relations humaines plutôt que sur la réussite individuelle.
Attention, cette lecture pourrait vous donner envie de changer de vie !
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Un bien bel ouvrage dont l’objectif avéré est de pousser le lecteur à lever le pied et à lui donner l’occasion de prendre temps pour réfléchir sur sa façon de vivre.
Lire la critique sur le site : Sceneario
Le parti pris est didactique et engagé et, dans cette perspective, le pari est réussi.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Le parti pris est didactique et engagé et, dans cette perspective, le pari est réussi.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Ralentir mérite au moins qu'on lève le pied pour lui consacrer un intéressant moment de lecture.
Lire la critique sur le site : Auracan
[après qu'elle lui ait cassé son portable]
- Oh ça va... c'est que du matériel !
- Eh bien, figurez-vous que j'en ai besoin de ce matériel.
- Besoin pour quoi ?
- Pour téléphoner par exemple !
- Y a des cabines.
- De moins en moins. À cause de gens comme vous. C'est pas juste un téléphone. J'ai ma vie, moi, là-dedans !
- J'espère pas pour vous... Non, mais vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Votre vie dans un boitier plastique ? Quelle horreur !
- Alors vous êtes fonctionnaire ?
- Ah non... M'en parlez pas !
- Vous venez de me dire que vous travaillez aux espaces verts d'une commune.
- Je suis en CDD pour un an.
- Oui mais vous n'allez pas pouvoir rester en CDD longtemps.
- Mais je veux pas de CDI, moi, je veux pouvoir partir quand je veux.
- Mais en CDI, vous pouvez partir à tout moment.
- Ah non, mais rien que l'idée de signer un truc à durée indéterminée, ça me fait flipper.
- Pourtant, ça en ferait rêver plus d'un. Moi je me souviens du jour où on m'a proposé un CDI, j'étais fou de joie. Je n'avais que mes diplômes et ma courte expérience. Ils m'ont fait confiance. Ils m'ont donné ma chance. Depuis, je m'efforce d'être à la hauteur. Ça va faire dix ans que je travaille dans cette boîte.
- Oh là là... Et vous n'avez pas envie de partir ?
- Non, pas du tout. J'aime mon travail, je m'y donne à fond et mes employeurs me le rendent bien. Ils me font confiance et me permettent d'évoluer. Je sais que j'ai un avenir dans cette boîte. D'ailleurs, ils viennent de me proposer de changer de poste. Une sorte de promotion. C'est un sacré challenge, mais ils croient en moi.
- A tel point qu'à peine en week-end, ils vous collent un boulot urgent sur le dos.
(p. 34-36)
- Ah non, mais rien que l'idée de signer un truc à durée indéterminée, ça me fait flipper.
- Pourtant, ça en ferait rêver plus d'un. Moi, je me souviens du jour où on m'a proposé un C.D.I., j'étais fou de joie. Je n'avais que mes diplômes et une courte expérience. Ils m'ont fait confiance. Ils m'ont donné ma chance. Depuis, je m'efforce d'être à la hauteur. Ça va faire dix ans que je travaille dans cette boîte.
-Oh là là ... Et vous n'avez pas envie de partir ?
- Non, pas du tout. J'aime mon travail, je m'y donne à fond et mes employeurs me le rendent bien. Ils me font confiance et me permettent d'évoluer. Je sais que j'ai un avenir dans cette boîte. D'ailleurs, ils viennent de me proposer de changer de poste. Une sorte de promotion. C'est un sacré challenge, mais ils croient en moi.
- A tel point qu'à peine en week-end, ils vous collent un boulot urgent sur le dos. ... Ben moi, je vais vous dire, si je pouvais ne pas travailler, je serais bien contente. Une vie, j'en ai qu'une et tout le temps que je donne au travail, c'est du temps perdu pour moi.
- Mais vous devez gagner votre vie.
-Vous voulez dire gagner de l'argent ?
- Oui.
- Ben oui. C'est pour ça que je continue. Faudrait plus avoir besoin d'argent.
Ben dites donc, pour un type qui n'aime pas qu'on enfreigne les règles, je vous trouve un peu limite. Alors voler à boire quand on a soif et qu'on n'a pas de sous, c'est interdit, mais téléphoner au volant au risque de mettre sa vie et celle des autres en danger, ça passe?
"Plus loin c'est bloqué. Arrêtez-vous, venez boire l'apéro! "