Mars 2020. Les malades, les morts, le décompte morbide
En Italie déjà 20 465 vies en moins
20 465 fois une vie en moins
La peur de mourir, mourir seul, mourir du chagrin
Qu'un proche ou un ami cher meure
Nous rentrons dans la nuit
Le temps devient si lent
Silencieux
Nul endroit où fuir
L'espace se distord
Faisant d'un jardin tout un monde
Du mètre de toi à moi une frontière infranchissable
Une fleur un chant un vieux poème
Entassé au fond de la mémoire
Comme un gisement d'or au fond de la rivière
Sauvent des questions sans réponse
Et le spectacle du printemps
Où chaque jour apporte son lot de premières fois
Bienheureux celui qui a passé le confinement dans une maison entourée d'un jardin ou à la campagne. Bienheureux celui qui est capable de débusquer la poésie dans le quotidien. Bienheureux celui qui trouve les mots pour la partager avec les autres.
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Pour la première fois de ma vie
Et de la vie du poème que j’écris
Je pense le regard au plus loin d’où je suis
Que peut-être je n’irai pas jusqu’au bout de lui
Un poème va-t-il jusqu’au bout
Est-il achevé par la mort du poète ou par la mort de son lecteur
Le poète et le lecteur cheminent-ils ensemble le temps du poème
Et qui s’en va en premier
Serai-je le lecteur de mon poème d’aujourd’hui
Ou seulement l’auteur que je suis en même temps que lui ?
J’écris et pour la première fois de ma vie
Je n’ai jamais eu autant besoin du lecteur que je suis aussi
Il m’attend à la fin du vers que j’écris
Pour traverser le blanc et le silence d’aujourd’hui
Qui nous envahit de tous les côtés de la page où j’écris
Sur la terre où je vis comme beaucoup d’entre nous
En sursis
La première tombe
C’était il y a si longtemps
Peut-être cent mille ans
Le premier lien de la terre avec le ciel
Du présent avec le passé
Le lieu des premiers mots dits à l’âme avec le corps
La lune au-dessus de nous
Ne tombait pas
Par les chants
Le soleil au-dessus de nous
Ne nous brûlait pas
Par la danse
Le temps autour de nous se dépliait pas à pas
Par les pierres dressées
Dans les champs astronomiques
Et funéraires
Pour faire calendrier
Et compter nos jours dans les nuits
Et le feu
Bien sûr
Pour manger chaud
Et rêver loin
À force de tourner autour de ma maison
J’ai tracé un chemin autour de ma maison
Un chemin de prières
Par mes pas
Par leurs sons sur les graviers
Qui à force de marcher au pas trouvent leur rythme
Leur poème
Dont le sens
Comme un mantra
Vérifie ma vie par le bruit qu’elle fait
En tournant autour de ma maison
La fleur ne sait pas qu’elle va mourir
Extrait 1
La fleur
ne sait pas qu’elle va mourir
je le sais
pour elle
je le sais
pour moi
je le sens
chaque matin
chaque aube
l’aube
d’avant le matin
l’aube
avec encore un peu de nuit qui traîne
les morts le savent qui meurent à l’aube
sans leur petit déjeuner du matin
…
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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