Julie Séhédic pousse un violent coup de gueule lorsqu'elle apprend ce que vient de faire sa soeur, la sage Audrey.
Celle-ci est libraire, mais aussi visiteuse de prison. Elle a donc correspondu avec un détenu, comme elle amateur de littérature. C'est sans preuve solide qu'on a condamné ce Marlon Martin à vingt-cinq ans de prison. Bien entendu, il clame son innocence : il n'a rien à voir avec cet horrible « violtigeur », le surnom de l'assassin qui se cache dans les arbres.
C'est ce psychopathe qu'Audrey vient d'épouser à Fleury-Mérogis. Libéré anticipativement, il va venir habiter la maison familiale à Beg Meil.
Audrey se rend-elle compte que sa vie va se transformer en cauchemar ?
Il y a peu, j'ai lu «
Meurtres pour rédemption » de
Karine Giebel. J'ai dû me ménager de nombreuses pauses, non en raison de l'épaisseur du roman, mais parce que chaque page, ou presque, met en scène une violence difficilement supportable pour moi.
Oui, c'est vrai, j'aime beaucoup les thrillers et les romans policiers de toute sorte, mais je redoute l'horreur omniprésente. C'est pourquoi je suis attirée par une catégorie qui évoque crimes et meurtres, bien évidemment, mais qui choisit pour toile de fond une région française. Ce genre de livres est moins sanglant et me donne l'occasion de voyager sans quitter mon fauteuil.
C'est la raison qui m'a fait jeter mon dévolu sur «
Le démon de Beg Meil » dont le titre m'intrigue.
Qui est ce monstre ? Où est Beg Meil ?
Eh bien, déjà, c'est un endroit qui existe. Je peux m'y promener virtuellement grâce à la magie de la toile. Lorsque les auteurs inventent des lieux, j'en suis déçue et le pire, ce sont ces villes de « S. », de « T . » ou encore « B. sur Y. ». Quelle frustration !
Audrey me plaît car elle est libraire. Elle a aménagé, à Quimper, « Les Mille et une feuilles », une pièce petite mais chaleureuse, qui accueille enfants et adolescents. Elle affectionne la lecture et les chats, comme moi, mais il s'avérera qu'elle s'attachera aussi aux chiens. En revanche, je la trouve beaucoup trop naïve, crédule, encline à accorder sa confiance au premier venu, ce qui lui attirera de gros ennuis. Car ce « démon », c'est elle qui l'introduit dans son paisible quartier.
Ce détenu semblait si raffiné, cultivé, courtois et amateur de lecture. Il a fait fondre son coeur.
Il clame son innocence ? (Les prisons, on le sait, ne sont pleines que de gens charmants qui n'ont rien fait). Elle le croit. Elle l'épouse. le lecteur peut alors faire la connaissance de Marlon Martin. « Avec un prénom pareil, je te concède qu'il a dû mal débuter dans la vie », s'écrie Julie. « J'imagine d'ici sa mère (…) nourrie aux chips et aux films de Marlon Brando qui est vraiment "TROP BEAU !" »
En réalité, ce type n'a rien du malheureux accusé à tort. A peine a-t-il mis le pied dans la maison de sa femme qu'il reste muet et renfrogné dans son coin, sans même enlever sa veste. Audrey se coupe en quatre pour lui faire plaisir. Elle lui offre un verre de bière ? « Arrête tes chichis! (…) Je ne suis ni un ministre ni un prince. Au goulot c'est parfait. » Il fume à l'intérieur, dort dans une chambre à part, refuse de visiter la librairie, impose un chien sans demander l'avis d'Audrey. Jamais un geste tendre. Il refuse de la toucher comme si elle le dégoûtait. Chaque fois qu'elle prend une initiative, il crie, insulte, invective. Pourquoi l'avoir demandée en mariage, alors ? Nous l'apprendrons plus loin. Bref, le parfait goujat, totalement antipathique.
Heureusement, pour contrebalancer ce triste sire, il y a Julie, guide touristique, qui nous régale de quelques anecdotes. La lieutenant Marisol Geoffroy, qui mène l'enquête. Je n'ai pas trop compris pourquoi la couverture mentionne « Le Gwen et le Fur » (si, évidemment, j'ai consulté la bibliographie de Françoise le Mer et constaté qu'elle avait confié une série d'énigmes à ces deux policiers), car presque tout le travail est fourni par Marisol.
De temps en temps, un chapitre écrit en italiques, nous renvoie dans le passé, au cirque Martin et présente un pauvre gosse qui vit un enfer. Il faudra patienter jusqu'à la fin pour comprendre son rapport à l'histoire.
Pour s'opposer à ces passages sombres, il y a l'humour. Par exemple, la femme de le Fur doit être excédée puisqu'elle publie cette petite annonce : « Colette LF Brest. Après confinement, vend paire de jumeaux de douze ans. Très peu servi. Prix à débattre. »
Quelques anecdotes historiques et littéraires émaillent le récit : Audrey montre à Marlon un château, celui de Félix Guyon, « ce chirurgien du XIXe siècle professeur à l'hôpital Necker (…) il eut pour disciple
Robert Proust, le frère de Marcel. »
J'ai trouvé l'enquête, dont je ne dévoilerai rien, prenante et bien menée. Ce roman m'a beaucoup plu et j'en lirai certainement d'autres de la même série.
Une remarque toutefois : il y a, ici aussi, une erreur dans les noms. Paco devient Marco, ce qui est perturbant, car les deux personnages jouent un rôle assez important dans l'histoire. N'y a-t-il donc personne pour relire les épreuves avant de les publier ? C'est le genre de choses qui m'énerve.
Néanmoins, je remercie chaleureusement Babelio et l'Opération Masse critique, ainsi que les éditions du Palémon qui m'ont permis de découvrir cette auteure.