Très sincèrement, en tant que passionné d'entomologie, ce livre est le plus fabuleux récit que j'ai eu l'occasion de lire, parfaitement écrit et surtout permettant de s'évader très loin dans un monde mirifique remplie de couleurs splendides et de parfums bucoliques dans la merveille d'une jungle lointaine.
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"D'ailleurs, pendant que je discutais avec lui, éclata un orage épouvantable, comme il en survient souvent en Guyane. Eclairs et coups de tonnerre se succédaient à un rythme affolant.
Le voisin avec qui j'avais joué aux échecs m'offrit à dîner car, bien entendu, mon cuisinier avait négligé de préparer mon repas. Je mangeai hâtivement et, un quart d'heure plus tard, retournai chez moi.
Quelle ne fut pas ma stupéfaction en voyant mes toiles de chasse entièrement couvertes de papillons. Certes, j'avais déjà fait de bonnes chasses les soirs d'orage; mais je n'avais jamais pris une telle quantité de papillons.
Il en vint en nombre fantastique pendant toute la nuit. Huit à neuf mille, peut-être. En tout cas, il y en avait tellement que je ne m'occupai que des espèces les plus rares, laissant s'envoler les autres."
"Bientôt, au lieu de faire miroiter au soleil un morpho que je tenais à la main, j'eus l'idée d'en piquer plusieurs sur des branches très flexibles ou des plantes basses. Leurs semblables ne manquaient pas d'accourir, mais ce n'était pas encore là le procédé idéal.
Mes forçats et mes relégués furent servis par leur maladresse. Incapables d'étaler comme je le faisais les papillons morts, ils en brisaient les ailes, qu'ils disséminaient sur le sol. L'on pouvait voir trente, quarante, cinquante ailes chatoyer côte à côte sur un espace de sept ou huit mètres. Bien entendu, ils tournaient les ailes de façon que la partie bleue fît face au ciel."
"Quatre de mes meilleurs chasseurs de Guyane sont morts dans l'enfer du Vénézuela. En l'apprenant je ressentis une grande tristesse, doublée je l'avoue, d'une déception : mes hommes, de ce même enfer, m'avaient envoyé, pendant plusieurs années, de multiples spécimens d'espèces que je connaissais mal. Et après leur mort, j'eus grand-peine à trouver d'autres chasseurs qui consentissent à affronter pour moi les multiples dangers de l'Orénoque."