AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
191x - La Grande Guerre (Le Naour) tome 1 sur 5
EAN : 9782262030346
408 pages
Perrin (08/11/2012)
4.39/5   46 notes
Résumé :
En 1914, l'obsession de la guerre hante l'Europe. Avant même que l'attentat de Sarajevo n'allume la mèche de la poudrière balkanique, elle occupe les esprits, s'affiche à la une des journaux, s'invite dans les conversations et les discours politiques. Sans que l'on n'y croie vraiment. Pourtant, en quelques jours à peine, le monde bascule dans un engrenage qui va le broyer. La guerre s'impose comme la plus rapide des solutions pour conduire à l'émancipation des natio... >Voir plus
Que lire après 1914 : La grande illusionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
4,39

sur 46 notes
5
8 avis
4
3 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
J'ai eu du nez de regarder « La Grande Librairie » le soir où Jean-Yves le Naour venait y faire sa promo. J'ai su immédiatement que je lirai sa série sur la première guerre mondiale. La parution en poche prenant du temps, je ne commence que maintenant par la première année : 1914.

« Un livre qui se lit comme un roman », annonce-t-on en quatrième de couverture. Quand même pas, mais pas loin. L'auteur a la faculté de nous rendre vivante le début de cette tragédie, vivante selon un nombre considérable de points de vue. Il fait revivre les acteurs, lisant presque leur pensée grâce aux extraits de leurs mémoires ; les acteurs individuels, mais aussi l'opinion, les foules et les troupes qui sont des acteurs à part entière. Il nous rend palpable la perte de contrôle des diplomates qui mène à la guerre, les haines que les peuples éprouvent les uns envers les autres et l'épouvantable massacre des premiers mois, là aussi grâce aux mémoires et aux extraits de journaux.

De cette guerre, je ne connaissais que les images d'Épinal qui ont été balayées comme les français à la bataille de Charleroi. Je pensais que la guerre n'avait été que le résultat de la mécanique des Alliances ; c'était ignorer l'incroyable jeu de poker auquel se sont livrés les diplomates de tous les pays pendant un mois. La paix, la guerre, ils jouaient sur les deux tableaux à coup de menaces, de mensonges, de sincérité aussi ; le premier qui mobilise a perdu. Ce que j'en retiens, c'est que les diplomates ont joué un jeu de rôle grandeur nature et ont été abasourdis que cette guerre en soit le résultat final, même les allemands et les austro-hongrois sur lesquels le Naour fait finalement peser la plus grande responsabilité.

Le comportement des partis politiques et des syndicats en France m'était inconnu. La gauche avait ici l'occasion de s'opposer à ce massacre organisé entre les nations en refusant d'y prendre part, en déployant « la guerre à la guerre » de Jaurès chez les travailleurs de tous les pays. L'assassinat de Jaurès aurait pu les pousser dans cette direction. Mais la méfiance existait, le patriotisme aussi, et la gauche renonça en prétendant qu'il s'agissait d'abord de sauver la République de l'impérialisme aristocratique. Ce renoncement s'est fait au grand dam de la droite dont les plus extrêmes étaient prêts à emprisonner voire abattre tous les traitres de gauche. Les extraits de journaux de l'Action Française en particulier, font froid dans le dos. A côté de ces gens, le Pen est un bisounours.

Je ne connaissais pas non plus – mais cela ne me surprend pas vraiment – le comportement irrationnel des foules : la chasse aux allemands en France, en fait tous ce qui avait un accent un peu fort étaient massacrés sur place, la vitesse de diffusion des rumeurs les plus stupides comme ces allemands déguisés en femmes qui auraient jeté des friandises empoisonnées aux enfants pour éliminer dans l'oeuf la « race » française.

Et bien sûr, j'ai beaucoup appris sur le déroulement de la guerre durant ces premiers mois. le plan Schlieffen appliqué à la lettre par les Allemands et la stratégie plutôt risquée de Joffre qui consiste à les laisser venir par la Belgique pour les découper en passant par le ventre mou de la Lorraine. Qu'il croit. Joffre ne parle à personne de ses plans, surtout pas aux politiques, et n'accepte aucun conseil. Et ces braves généraux français qui nous refont Azincourt en habillant les soldats de pantalon couleur garance (un rouge bien vif) et en les lançant à l'assaut comme une honorable infanterie se doit d'agir. Ils seront reçus par des bombardements et des mitrailleuses terrifiants. Un carnage de chair à canon. Bravo les tacticiens !

L'humour n'est pas complètement absent du récit. le Naour est parfois d'une ironie douce aux oreilles dans ses descriptions des bobards balancés par la presse. Et on ne peut manquer de trouver amusante, quoique avec un peu de cynisme, certains comportements comme ces français passionnés par l'affaire Henriette Caillaux, la femme de l'homme politique Joseph Caillaux qui assassine le directeur du Figaro, alors que la situation internationale se dégrade, ou ces soldats incorporés tardivement et qui se retrouve avec des pantalons trop longs et des chapeaux melon en guise de casque.

Je vois que je suis un peu long. Je terminerai donc en disant que j'ai tout de même une déception : celle que le Naour nous décrive surtout les évènements vus de France. A part la partie diplomatique bien balancée entre tous les acteurs européens et le dernier chapitre qui résume les évènements sur le front de l'Est et en Asie, on se concentre sur l'opinion française, les partis politiques français, les foules françaises, les lettres de soldats français. Il était certainement plus facile de trouver de la documentation en France pour l'auteur, mais je suis sûr que les Russes, les Autrichiens ou les Allemands ont aussi dû laisser des témoignages que j'aurais bien aimés lire. L'occasion de présenter cette guerre comme monstrueuse de tous les points de vue est ratée. Mais peut-être les tomes suivants rectifieront ils le tir ?

Le tome suivant, il faut que j'attende sa publication en poche. En attendant, je lirai les quelques BD de l'auteur où des évènements précis de ces quelques premiers mois sont décrits.
Commenter  J’apprécie          406
“1914” débute une fresque en 5 tomes sur la Grande Guerre, un par année, de 1914 à 1918.

Jean-Yves le Naour est un spécialiste reconnu et convoqué à la télévision chaque 11 novembre !

“Plutôt que de privilégier l'histoire diplomatique, militaire, politique, sociale ou culturelle, nous avons tenté de les solliciter toutes pour restituer l'année 1914 dans un esprit de synthèse, au plus près de la façon dont elle a été vécue par les contemporains.”
Aussi ai-je voulu vous proposer des extraits (voir citations) :
- sur l'enthousiasme à s'engager dans la guerre (vu du côté allemand pour changer !),
- sur les motifs de la guerre,
- sur la représentation des Allemands et le dénigrement de leur armée,
- sur les prédictions des voyantes pour l'année 1914 !

La partie consacrée à la diplomatie comporte les erreurs des paroles politiques durant les dix jours qui ébranlèrent le monde.
Tel Louis XVI qui écrivait “rien” le 14 juillet 1789, parce qu'il était revenu bredouille de la chasse, le Tsar Nicolas II confie à son journal : “Je suis allé me promener seul. Il faisait très chaud. Ai pris un bain délicieux.” Un vrai emploi du temps de monarque ! Pourtant il venait de sceller le sort de l'Europe.
On mesure avec effroi qu'il eut peut-être suffit d'un petit rien pour arrêter l'engrenage.

Vous suivrez quand même quelques faits militaires comme la bataille de la Marne, où la réquisition de tous les taxis Renault permit de convoyer 5000 combattants pour renforcer le front.
“La légende a fait de ces taxis de la Marne les instruments de la victoire, mais, comme toute légende, celle-ci est bien exagérée : ce ne sont pas quelques milliers de soldats jetés dans la bataille qui ont fait la différence.”

L'historien donne une représentation réaliste de la guerre comme lorsqu'il décrit les uniformes de l'hiver 1914-1915 : “ Il faut se représenter des soldats bigarrés qui tiennent à la fois du clown et du clochard.”

Il sait captiver son lecteur en lui faisant partager sociologiquement, historiquement et humainement la situation des hommes au regard de la description documentée des événements décrits.
D'ailleurs, François Busnel ne s'y est pas trompé qui nous affirme : “Voici un livre qui va vous ravir et qui se lit comme un roman”.

Alors à suivre…
Commenter  J’apprécie          342
Ce livre est une véritable plongée au coeur de l'année 1914 ! Mois par mois, semaine par semaine, et même à certains moments: jour par jour.
Une immersion absolument passionnante dans tous les aspects de cette funeste année : tant au niveau social, qu'économique, politique, militaire etc. Tous les angles de vue sont abordés, que ce soit celui des dirigeants , celui des poilus ou des civils. Celui des Français, des Allemands, ainsi que des autres nations. La petite histoire comme la grande Histoire s'y mélangent, rien n'est laissé ni oublié. Jean-Yves le Naour parvient à nous donner une vision plus que globale et extrêmement détaillée des événements de l'année 1914, avec une écriture fluide et vivante, même belle, qui nous immerge dans l'atmosphère de l'époque avec un grande facilité.
Parfois les détails concernant certaines batailles militaires ont pu paraitre un peu long dans le texte, mais ce ne fut que relativement rare.
Ce furent globalement 300 pages exceptionnelles, un très gros coup de coeur pour moi.
J'ai particulièrement été marquée par le chapitre intitulé "Dix jours qui ébranlèrent le monde", récit absolument dingue des tractations politiques internes et du jeu de dominos qui ont conduit à la déclaration de guerre. On a peine à croire qu'une poignée d'hommes ont ainsi décidé du destin de l'Europe dans une espèce de partie de ping-pong grandeur nature. En lire les détails exacts était très sincèrement sidérant. Ce chapitre vaut vraiment le détour.
De manière générale, le travail de recherche effectué par l'auteur pour écrire un ouvrage entier, d'une très grande qualité, sur une seule année (de même pour les suivants) a du être absolument colossal et je n'en suis que plus admirative.
J'ai littéralement adoré ce livre.
Commenter  J’apprécie          60
Excellent!!!Ce livre d'Histoire se lit (presque)comme un roman:à côté des
faits historiques,il a le rare mérite de faire revivre les réactions,les
émotions,les craintes et les illusions du petit peuple,dans leur complexité,
leur déraison ou leur mobilité.Il fait aussi bonne justice aux images d'
Epinal : l'enthousiasme des départs,l'Union sacrée,le Vainqueur de la
Marne...La qualité de l'écriture,sobre et claire,ajoute au plaisir de la
découverte.On attend une suite,avec l'impatience qu'on aurait devant un
feuilleton palpitant.
Commenter  J’apprécie          50
Un des meilleurs ouvrages sur la Grande Guerre de ses dernières années. Jean-Yves le Naour retrace mois par mois l'année 1914, aussi bien en France qu'en Europe. on suit la montée grandissante des tensions et l'engrenage infernal qui entraîna les nations dans l'horreur.
Livre très didactique, c'est une bonne base pour apprendre sur le sujet sans être noyé sous un déluge d'informations.
Commenter  J’apprécie          50


critiques presse (1)
Lexpress
28 janvier 2013
C'est avec la même clarté d'exposition que Jean-Yves Le Naour restitue l'état d'esprit des Français au mois d'août 14. [...]. C'est avec la même autorité qu'il décrit la campagne de France, l'incompétence placide de Joffre, le "miracle" de la Marne, et cette union sacrée qui ne masque que très brièvement une "sacrée désunion".
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Reste une question que l'historien Jules Isaac ne cesse de se poser pour comprendre les origines somme toutes mystérieuses du conflit : « Comment expliquer que la guerre, tant de fois prévue prédite depuis 1905, quand elle éclata dans l'été 1914, parut tomber sur le monde comme une avalanche ? » Longtemps, pour répondre à cette interrogation, les historiens ont élaboré de vastes constructions politiques, diplomatiques ou économiques démontrant le caractère inexorable et mécanique de I'affrontement, sans toutefois convaince absolument, puisque aucun fait mis en avant ne suffisait à avoir rendu la guerre inévitable. La compétition coloniale ? Mais celle-ci avait d'abord opposé la France à la Grande-Bretagne! La confrontation des ambitions économiques à l'âge du capitalisme impérial ? C'est oublier que les milieux libéraux prônaient la paix comme plus profitable aux affaires et aux échanges. L' Alsace- Lorraine? Une vieille lubie qui ne préoccupait plus grand monde, en vérité. L'engrenage fatal des alliances diplomatiques ? On avait pourtant eu le courage d'arrêter cette mécanique lors des crises précédentes, et cela ne disait pas pourquoi on n'avait pas voulu la stopper en 1914. Et tous les historiens d'énumérer avec plus ou moins de conviction ces éléments sans pouvoir dire vraiment ce qui a été déterminant. Avouons-le : si les origines du conflit sont restées insaisissables en dépit des miliers d'ouvrages consacrés au sujet, c'est peut-être parce que les facteurs objectifs sont insuffisants pour comprendre comment la moitié de l'Europe a décidé de prendre l'autre à la gorge.
Après tant de grandes synthèses indécises ou erronées, il était temps de mobiliser les ressources de l'histoire culturelle pour envisager de nouvelles pistes. Un fait est certain : l'Europe de 1914 avait peur et c'est certainement de cette peur qu'est née la guerre.
Commenter  J’apprécie          140
De ces tractations dans l'ombre du mois de juillet 1914, l'opinion n'a jamais rien su. En Allemagne comme en France, on ne parlait plus de Sarajevo depuis longtemps... Pour ceux qui savaient voir, il y avait pourtant quelques signes inquiétants. Le 20 juillet, les bourses autrichienne et hongroise dévissaient curieusement, puis la panique des marchés se transmettait à l'Allemagne, à la France et à l'Angleterre. Les projets austro-allemands fuitaient, à n'en pas douter, dans les milieux d'affaires, toujours mieux informés que les autres, et la chute des cours boursiers n'était rien d'autre que la manifestation de la nervosité des marchés détestant plus que tout l'incertitude et les rumeurs de guerre. La diplomatie, certes, ne se fait pas à la corbeille, mais la Bourse est un baromètre délicat, un sismographe des plus sensibles dont le caprices ne peut manquer de surprendre la masse des non-initiés.
Commenter  J’apprécie          260
Pour briser la peur qui serre les cœurs, rien de tel que de dénigrer l'armée allemande. Il ne s'agit pas là d'une basse propagande coordonnée par on ne sait qu'elle officine militaire ou gouvernementale, mais d'une sorte d'autopersuasion générale, un acte de foi devenu certitude générale à force d'être repris et répété. En quelque sorte, pour diminuer le péril, tout le monde cherche à se persuader que l'ennemi ne vaut rien. Le grand bal de l'inconscience est ouvert par "Le Temps" dès le 04 août : "Au moment où va débuter une tragédie dont nous ne sommes pas les auteurs, il est bon de prévenir certaines impressions d'imagination décourageantes ou des allusions aux pertes que causent la grande portée et les effets réputés meurtriers des armes modernes. On croit généralement qu'il en résultera ce qu'on a coutume d'appeler des pertes effroyables en hommes. Aussi faut-il redresser les idées à ce sujet à l'aide des statistiques établies après les dernières grandes guerres. Elles démontrent en deux mots que, plus les armes se perfectionnent, plus le nombre des morts des dernières guerres diminue. "" L'Intransigeant" n'est pas en reste : «L'inefficacité des projectiles ennemis est l'objet de toutes les conversations. Les shrapnells éclatent mollement et tombent en pluie inoffensive. Le tir est mal réglé. Quant aux balles allemandes, elles ne sont pas dangereuses. Elles traversent les chairs de part en part sans faire aucune déchirure.» Quelle chance pour les Français ! Seuls les Allemands mourront à la guerre ! Et c'est un festival : «Les projectiles de l'artillerie allemande se sont révélés jusqu'ici très peu efficaces», affirme "Le Petit Parisien" (14 août) : «Les Allemands tirent bas et fort mal ; quant aux obus, ils n'éclatent pas dans la proportion de 80 %», précise "Le Journal" (19 août) ; "Leur artillerie est comme eux, elle n'est que bluff. Les éclats d'obus ne vous font que des bleus", renchérit "Le Matin" (15 septembre). Restait donc à conclure avec "L'Echo de Paris" du 28 août que «la guerre, avec ses allures destructrices, n'a que l'apparence de la destruction». Ces sottises sont également gobées par les autorités à partir de faits partiels, notamment l'échec de l'artillerie allemande devant les forts de Liège avant que les énormes 420 n'entrent en lice et ne les écrasent méthodiquement. "II ressort que les effets obtenus par l'artillerie de campagne allemande ont été, presque nuls du fait d'éclatements trop haut", stipule ainsi un rapport du 8 août. Avant qu'ils n'aient connu l'épreuve du feu, les soldats partagent ces incertitudes qui sont aussi celles de leurs intructeurs : "Les obus allemands sont peu dangereux. Les éclats ne traversent pas le sac. Les charges à la baïonnette sont irrésistibles", note le sergent Giboulet dans son carnet. Et Olivier Guilleux, totalement privé de nouvelles et qui ne cesse de s'en plaindre, ne peut que s'être intoxiqué auprès des bobards de la presse quand, le 11 août, il déclare que "les blessures causées par les balles allemandes sont bénignes".
Le soldat allemand est à l'avenant, aussi inefficace que son matériel. C'est même un vrai poltron selon "Le Matin" :"les Allemands sont amenés au feu comme des automates, ils ne prennent pas la peine de viser et dès qu'on essaye de les aborder à l'arme blanche, ils quittent tout : tranchées, sacs, armes, leurs officiers sont, du reste, les premiers à fuir."
Commenter  J’apprécie          50
En janvier 1914, à l'heure des vœux, les voyants français font connaître leurs sentiments sur la nouvelle année. "Il n'y aura pas de guerre en Europe", prétend Mme André, spécialiste du marc de café ; une opinion que nuance Mme Méra, dont la science du tarot est réputée et qui concède "des craintes de guerre" sans croire un seul instant "à la réalisation de ce cliché funeste". Sa consoeur, Mme Lorenza, qui tire les cartes comme personne confirme allégrement : «Je ne prévois pas d'événements graves -telle une guerre -pour l'année 1914. » La nouvelle année se distinguera donc par son calme, si l'on en croit Mme Marceau, la fameuse numérologue, tandis qu'une charlatane du même acabit, Mme Maria-Thérésa, évoque une "année de prospérité!" Les dés, les cartes, les lignes de la main, les astres et autres boules de cristal l'affirment bien haut : 1914 sera une année de paix.
Parce que la prophétie est toujours conformiste et traduit les aspirations du présent, faut-il en déduire que les Français de 1914 ne songent pas à la guerre ? En fait, s'ils la conjurent avec optimisme, ils n'en sont pas moins préoccupés par la question, mais sans trop y croire, à la manière d'un débat abstrait. Ils en parlent volontiers, la presse de droite comme celle de gauche lui consacrent nombre d'articles anxieux, mais, au fond, ils n'imaginent pas qu'une telle aberration soit possible après quarante années d'équilibre et de paix - fût-elle armée - entre les grandes puissances européennes. En parler toujours, n'y penser jamais, pourrait résumer leur comportement.
Commenter  J’apprécie          120
Quant à la France, est-il vrai, comme la voient les Allemands, qu'elle soit une nation guerrière et revancharde, incapable de détourner le regard de la ligne bleue des Vosges ? Une fois encore, les perceptions allemandes sont faussées : la France républicaine professe un patriotisme défensif et ne songe à aucun moment à agresser I'Allemagne. Somme toute, le caractère agressif du nationalisme dont la royaliste Action française s'est fait le porte-voix est plus dirigé contre la république laïque et radicale que contre l'Allemagne elle-même. Il y a bien le souvenir de l'Alsace-Lorraine, mais contrairement à une légende tenace, l'évocation des provinces perdues en 1871 ne relève plus que du registre sentimental, et il est bien loin le temps où Gambetta recommandait d'y penser toujours et de n'en parler jamais. On en parle encore de temps à autre, Comme une vieille antienne, mais l'on n'y pense plus guère. En fait, le nationalisme revanchard n'existe plus depuis les années 1880. Paul Déroulède, le chef de la Ligue des patriotes toujours prêt à grimper sur la statue de Strasbourg "Comme une chèvre sur son rocher" (Paul Morand), est bien à l'image de ce bellicisme : une vieille ruine. Ses obsèques, le 3 février 1914, ressemblent à l'enterrement de la ligue elle-même qui n'est plus qu'un groupuscule. Est-ce à dire que la France a complètement oublié l'Alsace-Lorraine? Si elle s'est fait une raison, l'oubli n'est pas vraiment possible, étant donné que son patriotisme s'est aussi construit autour de cette blessure qui empêche la réconciliation avec l'Allemagne. Les provinces perdues sont bel et bien perdues, mais les français demeurent attentifs à leur sort et, par sentimentalisme, incapables de tourner officiellement la page alors que le deuil est fait depuis longtemps.
Commenter  J’apprécie          90

Videos de Jean-Yves Le Naour (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Yves Le Naour
Interview de Marko et Jean-Yves Le Naour pour Le réseau comète, chez Grand Angle
autres livres classés : première guerre mondialeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (103) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3169 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..