Gustave Lerouge, semble vouloir faire, dans cet ouvrage, la preuve éclatante que, contrairement à ce que prétend l'adage populaire, le crime paie.
"L'énigme du Creek sanglant", "le manoir aux diamants" et "le sculpteur de chair humaine" sont les trois premiers des dix-huit épisodes qui font le récit de l'histoire du mystérieux docteur Cornélius en cent-douze chapitres et un épilogue.
Ils font suite à une préface brillante et parfois drôle de Jean Hamon.
Ami et médecin de Gustave Lerouge durant une vingtaine d'années, il nous le décrit comme un homme discret. Il n'écrivait pas, malgré ses huit millions de lecteurs, pour être célèbre. A la fin de sa vie, il ne possédait même pas un manuscrit du "mystérieux docteur Cornélius" dont il avait cédé les droits d'auteur, à l'époque, pour quelques centaines de francs.
C'était un polygraphe, un érudit. Il excellait dans tous les genres.
Né à Valognes dans la Manche, il obtint à Cherbourg le diplôme de bachelier et à Caen celui de licencié en droit.
Il fonda "la revue septentrionale" qui fut un échec. Ruiné, il déguerpit de son meublé et devint le secrétaire du cirque Priami dont il épousa l'écuyère...
Son destin fut déconcertant.
Le mystérieux docteur Cornélius n'est pas le héros principal de ces trois premiers épisodes. Ce sont les péripéties du pitoyable Baruch Jorgell, chimiste réputé et fils du milliardaire Fred Jorgell, qui vont alimenter, par jalousie, haine et cupidité, l'ossature du récit.
Gustave Lerouge nous raconte, d'abord, la déchéance terrible d'un fils de famille pour faire sortir de l'ombre le sculpteur de chair humaine :
le mystérieux docteur Cornélius Kramm.
L'épilogue de ce premier tome voit le triomphe de ce dernier. En compagnie de Fritz Kramm, son frère, il a placé judicieusement ses pions pour s'accaparer la fortune du milliardaire William Dorgan.
Ce roman feuilleton policier est passionnant. Il démarre de manière très classique, en ronronnant un peu. Puis, très vite, l'auteur attise l'intérêt, le suspens par des rebondissements inattendus.
Mais, au dernier épisode, l'intrigue policière bifurque vers le fantastique et le lecteur, intrigué en refermant ce premier tome le soupçonne de n'être, finalement, que la mise en place des personnages d'une énorme et passionnante histoire que les tomes suivants reprendront avec force et talent.
S'il ne semble délivrer comme message que celui de la "Main Rouge" qui sous l'impulsion de son terrible chef, veut imposer sa volonté, Gustave Lerouge glisse, pourtant, en fin de son récit une critique assez virulente du système psychiatrique qu'il décrit, plus carcéral que thérapeutique, comme assez hypocrite et mensonger.