Quelle que soit la méthode employée pour les obtenir, la connaissance est ancienne des modifications profondes des états de la conscience et l’art est ancien, qui sait faire disparaître la vigilance diurne et habituelle pour provoquer l’irruption brutale ou progressive des « vécus » particuliers. Les quelques opinions, les quelques faits que nous avons cités permettent de se faire une idée du vaste domaine ouvert aux recherches historiques de ce côté-là.
Une vieille légende irlandaise, recueillie et rapportée en notre siècle par le grand celtisant que fut Georges Dottin, nous raconte qu’un jour, les trois fils du Dagda, le dieu bon de l’antique Irlande, voulurent connaître l’avenir, et en particulier les moyens de s’enrichir. Ils s’en vinrent donc pour ce faire, jusqu’au Brug na Boinne, le grand tumulus de la Boinne, que les Anglais appellent Newgrange. Entrés dans cette obscure cathédrale, sans autre ouverture que le portail du dolmen qui se refermait sur eux, et la petite et lointaine lucarne par où la lumière solaire n’entre qu’une fois l’an, solennellement, au lever du solstice d’hiver, ils demeurèrent là trois jours et trois nuits, sans manger ni boire, dans un isolement sensoriel, au moins auditif et visuel complet. Lorsqu’ils en sortirent, ils avaient reçu l’enseignement qu’ils étaient venus chercher.
Ainsi l’état chamanique pourrait être défini comme une mutation d’état de conscience qui substitue à la conscience du monde extérieur (de l’objet concret) le déroulement spontané des images dites intérieures qu’on a préalablement orienté dans le sens d’une situation archétype ou d’une réponse divinatoire.
Le corps de l’homme qui dort, écrit l’orateur romain dans son De divinatione, est couché comme celui d’un mort, mais l’âme est forte et vivante : elle le sera bien plus encore après cette vie, quand elle sera délivrée de toute entrave corporelle. Aussi, quand la mort s’approche, est-elle bien plus ouverte à la divination. Ceux qui sont atteints d’une maladie mortelle savent bien que leur mort est imminente, et très souvent, ils aperçoivent des images des morts.
Les recherches historiques en sophrologie présentent pour la connaissance de l’homme et pour le traitement de ses maux physiques et psychiques un intérêt qui rejoint celui des investigations ethnologiques. Les unes comme les autres nous font découvrir les techniques utilisées à travers le temps et l’espace pour modifier les états de conscience et parvenir à différents stades de l’extase.