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EAN : 9782955155103
Garamond (20/01/2015)
4/5   4 notes
Résumé :
Hispaniste, auteur de deux romans (Mélancolie au Sud, 2004, et Esplanade Avenue, 2010), Annick Le Scoëzec Masson a d'abord publié Suite indienne (2001), poèmes où se mêlent évocations du Nord de l'Inde et scènes librement inspirées de miniatures mogholes.
Dans Brouillard sur le Pavillon Haut, la référence à la poésie et à la peinture de la Chine classique alterne avec les instantanés d'un séjour à Shanghaï et à Pékin à l'aube du XXIe siècle.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce livre est une merveille, un bijou. 36 poèmes écrits par Annick le Scoëzec Masson et illustrés par elle de dessins à l'encre et de calligraphies. Les textes eux-mêmes paraissent des architectures ; centrés sur la page, ils ressemblent à des colonnes de kanjis ou à des pagodes.


Ils nous plongent dans un univers hors du temps, quelque part en Chine : on devient un voyageur qui chemine sur un sentier, dans les montagnes, on entend le vent, on voit les fleurs, les arbres, les oiseaux et les papillons tout autour. Ce recueil de poésie est d'une grande sensualité. Il évoque les estampes qui semblent se manifester devant nos yeux au fur et à mesure de la lecture, nous faisant entrer par les mots dans les paysages. Quelle belle écriture, quelle pureté, quelle délicatesse, quelle simplicité profonde !


Je suis ébahie par ce livre que j'ai reçu grâce à Masse critique, une splendide découverte !
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Dimanche, 4h du mat'. Insomnie. Je fais bouillir de l'eau, saisi un livre. Tiens, pourquoi pas ce recueil de poèmes d'inspiration chinoise que je viens de recevoir ? Je choisis ce thé jaune que j'aime tant, Huo Shan Huang Ya. J'en garnis généreusement la théière noire en terre crue qui contraste avec la tasse de porcelaine blanche déposée juste à son côté. Yin et Yang... L'eau est chaude. J'arrose délicatement les feuilles. En quelques brefs instants la liqueur est versée dans la tasse. Je m'installe.

"L'épaisseur de bruits ordinaires" forme un silence rassurant. Déjà les mots résonnent en moi...

Je ne dormais ni ne veillais,
suspendu le moi qui songe
à autre chose que soi-même,
et ne se rappelle plus quoi.


Temps suspendu de la poésie, le temps vivant et calme du thé. Dans les voiles légers de la nuit , je vois le temps. Passé, présent, à venir. Je vois tous les temps dans cet instant...

Je voyais la ronde
des poussières sous mes doigts,
pensais :
"Si tu sais regarder
à l'intérieur,
c'est tout le paysage
qui s'élargit
aux quatre coins des perspectives.
le passé est là tout entier
qui se dépose autour de toi,
chaque particule,
l'éclat d'une vie qui
passa la frontière invisible
en un lointain jadis.
le monde est en train de passer en toi.


Echos. le thé s'écoule en moi. Les pages entre mes doigts. Evocation de l'arbre, de la vie... de ce qui nous relie dans l'éternité et dans l'éphémère. Impermanence. Transformation.

quand l'arbre s'introduisait dans la chambre,
poussant ses branches jusqu'à nous toucher,
et que j'ouvrais le livre

Ces feuilles de thé, hier arbre, sont aujourd'hui liqueur qui abreuve mon corps et mon coeur. Ces feuilles de papier entre mes mains, hier arbre, sont aujourd'hui des pages qui portent ces mots, instantanés de vie et paysages révélés. Intériorité et monde extérieur unis.

Des paroles fracassantes
traceraient sur les pages
la pureté des leurs signes,
se formeraient des paysages,
ondoiements
intacts et anciens.
Une bulle de silence heureux
alors
s'évaderait par la fenêtre.

La fenêtre est ouverte. le silence est feutré. Je feuillette ce livre "quand, entre les lignes, ces voix..." Ces voies venues de Chine. Celle des peintures de style chinois, signées de l'auteur, qui illustrent cet ouvrage. Celle des sinogrammes qui en ponctuent les pages. Celle de la poésie des lettrés dont ces poèmes sont imprégnés. Celle de la calligraphie dont en voici l'esprit :

du pavillon où nous arrivions,
il ne restait plus,
à pinceau levé,
qu'un seul trait,
ébauché
comme on fait un signe.


Des voix venues de Chine, des voies qui n'en font qu'une. Unies en un trait de pinceaux. Cette voie, la Voie, sagesse fondatrice de la pensée chinoise. C'est en suivant cette voie que nous pénétrons enfin dans le pavillon chinois.

Les tasses de thé se suivent et ne se ressemblent pas. Les pages se tournent dans des songes d'ailleurs. le thé et les mots réunis me transportent. Cette poésie m'accompagne jusqu'au petit matin. Les premières lueurs du jour me découvrent rêveuse dans les brouillards de Chine. Ce brouillard qui couvrent les jardins de thé des hautes montagnes. Ce poétique "Brouillard sur le Pavillon Haut".

[...] les brouillards, les murmures
qui hantent là-haut,
tout en haut sur les sommets,
ledit Pavillon Haut.

C'est grâce à l'opération "Masse critique" que j'ai reçu ce livre. Merci à la maison d'édition et à Babelio pour cette charmante découverte. Je suis ravie. Un seul regret, les peintures ne sont vraiment pas mises en valeur.


Lien : http://the-tea-cha.blogspot...
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Dans la préface à l'un de ses derniers écrits, le Studio de l'inutilité (2012), Simon Leys nous rappelle que, dans la Chine classique, « les lettrés, les poètes et les artistes avaient l'habitude de donner des noms évocateurs ou inspirés à leurs résidences, ermitages, studios ou ateliers ». En fait, précise-t-il, bien souvent ils n'avaient rien de tout cela, mais l'essentiel était « la réalité du Nom » -- et la réalité de l'écrit. J'en vois une remarquable illustration dans le nouveau livre de poèmes publié par Annick le Scoëzec Masson : Brouillard sur le Pavillon Haut (Paris, Garamond, 2015).
A partir d'une poignée d'idéogrammes, de quelques détails de la peinture chinoise traditionnelle ou de quelques scènes évoquées par des poètes ou des conteurs de ces dynasties qui ont sédimenté nos mémoires, Annick le Scoëzec Masson fait vivre – ou revivre : c'est tout un – sous nos yeux tout un monde peuplé de personnages légèrement décalés, d'animaux étranges et familiers, d'objets, de couleurs, de lunes et de brumes. Et les silhouettes immatérielles, les contours délavés des montagnes, des saules, les bruissements de la rivière sont aussi présents, tout à coup, que le tumulte et le brassage des « foules hagardes » qui saturent la chronique de nos temps insatiables. Sans bruit, l'auteur poursuit sa quête d'un autre temps, celui que nous laisse entrevoir et chérir

une maison simple, un écritoire,
un peu de vin, du riz,
le pinceau levé sur la page...

Après les miniatures mogholes de Suite indienne (2001), Annick le Scoëzec Masson nous offre, avec son Brouillard sur le Pavillon Haut, quelques séquences chinoises de la meilleure veine qui nous invitent à flâner dans « un jardin d'iris et de pluie », en compagnie « des amis partis », à suivre, « au flanc des montagnes grasses », le sentier qui s'estompe et reluit au loin, et revient toujours au détour de nos souvenirs.

Lien : http://www.categorynet.com/c..
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
L'arbre au-dehors

L'arbre vint à moi.
Comme un petit oiseau, un chien, un chat.
Sur la terrasse où j'étais assise,
ses branches poussées depuis le bas
par un peu d'air léger,
s'accrochaient à ma frange.
Derrière, sous la véranda,
une rumeur de vent de plaine,
de conversations inlassables.
Des pétales tombaient à mes pieds.
L'arbre contait bien des choses
que je ne saurais dire.
Ses odeurs énergiques
de sève en ruisseaux, d'écorce saignante,
me soulevaient.
Je perdais consistance,
mes yeux infirmes s'ouvraient.
Je voyais la ronde
des poussières sous mes doigts,
pensais :
«Si tu sais regarder
à l'intérieur,
c'est tout le paysage
qui s'élargit
aux quatre coins des perspectives.
Le passé est là tout entier
qui se dépose autour de toi,
chaque particule,
l'éclat d'une vie qui
passa la frontière invisible
en un lointain jadis.
Le monde est en train de passer en toi.
Personne ne te le volera».
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Shuimo

Il peignait.


Ciel dégagé, rosissant au loin,
se grisant soudain,
se couvrant de brume,
vapeur de rivière
qui s'élève enfin jusqu'au lendemain.

Pins étirés noirs
regardant devant,
clous échevelés,
frange irrégulière sur le crêt des monts,
squelettes dessinés sur les nuées,
molle écharpe mauve qui se détend,
se dissout vers l'Est,
rôde près des arêtes
en se défaisant.

Un nuage énorme, masse violacée,
dresse à l'arrière-plan
son galbe au vertige
de vive montagne,
de roc écrasant.

Ses contours se découpent en se chevauchant.

La lumière faiblit,
fleurs de cerisier
emportées,
léger vent levé.

Feuillage étagé d'une poignée de cèdres,
géants rapetissés, enchevêtrés.

Une silhouette infime est arrêtée
comme s'interrogeant
sur un sentier.

Lueur ténue derrière les nues,
la lumière n'est plus.

Et puis flotte encore
la ligne confuse
qui ne sépare plus
le haut et le bas.
Car elle n'est plus rien
qu'ombre diffuse,
le vaste trou
du noir.
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[...]
Parce que j'ai beau te regarder,
tu peins sans sourciller,
la forêt, ses nuages et la pluie,
mille monts aux nombreux arbres rouges,
les cloches d'un monastère plein de brume,
et les brouillards, les murmures
qui hantent là-haut,
tout en haut sur les sommets,
ledit Pavillon Haut.


(p.85, fin du dernier poème "JADE CHERCHAIT TOUJOURS")
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Cheval à la bouche dure,
descendu au galop avec l'éclair,
abîme dans la nuit,
d'où viens-tu ?
Ce n'est pas le tonnerre
que j'avais d'abord perçu,
mais ce long cri de torrent des montagnes,
de furieux tremblement.
Minérale, implacable,
ta crinière se hérissait dans la tempête.

(p.49 - extrait de "L'ORAGE")
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[...]
Des paroles fracassantes
traceraient sur les pages
la pureté de leurs signes,
se formeraient des paysages,
ondoiements
intacts et anciens.
Une bulle de silence heureux
alors
s'évaderait par la fenêtre.



(p.15-16, "SIGOU LE CHAT SAVAIT", extrait)
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