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Critique de Fleitour


Écrire sur sa famille est périlleux, soit on verse dans une admiration sans borne pour ses géniteurs, soit on recherche une authenticité avec la volonté de restituer la vérité sur ses hauts sans oublier le bas.
Il y a d'autres voies, la dérision, l'humour, le rire, qui accompagneront parfois la fuite quand grinceront les dents.


Entre un Sorj Chalendon et le portrait au vitriol de son père à l'humour et l'ironie cinglante et le panorama familial déjanté distribué par Lionel Duroy, où les parents tardent à devenir adultes, il y aura maintenant le rire du monstre Hervé le Tellier...


Le monde familial d'Hervé le Tellier s'égrène dans une ambiance de feu, ou sa méchanceté se glisse partout, jusque dans ses phrases anodines, "même pour des actes indignes, il faut un peu de trempe. Sans doute n'aurait-il pas su refuser de monter dans un mirador" parlant de son père adoptif Guy, page 17.
Le ton est donné, ce label de stupidité servile va nous suivre tout le long cette dialectique que l'auteur a nommé la dialectique du monstre.


J'ai appris la mort de Serge par un après-midi ensoleillé. Serge est mon père. C'est par ces mots que ma soeur qui est ma demi-soeur, m'a appris la nouvelle. "Pour rassurer Jean Pierre Verheggen, un ami de la famille, j'ai dit en souriant : ce n'est rien, mon père est mort".
"Alors j'ai su que j'étais un monstre.page 15."


Ce père, volage de tradition coutumière et familiale, de Marceline à Marinette puis de Marinette à Svetlana, puis de Svetlana à Rosy, finira seul ; Serge apercevra la belle Svetlana embarquer pour la Corse où elle ouvrira un restaurant thaïlandais à Porto-Vecchio.

C'est ainsi que l'homme démasqué découvrit ses valises, " sur le palier et sur la porte un nouveau verrou qu'aucune de ses clés n'ouvrait, son propre père, venait de sonner la fin du vaudeville.
L'affaire avait bien mal commencé. Sous la plume de Jean-Paul Sartre, nous trouvons cette phrase étrange : "personne à commencer par moi, ne savait ce que j'étais venu foutre sur cette terre". Cette petite phrase qui figure dans les Mots reçoit une belle réplique, "quand mon père émergeant d'un songe" dit soudain, page 75, "j'aimerais tellement avoir un enfant. Ma mère alors lui rappela : Mais... tu as un fils, il est là, dit ma mère, en me désignant, bébé rose de six mois qui prend son biberon".


Quand la vie commence de travers il ne faut plus s'étonner que le jeune Hervé le Tellier, décide de partir, deux jours après ses 18 ans. Patrick Modiano écrivit à son père une lettre, Monsieur j'ai l'honneur de vous annoncer que dorénavant je n'aurais plus de relations avec vous. Ici Hervé téléphona à Serge qui écouta en silence.


Nous priver de ces quelques années passées avec son papa Guy eut été une faute de goût, en nous privant de quelques belles anecdotes. Très attaché à son radio tourne-disques Pathé Marconi, le faible Guy, s'est vu par ma mère, cette folle, sa femme de surcroît, vilipendé avec fureur et mépris : "des souvenirs des souvenirs non mais je vais t'en fabriquer moi des souvenirs" le meuble sous le signe Pathé Marconi fut sauvé de la tourmente par le jeune Hervé derrière le signe Pathé Marconi est écrit la voix de son maître.


Fallait-il qu'il se confesse , Qu'il se révolte dans ce contexte déliquescent où chaque histoire, chaque souvenir cachait, une autre histoire et d'autres souvenirs ? Dans ce présent totalement flou, comme la chute de la maison le Tellier (Stylos à plumes), et ce présent totalement faux, le jeune observateur de ses pairs note, fait semblant, simule cachant ses véritables sentiments observant avec délectation ce monde artificiel dont il ne dénouera toute la réalité que bien des années plus tard.
Sa mère avait même caché au grand-père la mort de son fils, et celle du cadet alors, "elle brodait elle brodait avec ardeur".


La fin aurait du être ensoleillée par la beauté de la belle jeune femme, Piette, et tout était en place pour une fin heureuse jusqu'au moment où il évoque son suicide.
"Piette était enceinte de quatre mois quand elle se jeta sous un train." 
Certes elle était de santé fragile et souffrait de troubles dépressifs. Elle sortait de l'hôpital lui avait laissé un message sur le répondeur: "Viens me chercher, vite, je t'aime". Il n'était pas allé la chercher. 

Très vite il a compris, elle s'est suicidée.


Pour achever ce livre, il lui faut affronter la fragilité de l'enfance, la fragilité des sentiments et plus encore de la vie, son regard à distance qui l'a façonné donne à ces dernières pages une émotion intarissable. Il affronte sa famille une dernière fois peut-être comme le point d'orgue d'une enfance qui ne pouvait se terminer qu'en impasse, sa mère ne trouvant que ces mots, "elle avait tout de même un drôle de prénom".


La digue se rompt, Hervé entre deux picotements d'yeux, ajoute : "je ne m'inscris nulle part. J'ai décidé de n'être rien. Rien n'est plus tabou que le désamour et l'éloignement. Je suis fait de bric et de broc. Un enfant n'a parfois que le choix de la fuite." P 221.
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