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Critique de Tandarica


Ce numéro 508 du Magazine Littéraire contient un très intéressant dossier sur Cioran mais pas que.

Dans son éditorial Joseph Macé-Scaron s'interroge : « Peut-on être asthmatique ou dépressif à longueur de jours et de nuits, et devenir totalement neuf parce qu'on se met à écrire ? ».
Dans la rubrique « Analyse » Anne Sauvagnargues (avec des chouettes illustrations de Catherine Meurisse) établit un parallèle entre « littérature et philosophie, ces deux domaines qui ont longtemps été artificiellement opposés alors qu'ils recherchent pareillement de nouvelles manières de percevoir, d'expérimenter ou de penser ». Elle pense en somme que « nous enseignant la grammaire des passions, la littérature a été le creuset de toutes les sciences humaines : psychologie, sociologie, histoire ethnographie, etc. » tandis que « la philosophie assume la tâche de transformer notre expérience à la manière de la science-fiction, en résolvant une énigme comme le fait un roman policier ».
Dans la rubrique « Critique », Pierre Assouline revient sur les « Manuscrits de guerre » de Julien Gracq aux éditions José Corti avec une présentation de Bernhild Boie : « Gracq au front, en errant, en écrivant », et Joël Chandelier sur Marc Bloch qui disait en 1928 : « cessons, si vous le voulez bien, de causer éternellement, d'histoire nationale à histoire nationale, sans nous comprendre. Un dialogue entre les sourds, dont chacun répond tout de travers aux questions de l'autre, c'est un vieil artifice de comédie, bien fait pour soulever les rires d'un public profond à la joie ; mais ce n'est pas un exercice intellectuel bien recommandable ».

Les pages 46 à 82 sont donc consacrées au dossier « Cioran, cent ans de finitude ».
Ce dossier est coordonné par Maxime Rovere qui établit la chronologie de la page 50-51 et qui souligne qu'il ne s'agit pour Cioran ni d'articuler des idées en système ni de produire du concept. le dossier comporte les interventions de nombreux spécialistes de l'oeuvre de Cioran ainsi que de nombreuses photos dont une superbe vue de nuit de Sibiu (p. 57).
Les écrits et la vie de Cioran ont fait couler beaucoup d'encre comme en témoigne partiellement la bibliographie sélective (page 82) établie par Patrice Bollon (qui signe également un article où il affirme que « les aphorismes de Cioran loin de tout jugement définitif, font de la contradiction un art, sinon une vérité poétique ») et on peut dire qu'ils trouvent encore pas mal de lecteurs.
Vincent Piednoir revient sur la jeunesse de Cioran et nous rappelle qu'avant son départ de Roumanie, en 1941, il a été partisan d'un nationalisme extrémiste qu'il abjura par la suite. « Sans renier ce passé, [celui-ci] a peiné à forger un récit rétrospectif clair ».
Peter Sloterdijk juge que « l'oeuvre de Cioran peut-être considérée comme un ensemble d'exercices, à mi-chemin entre gymnastique et ascèse, expérimentant toutes les positions de l'homme sans position ».
Nicolas Cavaillès se penche sur la curiosité littéraire et les faux-fuyants de l'érudition de ce grand lecteur, en concluant qu'il « ne guettait pas des arguments salvateurs » mais « plutôt des frères en fatalisme ».
En partant de l'analyse de la quasi-absence du mot « dor » dans ses écrits roumains, Constantin Zaharia affirme que « l'écrivain a expérimenté tous les degrés de la mélancolie, indissociable de la pensée ».
Pour Simona Modreanu, Cioran est « un disciple des saints », « hanté par la fièvre des mystiques », qui a puisé « dans diverses traditions ou hérésies religieuses ».

Mon article préféré est celui d'Eugène van Itterbeek (p. 64-65) : « Les Montagnes magiques ». « Presque toute son oeuvre roumaine a été écrite à la montagne ». « Durant ces exaltations de jeunesse, le futur piéton de Paris conspua le primitivisme de ses Carpates natales. Mais le souvenir de leur paysage se révéla par la suite essentiel ».

Ce dossier fut également l'occasion pour la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet de nous dévoiler deux textes inédits : « Progrès de l'ironie » et « Le sentiment que tout va mal », présentés par Aurélien Demars.
Pierre Assouline écrit, sous le titre fort à propos « En voie de recomposition », un article sur la brocanteuse qui a sauvé en 1997 des manuscrits de Cioran et de la bataille juridique qui s'en est suivie.

Enfin, je retiens encore de ce numéro 508 un texte inédit de Jean Giono : « Le noyau d'abricot », publié dans « Le noyau d'abricot et autres contes », sur ce lutin oriental de la race des djinns.
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