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EAN : 9782207241738
208 pages
Denoël (04/03/1994)
4/5   1 notes
Résumé :
Gérard Lecas
La vie hors-champ

Sept nouvelles pour le Septième Art réunies sous le titre générique de La Vie hors-champ.
L'auteur explore touts les registres, glissant du nostalgique au dérisoire, du tragique au comique, de Marcel Dalio en quête d'un passé hanté par le fantôme de Lauren Bacall à la vampirisation d'un comédien par son personnage, version subtile d'un Dr Jekyll encore plus angoissant dans son apparente banalité.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Sur le Net, « La Vie hors-champ » de Gérard Lecas est catalogué dans les livres rares. Ce n'est par coquetterie que je me suis procuré cet ouvrage mais par hasard, en passant devant un bouquiniste qui le proposait en livre d'occasion contre la modique somme de 3 euros. La couverture n'avait rien d'extraordinaire, l'auteur m'était inconnu mais le titre m'a séduit, et j'ai bien fait car j'ai pris du plaisir à lire cette petite merveille, plaisir que je vais tenter de vous faire partager.

« La Vie hors-champ » est un recueil assez court (207 pages) de 7 nouvelles. Nous savons tous que ce n'est pas l'histoire qui est courte dans la nouvelle mais plutôt la façon de la raconter. Comme dans le cinéma, il y a dans la nouvelle un espace hors-champ, disons plutôt un espace hors-texte, qui est laissé à l'imagination du lecteur. Dans la nouvelle, le lecteur est interpellé comme témoin, voire comme complice. Quand on lui dit « c'était une maison dans la campagne », il ne s'agit pas d'une description mais d'une interpellation : le lecteur est mis au défi de rentrer dans le jeu de l'écrivain et d'insérer lui-même, en lieu et place du non-dit, l'image de sa propre maison de campagne, et tout ce qui va avec l'image, à savoir les couleurs, les odeurs, les sensations, etc. Dans la nouvelle, il n'y a pas de longs exposés sur la lumière du couchant qui va se fondre dans le papier peint de la chambre de la grand-mère, ni sur le goût des madeleines au petit-déjeuner. Non, une « maison dans la campagne » c'est une maison dans la campagne, un point c'est tout. Dans la nouvelle, il n'y a pas de pavé relié, grand format, ni de saga en douze tomes, et l'auteur ne se range pas du côté des « verbeux à rallonges », des adorateurs de qualificatifs précieux, des producteurs de descriptifs délirants qui font d'un simple bulletin météo un véritable roman. Dans la nouvelle, il y a un agrégat d'individus qui piétinent aux frontières du champ littéraire : ces individus appartiennent à un espace diversifié et structuré, à un champ, à la fois subordonné au champ littéraire et susceptible d'y donner accès. Dans chacune des nouvelles de « La Vie hors-champ », les personnages dessinent un petit monde relativement clos mais assez diversifié pour pouvoir fonctionner comme dans un champ cinématographique ou télévisuel, avec une distribution, des rôles, des institutions, des consécrations, une hiérarchie, des luttes et des enjeux de pouvoir. Mais, en dehors du rôle qu'ils ont au cinéma ou à la TV, ces individus ont une vie personnelle qui leur est propre : ils vivent donc à la fois « en champ » et « hors champ », l'univers hors champ étant assez souvent un univers de consolation. Et le mérite de « La Vie hors-champ », c'est de nous donner à voir les différentes manières d'exister hors champ, donnant au lecteur un aperçu sur cet univers parallèle, composé de tranches de vies en grande porosité avec le monde du show-business.

Dans cet ouvrage, la télévision et le monde du 7ème art sont éclairés par des projecteurs à la lumière froide, violente et crue, sans complaisance. Gérard Lecas sait de quoi il parle, lui qui a baigné pendant de nombreuses années dans ce milieu professionnel, et il a de quoi nous séduire : un coeur « gros comme ça », un oeil rivé à sa Caméflex, une plume acide (cf. le voyeurisme collectif de la télé, piégée par l'Audimat ; le mouvement hallucinatoire des séances de prises de vues imposées par Luc Premier à ses figurants) , un suspense réel (cf. la chasse photographique aux lions dans « Les lions »), des personnages bien campés (cf. le passé secret de Morel dans « Morel et sa déesse » ; le parfum du pinot noir humé par Gaëtan lors de ses dégustations dans « Grand cru classé »), des clins d'oeil savoureux (cf. la rencontre improbable entre Benjamin et Inès, belle enfant à la démarche chaloupée et aux iris bleu-vert) et des touches de poésie fréquentes (cf. les échanges merveilleux de spontanéité entre Zora, huit ans, et Philippe dans « La route du Golan »).

La nouvelle n'est pas de la petite littérature : « Il existe (disait R. Shusterman) beaucoup d'oeuvres qui, relevant des Beaux-arts, sont médiocres, voire franchement mauvaises […]. Et de même que le grand art n'est pas une collection irréprochable de chefs-d'oeuvre, de même l'art populaire n'est pas un abîme indistinct livré au mauvais goût, loin de tout repère esthétique ». « La Vie hors-champ » est un livre original, à essayer sans plus tarder.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
page 38 - La route du Golan
[...] - Attends-nous ici, m'a fait Antoine.
La troupe s'est enfoncée à l'intérieur du campement, me laissant complètement seul. Je me suis assis sur une grosse pierre plate. Il n'y avait pas un brin d'air au fond de la cuvette et le soleil s'acharnait sur les innocents. J'ai ôté ma chemise pour me couvrir la tête. Un caillou a roulé derrière moi, j'ai fait volte-face un peu brusquement. C'était la petite fille de tout à l'heure. Elle s'est immobilisée, à une distance raisonnable.
- Bonjour, j'ai dit bêtement, puis hello !
Elle n'a pas bougé, la crainte équilibrait la curiosité. Elle devait avoir six ans, ou sept, elle portait une tunique brune assez grossière, taillée d'une seule pièce et tombant jusqu'aux chevilles. Ses cheveux noirs très épais recouvraient le col de son vêtement. Je lui ai souri, elle me fixait toujours avec une attention farouche, elle était née avec les gènes de la peur. J'ai pris dans ma poche une pièce de monnaie pour la poser dans le creux de ma main, j'ai refermé mon poing et quand j'ai à nouveau écarté les doigts, la pièce avait disparu. Sa bouche s'est ouverte, c'était comme l'image d'une fleur éclose en accéléré, j'ai marché vers elle, touché son oreille d'un geste très rapide et la pièce de monnaie a refait son apparition. Ses yeux se sont encore agrandis, elle a porté la main sur le côté de sa tête, quelques secondes ont fondu sous le soleil, puis la petite fille a renoncé à comprendre et une lueur est passée dans son regard d'enfant confrontée au merveilleux. Une esquisse de sourire a fait trembler ses lèvres, j'ai modelé son visage du bout des phalanges et le dessin du sourire a pris forme. Je me suis frappé la poitrine, accroupi pour être à sa hauteur.
- Philippe ... Moi, Philippe ... Toi ?
J'ai pointé le doigt sur elle et formulé encore deux fois ma question. J'ai vu briller ses dents, elle a baissé la tête avec une expression craintive et ravie en même temps, puis elle a murmuré un mot que je n'ai pas compris.
- Comment ?
- Zora, ai-je entendu cette fois-ci.
- Zora, j'ai répété ... Philippe, Zora. [...]
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