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Critique de deidamie


« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd’hui, la lutte continue avec un essai féministe , Libérées ! le combat féministe se gagne devant le panier à linge sale, signé Titiou Lecoq.

Petite surprise, Méchante Déidamie ne me donne pas la réplique. Je vous lis le mot qu’elle m’a laissé : « Pas question de dire des trucs dégueulasso-sexistes, j’ai mon honneur, moi ! T’inquiète, je t’ai trouvé quelqu’un pour me remplacer. Il s’appelle Michel Lerelou. Bisous. »

Bon. Donc, nous voici, avec Michel Lerelou.

-Lectrices, j’ai hâte de vous connaître davantage. J’adore me faire de nouvelles amies. D’ailleurs, Déidamie, tu as quel âge ?

-Euuuh… « bonjour », c’est en option ? Et non, je ne te dis pas mon âge.

-Oh pardon. Je ne voulais pas être impoli. Bonjour, lecteurs !

-Mais c’est quoi, ce début ? Les lectrices, tu ne leur dis pas bonjour, uniquement les mecs ?

-Ah bon, il faut dire bonjour quand on s’adresse aux femmes aussi ? Ah, j’ai compris ! C’est pour l’égalité, c’est ça ? Bonjour, lectrices. J’ai hâte de vous connaître da…

-Bon ça va, ça va, on va s’arrêter là, je sens que ça va être long.
Or donc…

-Attends, Déidamie ! Je ne connais toujours pas ton âge ! Pourquoi tu ne veux pas me le dire ? Qu’est-ce que ça peut faire ? Tu sais, ça restera entre nous, promis…

-Mais ça ne te regarde pas, m’enfin ! Si je veux garder des infos pour moi, j’ai le droit !

-Ouais, mais moi, je trouve que si je veux savoir, tu dois me dire. Alleeeeez, combien ? 42 ? 80 ? Qu’est-ce que ça peut faire ?

-Ca fait que tu insistes comme un gros lourd et que si tu continues, je vais devenir vraiment très désagréable. Alors tu arrêtes ça tout de suite et tu apprends à respecter mes frontières personnelles ! LES BONNES MANIERES* !!!

-Tu le prends mal parce que tu es vieille. Je comprends, nous les jeunes, on est fougueux, j’espère que tu le comprends.

-Je comprends surtout que tu portes bien ton patronyme. Bon ! Reprenons.

Or donc Titiou Lecoq ne se reconnaît pas dans le mot « femme », cependant, elle n’en est pas plus homme pour autant. « Loutre » lui semble plus exact. Les années passent, elle vit en couple, puis en famille, et lutte désormais sans merci contre un nouvel ennemi.

Cet ennemi redoutable, implacable, au nombre infini de vies, quel est-il ?

La chaussette.

Etendu là, par terre, au lieu de rejoindre le panier de linge sale, ce petit vêtement, en apparence insignifiant, lui veut en réalité du mal, sous ses airs innocents.

Cette chaussette marque le point de départ d’une réflexion sur le partage des tâches ménagères. Pourquoi sont-elles aussi inéquitablement réparties ? Nous votons, nous travaillons, nous disposons de notre propre argent. L’égalité n’est cependant pas gagnée, et Titiou Lecoq démontre comment et pourquoi.

-Alors, j’ai pas de problèmes avec les féministes, d’ailleurs, j’ai de très bonnes amies féministes, mais ce livre est tout à fait dépassé ! Comme tu l’as dit, les femmes possèdent aujourd’hui tout ce qu’elles veulent : le travail, l’argent, l’autonomie. Le féminisme s’enlise dans des luttes complètement à côté de la plaque. Et en tant qu’homme, je fais ma part de boulot domestique ! Parfaitement !

-Vraiment ? Tu ramasses tes chaussettes, Michel ?

-Non, hahaha ! j’ai une femme de ménage pour ça. Et avant, c’était ma mère qui s’en chargeait : preuve que cette tâche incombe naturellement aux femmes. Je joue avec les enfants en revanche, je suis un père moderne.

-Jouer avec les enfants, ça ne compte pas dans le partage des tâches, parce que, d’une part, c’est ton devoir de parent, d’autre part, personne ne te méprisera parce que tu le fais, alors que le ménage, la cuisine, le linge, en voilà des tâches ingrates et injustement déconsidérées.

Le constat de Titiou Lecoq est amer : si désormais nous jouissons de plus de liberté qu’en 1944, nous restons néanmoins enfermées dans des carcans sexistes, et ce, sans même nous en rendre compte.

-Oh làlààà ! Encore une aigrie revancharde qui va culpabiliser les hommes d’être des hommes et qui veut bouleverser l’ordre naturel des choses : les femmes à la maison.

-Tu as lu le livre, Michel ?

-Non, pourquoi ?

-Alors ta gueule**, Lerelou.

-Oooooh ! dire des gros mots, pour une femme, c’est pas beau !

-D’accord. Veuille, je te prie, cesser séance tenante tout
commentaire commis dans l’aveuglement de ton ignorance. Ce criant manque de maîtrise du sujet et du texte ne manquera pas de te faire passer pour le roi des idiots.

Je parlais plus haut d’un amer constat, cependant le texte ne sombre jamais dans l’aigreur, bien au contraire. La réflexion est menée avec rigueur et humour. Le combat contre la chaussette maléfique est mis en scène, exagéré : il est donc hilarant et dédramatisé.

L’autrice dénonce le sexisme par la dérision, en pointant son absurdité : il en résulte un texte drôle, un ton léger pour un sujet qui ne l’est pas. L’ensemble est donc plaisant à lire, fluide et amusant tout en apportant une foule d’informations intéressantes.

Et lesdites informations entrent tristement en résonnance avec l’expérience. Le harcèlement, les responsabilités qui s’accumulent, les injonctions impossibles…

-Je ne vois pas pourquoi tu parles d’injonctions impossibles, Déidamie. Par exemple, une femme est plus belle maquillée, si elle reste naturelle.

-Donc, je suis plus belle avec un petit peu de mascara et avec mes poils aux jambes ?

-Ah non ! Ca, ce n’est pas naturel, les poils, c’est dégueu !

-Ah bon ? Pourtant, ils poussent tout seuls, comme mes cheveux ou mes ongles, n’entraînent aucune pollution… contrairement au mascara.

-Ce n’est pas pareil !

-Faut arrêter un peu la mauvaise foi, Michel. Les poils, c’est naturel. A partir du moment où tu t’appliques sur les cils un composé d’isododécane, de polymères et de pigments***, tu cesses d’être naturelle. Alors, la naturalité du maquillage, hein, tu rayes ça de ton vocabulaire pour l’éternité plus un, histoire que ça fasse bien toujours****.

Le livre ne contient pas qu’une analyse, qu’une réflexion nourrie de citations et de statistiques. Il propose aussi des pistes pour se déconstruire, pour lutter non seulement contre soi, parce que les réflexes sont acquis depuis longtemps, qu’on reste marqué.e par une histoire bien plus vieille que nous, mais également pour lutter avec/contre son compagnon, qui lui aussi a des siècles de clichés et d’habitudes derrière lui.

Il n’est jamais question d’entretenir une guerre des genres, mais au contraire d’apprendre à vivre ensemble… dans l’égalité et le soutien mutuel. »

*Chanson d’Ultra Vomit.

**Oui, bon, j’aimerais bien vous y voir, vous, avec Michel Lerelou. C’est la deuxième page Word et je n’en peux déjà plus.

***Composition de mascara water-proof.

****N’y voyez pas là une condamnation du maquillage, uniquement de cette bonne vieille hypocrisie « une femme est belle quand elle est maquillée tout en restant naturelle ».
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