Heidegger, la technique et le Mal radical?
L'éminente dignité d'objet philosophique accordée à la technique se retourne pour finir en son contraire: la technique apparaît comme un mal radical, le péché de l'Occident.(...) Les philosophes qui s'inspirent de la pensée de Heidegger, la technique ne fait office que de prétexte: sa réalité humaine, intellectuelle et sociale, n'apparaît pas; seule son idée compte. L'idée qu'il s'en composent pour mieux la démanteler! On ne s'étonnera pas qu'ils triomphent à tous les coups.(...)
[La pensée de Heidegger] continue de régner parce qu'elle a réalisé ce tour de force de combiner en elle-même toutes les possibilités explorées par l'Occident dans sa pensée de la science, de la technique et de la politique.(...) Une conception positiviste de la science, très voisine de celle d'Auguste Comte, qu'il prend au pied de la lettre pour nous inviter à sortir de ce mode de pensée; une conception positiviste, techniciste de la technique moderne, qu'il tient pour adéquate à la réalité même, mais pour mieux la prendre à rebours en l'enracinant dans une métaphysique "oubliée".
Et voilà comment chacun peu s'y retrouver. Heidegger était nazi? Antisémite? Où serait la gravité de la question si "nous" ne pensions, sur l'essentiel, comme lui!
Visiblement, nos penseurs "modernes" reculent devant l'exigence de notre temps: tout repenser.
islamisme
"Comment continuer à y dénoncer une poussée d'irrationalisme médiéval, lorsqu'on sait pertinemment que les étudiants formés aux disciplines scientifiques et techniques, ces fleurons de notre modernité, en sont souvent les fers de lance?
Transportés de force par les élites locales dans les Etats-nations issus de la colonisation, et par le mouvement communiste qui leur faisait face ou collaborait avec elles, les idéaux scientistes et technologistes se sont brisés pendant les années 1970 sur la réaction terrible d'un sous-développement persistant parce que internationalement organisé, sur les inégalité criantes qui se sont depuis lors aggravées. La masse de militants islamistes appartient à la première génération de l'explosion démographique et de l'exode rural massif, celle qui a été précipitée dans les périphéries urbaines au Caire, à Alger ou à Beyrouth. Or le plus grave, c'est que la démocratie a été identifiée à ces idéaux et aux réalités tragiques qui leur correspondent. Face au discours hypocrite, purement formel, de l'égalité, le traditionnel égalitarisme communautaire de l'Islam apparaît comme le seul recours."
Interview avec Dominique Lecourt, Professeur de philosophie à l'université Denis Diderot Paris 7