La Peinture Religieuse

On raconte qu'un jour où le Poussin dessinait à Saint-André della Valle, seul, comme de coutume, en face des fresques du Dominiquin, il fut abordé par un inconnu qui lui témoigna sa surprise de le voir choisir des modèles si unanimement dédaignés. Croyant avoir affaire à quelque nouvel ennemi du maître, il se mit à justifier vivement ses propres prédilections et à définir le mérite de la peinture qu'il avait entrepris de copier. L'étranger l'écoutait d'un air d'attendrissement et de bienveillance ; puis, lorsque le jeune peintre eut cessé de parler, il l'embrassa en le remerciant avec effusion, et s'éloigna, triste et reconnaissant à la fois. Cet homme était le Dominiquin, qui, s'étonnant de trouver encore un admirateur, avait puisé dans les paroles de celui-ci un peu de consolation et de courage.
Si l'anecdote est vraie, elle témoigne une fois de plus de l'injustice de la renommée. Mais, à cette époque, l'approbation d'un artiste français avait de quoi dédommager la victime du mauvais goût italien.

A Rome, l'absence prolongée des papes et les révolutions intérieures viennent ralentir les progrès de la rénovation artistique. Mais, à Naples, les fresques de Santa-Chiara, et surtout celles de l'Incoronata, reflètent d'une façon très visible l'influence giottesque; elles sont certainement dues à quelques disciples-du maître, appelés dans ce pays, sur la foi de sa réputation, par le roi Robert ou la reine Jeanne. Dans l'Italie septentrionale, le mouvement est encore plus accusé : Andrea de Bologne, Jacopo d'Avanzo, divers anonymes le propagent avec ardeur ; plusieurs grandes villes, Bologne, Venise, Vérone, voient surgir une génération presque spontanée de peintres chrétiens, qui n'arrivent pas tous au succès, mais qui s'inspirent à l'envi de la manière du grand artiste florentin et la perpétuent.

En France et dans bien d'autres pays, où l'art était moins développé qu'en Italie, la peinture murale ne fut guère, jusqu'au règne de Charlemagne, qu'une peinture décorative, traitant plutôt des motifs d'ornement que des personnages ou des scènes. Grégoire de Tours nous montre une pieuse femme lisant au peintre chargé de décorer la basilique de Clermont, en Auvergne, les histoires de la Bible qu'il devait représenter.

Dès le début de l'époque romane, on voit la peinture murale des église's prendre à la fois en Italie, en France, en Allemagne, une importance nouvelle. A Sant-Angelo in Formis, près de Naples, à Sant-Urbano, dans les environs de Rome, à Subiaco, des séries de sujets ou de scènes formant de véritables cycles apparaissent sur les murs intérieurs.

Les oeuvres de ces précurseurs du grand art moderne se distinguent ordinairement par une austère simplicité de pensée et de composition. Nulle mise en scène; nulle couleur locale. Au début, il leur suffit de synthétiser dans un personnage ou dans un objet unique l'idée ou le fait qu'ils ont en vue.