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EAN : 9782070712175
196 pages
Gallimard (14/01/1988)
3.84/5   32 notes
Résumé :
L'asphyxie, c'est l'atmosphère dans laquelle grandit la Bâtarde. Sa mère ne lui donne jamais la main.
Bien au contraire. Elle lui fait porter le poids d'une faute qu'elle n'a pu accepter. Quant à son regard sur sa fille, c'est à peine un regard : c'est dur et bleu.
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Premier Livre. Pas un roman. Un acte de survie.
C'est une écriture qui se met à germer dans une terre ravagée, piétinée.

Un miracle que ces mots là aient pu sortir et venir jusqu'à nous.
Un vrai miracle. A quoi sont dus les miracles?
A une grand mère, à un chausson aux pommes, à un flacon d'anisette, où à cette l'envie toute naturelle qui nous vient de vivre?

Il n'y a pas vraiment de chronologie, c'est vrai. Tout est juste. Parce qu'un enfant retient, retient beaucoup, regarde tout, écoute, et comprend.
Mais un enfant ne classe pas sur la ligne de temps, l'enfant accroche ses souvenirs à la ligne de son coeur.

L'asphyxie c'est beaucoup de visages, beaucoup de vies, beaucoup de souffles. Des bruits, des cris, des coups, des larmes, du venin, un étouffoir d'enfance, une blessure et puis c'est un parfum d'orange, une musique de rue, un tablier, un cornet de frites, une poupée brisée, de la corde d'espadrille, et toute cette nuit accrochée à une fenêtre.

Tout est là. L'écriture est là. Les images, ce rythme très particulier qui gifle et caresse les pages. Elle a tout semé dans ce premier livre. Sa semence. Un jais, son style.
Tout ce qu'elle ne cessera jamais d'écrire : ce mal d'aimer.

« il n'est pas bon d'être aimé, si jeune, si tôt. […] Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. » écrivait Romain Gary dans la Promesse de l'aube.
Mais une promesse, c'est déjà ça. Ce n'est pas un serment, juste un sentiment. Ça fait rêver, ça apaise, ça fait patienter, ça fait espérer.

« c'était une mère irréprochable», sans doute.
Que peut on reprocher à qui ne formule aucune promesse? Qui n'a aucune parole à donner ne désirera tenir aucune main.

Violette Leduc se donnait, et nous donnait, là une très belle promesse, une promesse qu'elle aura su tenir jusqu'au bout de son écrit.


Astrid Shriqui Garain
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Voici des fragments d'enfance sans ordre chronologique. Deux personnages les dominent : la mère, brutale, excédée, élégante, qui balance à l'égard de sa fille entre animosité et attention, et la grand-mère : complice, aimante, pâtissière, réconfortante, dont la mort, abordée dès le début, permet de ressentir lors des évocations ultérieures, à quel point l'enfant a été laissée seule après sa disparition.

Sont évoquées les amours impossibles entre les classes sociales, ( origine de l'immense blessure de la mère), la camaraderie, la mort, la solitude de la ménagère obsessionnelle, la lubricité des hommes âgés envers les fillettes, la beauté de la musique. D'autres tableaux sont plus flous, plus impressionnistes, à tel point qu'on les ressent davantage qu'on ne les comprend : l'auteure suggère-t-elle ainsi que l'enfant qui les a vécus ne les a pas non plus réellement compris, mais les a accueillis avec la réceptivité du jeune âge ? Tel l'épisode où elle poursuit dans un parc un homme accompagné d' un "bébé" (paquet de chiffons ? landau de clochard?, poupée ?) soudain saisi d'une crise impressionnante (épilepsie ?)

L'univers de Violette Leduc, par la grâce de son écriture, est triste et sévère, exubérant et joyeux : pétri des qualités contradictoires qui font la trame de la vie.

Ce voile de désespérance qui recouvre l'enfance était-il là depuis toujours, ou y a-t-il été jeté par son évocation rétrospective ?

Violette Leduc est une artiste qui se sert de sa plume comme d'un pinceau.
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DES SOUVENIRS CHAGRINS

« Ma mère ne m'a jamais donné la main… », l'incipit est fameux. Violette Leduc n'a pas été aimée de sa mère, une coquette au regard dur, et cette souffrance nourrit son livre de souvenirs.
Dans le Pas-de-Calais des années vingt — relents de genièvre, de bière et de « toubaque » —, c'est l'histoire d'une petite livrée à elle-même, en plein désarroi. Un homme au regard glauque l'attire sur ses genoux, dégrafe sa robe. Une voisine l'emmène à l'herbe aux lapins. Elle suit sa grand-mère en visite, dans une maison ripolinée (« la maison était décorée partout avec les petits diamants de la propreté »). Un orchestre accompagne les séances de cinéma muet, dont elle sort exténuée. À l'internat, on joue du piano. Monde d'autrefois (blouse de linon, gants de filoselle), mots d'autrefois (nochères, gaillette), que l'on ne comprend plus toujours. de temps en temps, l'auteure semble s'égarer (« elle cacha son visage entre ses cuisses », n'est-ce pas un peu bizarre ?).
Publié chez Gallimard en 1946 grâce à l'intervention de Simone de Beauvoir, ce texte aux répétitions malencontreuses, parfois déroutant (« il épiçait sa moustache », pour épisser ?), paraît dans la tonalité de l'époque, assez chagrine (« les madeleines me dégoûtaient »). Mais il y a peut-être du Bernanos dans ce récit, et même du Rimbaud.
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Premier livre de Violette Leduc, "L'asphyxie" est une suite de souvenirs d'enfance de l'auteur. La première phrase pose d'emblée le style percutant de Violette Leduc: "Ma mère ne m'a jamais donné la main..."
Après avoir lu les deux premiers tomes de son autobiographie, le contenu de ce livre m'a semblé une redite. Je pense qu'il vaut mieux commencer par ce roman pour ressentir l'impact de l'écriture de l'auteur. Je le relirai pour mieux l'apprécier.
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J'avais déjà été assez étonnée lors de ma lecture de la vieille fille et le mort. Je ne le qualifie pas forcément comme un roman, mais peut-être plus comme un semblant de tranche de vie.
Ici, c'est un peu la même chose. Je trouve en fait assez grossier de qualifier cette oeuvre de roman, c'est plus que ça, c'est une sorte de déclaration, un mal-être jeté à la face du monde.


Ce livre représente les prémisses, l'enfance de l'auteure, son sentiment de rejet. Ce rejet qui transparaît dès la première phrase. Phrase marquante, extrêmement dure de par sa simplicité : "Ma mère ne m'a jamais donné la main..."

Avec L'asphyxie, on en apprend un peu plus sur cette femme qui se sentait sûrement honteuse d'être une bâtarde, une enfant qui, dès l'enfance a compris que sa mère n'était autre qu'une étrangère. Une femme tantôt méchante, tantôt absente. Une femme qui n'a que faire d'une petite fille sans père.
Si la figure de la mère en prend pour son grade (jusque dans une certaine mesure, j'ai personnellement trouvé qu'elle admirait la mère dans un certain sens), celle de la grand-mère se trouve être rehaussée, presque fantasmée tellement cette vieille femme représente l'enfance en tant que telle pour la jeune fille.

On trouve le besoin d'aimer, d'être acceptée, d'être heureuse. Mais ce besoin se confronte forcément avec le mal d'aimer, cette difficulté, non, cette impossibilité même. La fillette n'aura donc jamais droit au bonheur après le décès de sa grand-mère ?


Mon avis en intégralité :

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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
On le regardait, on le regardait encore.
À force de se glisser sous l’eau avec ses « pouches » de tabac son corps avait la nonchalance d’un roseau. Si grande était sa souplesse qu’on l’eût cru vêtu de l’onde, sa complice. Entre les cils, s’écoulait un regard indifférent. Ses lèvres minces devaient plaire à ceux qui s’acharnent aux êtres de fuite. Il avait de belles mains.
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L'été, un rempart d'ombrelles fleurissait le long du mur. Par temps maussade, les fleurs posées sur des échasses, s'inclinaient avec condescendance sur les vieilles croix qui tombaient de traviole sur la terre... On frôlait le mur, on levait les bras et ces parasols en guipure vous distrayaient le creux de la main... La nuit, on ne fermait pas la barrière. On pouvait l'enjamber aisément. On ne fermait pas la porte de l'église qui présidait à ce laisser-aller. Elle ressemblait à une longue maison qui va en s'enfonçant. On en voit de semblables dans les paysages inondés.
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Je pense que les gens ne respectent pas la nuit. Ils la laissent dehors. Ils fichent le camp dans le sommeil.
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Ma mère ne m'a jamais donné la main... Elle m'aidait à monter, descendre les trottoirs en pinçant mon vêtement à l'endroit où l'emmanchure est facilement saisissable. Cela m'humiliait. Je me croyais dans la carcasse d'un vieux cheval qu'un charretier tirerait par l'oreille...
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En le disant, elle souriait bizarrement. Un sourire nostalgique. Son vieux visage entre ses poings, elle regardait le ciel qui tombait jusqu'à ras de plaine. Quel abandon! Pas un toit, pas un arbre. L'herbe courte ne frémissait pas. Les fleurs de pissenlit, leur tige roide, leur mordant. La grande plaine était un recommencement du monde sans hommes, ni bêtes.
- Qu'est-ce que vous voyez, madame Panier?
- La plaine.
- C'est le ciel que vous regardez.
- Je la vois quand même. Quelle race! C'est beau la suffisance de l'espace...
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Videos de Violette Leduc (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Violette Leduc
"Il m?arrive d?être trois jours seule sans dire un mot à quelqu?un, c?est tout de même dur et quelque fois on perd pied" avouait Violette Leduc en 1965. Deux ans plus tard, Jean Renoir affirmait qu'"un des inconvénients de notre époque, c?est la solitude." Alors que Jean Cocteau estimait, lui, "que la vraie solitude est au milieu de beaucoup de monde".
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