"Je creusais dans son cou avec mes dents, j'aspirais la nuit sous le col de sa robe : les racines d'un arbre frissonnèrent. Je la serre, j'étouffe l'arbre, je la serre, j'étouffe les voix, je la serre, je supprime la lumière."
Passion de la chair, jeune, rose, fraîche. Découverte charnelle, exploration du corps de l'autre pour appréhender le sien propre. Recherche du plaisir absolu, du bonheur éphémère et violent.
Deux femmes, jeunes femmes, filles, en cachette, dans leur cellule d'interne, chaque nuit luttent contre l'aube qui, à chaque fois, clôt leurs ébats, tue leur amour, leur amour de jour : "Le jour s'épuisait, ma cellule dépérissait, des duvets s'envolaient des lèvres de mon aimée absente. La nuit s'engageait, la nuit : notre couverture de cygne. la nuit : notre baldaquin de mouettes.". Quelques bouffées d'air, durant cette apnée diurne, pendant une pause déjeuner, ou une simulation de malaise, le moindre prétexte est exploité pour assouvir encore cette violence qui les fait se heurter, se confondre, se dissoudre l'une dans l'autre. L'amour n'a pas d'âge, pas d'époque ni de lieu. L'amour n'a besoin de personne pour lui dicter la conduite à tenir. L'amour touche, blesse, et reprend. Ou il oublie. Mais il ne s'oublie jamais.
L'interdit règne, empêche, intensifie, terrifie. Sentiments atemporels, mots universels, oscillant entre le cru et la métaphore, parmi les creux, par-dessus bord : " Les petites lumières dans ma peau convoitèrent les petites lumières dans la peau d'Isabelle, l'air se raréfia. Nous ne pouvions rien sans les météores qui nous entraîneraient dans leurs course, qui nous jetteraient l'une dans l'autre. Nous dépendions des forces irrésistibles. Nous avons perdu conscience mais nous avons opposé notre bloc à la nuit du dortoir. La mort nous ramenait à la vie : nous sommes rentrées dans plusieurs ports. Je ne voyais pas, je n'entendais pas, pourtant j'avais des sens de visionnaire. Nous nous sommes enlacées un miracle s'éteignait au lieu de rayonner."
Passion adolescente au Zénith de sa puissance, de par la peur d'être séparées. Séparées, surprises, dénoncées. Violence des corps, des coeurs en pleurs, en sueur, en lueur. Amour irraisonné, insatiable, perdu d'avance ?
Deux bouches qui n'osent se dire, quatre oreilles qui n'osent entendre ces mots si chers aux amoureux, de peur de les voir disparaître à jamais, de les perdre dans le silence, dans l'absence : "Nous parlons : c'est dommage. Ce qui a été dit a été assassiné. Nos paroles, qui ne grandiront pas, qui n'embelliront pas, se faneront à l'intérieur de nos os."
Un vrai poème : "Je veloutai le prénom d'Isabelle avant de le prononcer, j'écoutai dans mon esprit l'intonation de la phrase que je lui dirais".
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