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EAN : 9782070370399
320 pages
Gallimard (04/10/2000)
3.4/5   20 notes
Résumé :

Trésors à prendre est un authentique journal de voyage, l'imagination n'y a pas de part. Les personnages qui le traversent sont aussi réels que le causse Noir et que la cathédrale d'Albi.

Mais Violette Leduc, avec son avidité pour la vie, provoque à tout moment, en tout lieu, les rencontres les plus curieuses et les plus émouvantes.

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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Le style est fort. Strict et mirobolant à la fois. Surprenant. Elle époussette, secoue, retend. Enfile ses perles. Prodigue. C'est de la richesse pailletée. La réalité, elle la soulève d'une main. Une main écrivante. Elle abuse des métaphores. Elle peut. Taille dans sa chair, on avale. L'écriture l'aide à rétablir un équilibre, instable, toujours reconquis. Elle court après, remue ciel et terre à la poursuite du mot , et de la voix. Elle peut parfois être en proie à l'accablement le plus lourd, mais ce n'est pas lui qui aura le dernier mot. Elle cherche, ouvre la voie, crée son réel, l'engendre. La fraîcheur de son style primesautier. Une briseuse de cages. Car la beauté aussi est un carcan, une cage, un enfermement. Simone de Beauvoir en ce sens est restée encore empêtrée dans les bonnes manières, codes et conventions de son milieu social: à l'étroit. Violette, modestement, pousse plus loin. Beaucoup plus loin.
Par l'autofiction, elle tire au clair sa vie, l'interroge, l'assume, ne se laissant pas engloutir par le vécu. Comme Ulysse, elle revient: rentre chez elle. Mais seulement après s'être exposée, à toutes les émotions, à toutes les expériences. Son écriture est d'une intensité rare, ramassée, qui clignote d'émotion. Elle prend le parti des choses: des objets les plus indigents, les plus opaques, elle en fait son affaire. Un vieux poêle ronflant, une tache de salissure sur le mur, un gant déchiré. Partout elle cherche un point d'appui, un support, dans la réalité la plus ordinaire: une complicité, une confidence. Un souffle animiste parcourt son oeuvre, d'un bout à l'autre. Objets inanimés avez-vous une âme? Chez elle, c'est sans conteste. Tout vit. Il n'y a pas de césure, de cloisons entre sa subjectivité et l'objectivité du monde. Tout communique et se laisse contaminer, irriguer par l'émotion. Son contact avec le monde est réel, il est solide. Chaque objet a un poids. Elle s'explique avec les choses. Se frotte à elles: touche. Ne se contentant pas d'évoquer, de donner une atmosphère, de traquer le sens. Elle veut avoir prise. C'est une laborieuse. Une exigeante. Elle va chercher, et elle trouve. Sa littérature, ce n'est pas de la parlotte. C'est une règle de vie. Son surmenage et ses insomnies sont récompensés. Elle me réconforte. Il me faut son nom.
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Violette Leduc (1907-1972) est une romancière française. Fille illégitime d'un fils de famille de la haute bourgeoisie de Valenciennes qui refuse de reconnaître l'enfant, elle est marquée par la honte de sa naissance. Une vie difficile et scandaleuse pour l'époque, des liaisons homosexuelles, un court mariage ou des amours masculines sans retour car ce sont eux-mêmes des homosexuels, un avortement où elle manque mourir. En 1939, elle est secrétaire pour la Nouvelle Revue Critique, en 1942 elle commence à écrire des souvenirs d'enfance. En 1945, présentée à Simone de Beauvoir elle en tombe amoureuse et la compagne de Sartre qui reconnait immédiatement son talent, la soutiendra toute sa vie. En 1964 elle frôle le Goncourt pour son roman La Bâtarde, une fiction autobiographique. Violette Leduc a fait de sa vie la matière principale de ses livres, ce qui en fait une des pionnières de l'autofiction. Trésors à prendre, récit datant de 1960, vient d'être réédité.
C'est sur les conseils de Simone de Beauvoir que Violette Leduc va parcourir le sud de la France, sac au dos, le Puy, Albi, Cordes (« Il y a à Cordes, entre les vieux habitants et les ruines, des barbelés qui sont les barbelés du respect. »), Marseille… A pied, en train ou micheline, en stop, un parcours sans ligne bien définie, rien de rectiligne dans ce qu'elle en rapporte ici. Des repas frugaux (« sardines, tomates, vache qui rit, raisin, sur un banc ombragé… »). Des rencontres bien entendu, mais vraiment très particulières voire mystérieuses (comme ces deux femmes à Albi, une vieille et l'autre avec son parapluie !).
Récit, journal de voyage, un peu des deux ou bien quelque chose de tout à fait différent plus sûrement car ne s'adressant pas aux randonneurs potentiels, l'un des éléments faisant la grande originalité de ce texte.
Disons les choses clairement tout de suite, ce bouquin n'est pas facile à lire. Même pour moi qui aime beaucoup cette écrivaine, j'ai beaucoup peiné à le terminer. le style est au-dessus de tout soupçon, magistral, la preuve d'une grande écrivaine, mais c'est aussi sa faiblesse car il en rend la lecture complexe pour un lecteur lambda ; je crois que c'est ce que l'on qualifie de livre pour écrivains.
Sous couvert de voyage, le texte est une longue lettre d'amour à destination de Simone de Beauvoir, jamais nommée mais appelée « Madame ». Amour et découverte des régions visitées se rejoignant dans une sorte d'extase quasi mystique (« Moi religieuse dès qu'il s'agit de vous, j'ai frôlé avec mes lèvres l'épiderme ardent de la cathédrale. »).
Un livre où l'esprit tourmenté (euphémisme) de l'écrivaine est particulièrement évident, toujours très sévère avec ceux qu'elles croisent ou carrément raides quand elle évoque ses parents (« Mon père dont je me désintéresse, qui n'a été pour moi qu'un jet de sperme (…), [ma mère] je ne l'accable pas. Elle a été plus qu'humiliée : un cas. »).
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Ce récit autobiographique m'a réconciliée avec Violette Leduc et je dirais même que je viens de rencontrer une auteure qui me parle et dont je vais dévorer l'oeuvre ! A cet égard, je précise que je viens de commencer son premier roman L'Aphyxie et que je poursuivrai avec La Bâtarde puis, L'Affamée. Je me souviens avoir lu un roman de V. Leduc quand j'avais environ 18 ans et n'en ai pas gardé un grand souvenir, d'ailleurs, j'ai même oublié son titre. C'est en regardant le film de Martin Provost (2013) qui retrace une partie de sa vie axée principalement sur l'écriture et sa rencontre avec Simone de Beauvoir, Sartre et Jean Genet que j'ai eu envie de la redécouvrir. Dans ce film, le réalisateur nous rappelle que Violette Leduc est née bâtarde au début du siècle dernier et que la relation avec sa mère est extrêmement compliquée et douloureuse. Après des années de pratique de marché noir et un mariage malheureux, un avortement qui a failli lui coûté la vie, Violette va à la rencontre de Simone de Beauvoir après la guerre, à St-Germain-des-Prés pour lui faire lire son premier roman. Commence alors une relation intense entre les deux femmes qui va durer toute leur vie, relation basée sur la quête de la liberté par l'écriture pour Violette et la conviction pour Simone d'avoir entre les mains le destin d'un écrivain hors norme. le film montre aussi toute la difficulté d'être une femme auteur toujours soumise aux diktats de la morale et de la censure masculine. Dans le film, nous voyons le moment où Simone de Beauvoir conseille à Violette de gagner la Provence et de rédiger ses impressions, à la façon d'un journal de voyage et qui prendra le titre, une fois édité de Trésors à prendre. J'ai apprécié la franche expression de Violette Leduc, femme qui ose parler de son désir, de ses plaisirs et de ses sensations à travers une écriture poétique à une époque où il est difficile d'être acceptée comme femme voyageuse. Dans ce récit,  l'auteur dresse des portraits, y évoque des rencontres, parfois improbables, en mettant en avant les petites gens du quotidien. Mais une femme seule dans les années 50, est très mal vue par l'ensemble de la population, ce sujet revient souvent car les gens se méfient d'elle quand elle se présente dans un wagon de train ou dans un hôtel qui, en règle générale, lui octroie la plus mauvaise chambre. Dans les restaurants, elle est regardé comme une monstruosité par les familles, comme une aberration, une femme indécente.  A la façon d'un Giono, elle dépeint la nature et les lieux avec tous ces sens, faisant corps avec le paysage. Très souvent, Violette s'adresse à Simone de Beauvoir avec toute la force de l'amour qu'elle lui porte, amour interdit à cette époque. Cette femme a fait scandale en son temps car comme dirait Simone de Beauvoir, Violette parle de la sexualité "comme un homme".  Petit mot concernant l'édition, particulièrement agréable. Merci à Gallimard d'avoir réédité cette auteure un peu oubliée.




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Violette Leduc fait preuve d'un style étonnant. le journal de bord qu'elle tient, alors qu'elle traverse la France sac au dos, relate et décrit les endroits qu'elle découvre, ses conversations jusqu'aux plus anodines avec les autochtones rencontrés, les réflexions que lui inspirent la vie paysanne, des réminiscences de livres ou de films provoquées par ce qu'elle voit ou entend, goûte, touche ou respire. Oui, c'est cela, Violette Leduc est une écrivaine des sens. Une sensuelle. La passion qu'elle voue à Simone de Beauvoir en est le parfait exemple. Et c'est d'ailleurs à travers ce que lui a suggéré ou conseillé celle-ci qu'elle ressent plus ou moins de bonheur et même, d'extase, devant tel site ou monument célèbres, qu'elle ne voit plus que par le prisme déformant de son amour.
Son exigeance, la cruelle honnêteté dont elle fait preuve envers elle-même ne lui rendent pas la vie facile et la solitude, à la fois recherchée et subie, demeure sa principale compagne dans les petits hôtels miteux où elle fait halte.
Cette auteure, que je ne connaissais pas avant ce livre, mérite d'être redécouverte, pour sa poésie, sa fantaisie quelquefois et son franc-parler. Un film, avec Emmanuelle Devos dans le rôle de Violette Leduc, sera bientôt sur les écrans, j'espère qu'il contribuera à la faire sortir de l'ombre de la grande philosophe.
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Une femme fait un périple avec son sac à dos dans les Gorges du Tarn, Montpellier le Vieux, Albi entre autres.
Son coeur est cabossé, le mal-être règne, elle cherche consolation.
Elle croise des estivants, visite des monuments.
Des souvenirs anciens reviennent à sa mémoire, sa grand-mère, des traumatismes...
La nature est un refuge pour elle, elle dit qu'elle a de l'écume dans la tête et au coeur.
Il y a des zones d'ombres, de l'alcool, de la noirceur, des idées sordides.
Elle lit, elle écrit, elle pense à Jean Genet et se demande ce qu'elle est venue faire ici.
J'ai trouvé ce livre déroutant assez sombre avec quelques longueurs.
Je suis assez étonnée du titre qui me semble loin de l'oeuvre.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le paysan français avec la même persévérance que le névrosé, renie dans sa maison la clarté, la gaieté. Il est comme le neurasthénique grand collectionneur de ténèbres, de caves délabrées hissées à la surface du sol. Le paysan dès qu'il est chez lui renie l'oiseau chanteur, son contremaître exquis et perpétuel. Il imite, surpasse, détrône avec la nuit sur ses murs, entre ses doigts de pied, la taupinière, le terrier. La salle commune dans laquelle vit le paysan est souvent en pur style masochiste.
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Je relaie Don Quichotte chaque nuit, je fais la guerre aux moulinets de ma passion. On m'aime d'amitié, ce crime n'a pas d'auteur. Je chevauche sur une carne, je chevauche dans les tourbillons de l'isolement, je m'envole avec mon cheval-cadavre, je tourne au manège au dessus des abîmes de mes appétits. On m'aime d'amitié. Ma guerre à cette expression est ma guerre de religion.
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C'est la terre rouge du Roussilon, c'est un grimage terrifiant du sol, c'est du fard. La nature ici n'est pas naturelle. C'est une mise en scéne. C'est l'enfer de la peinture,ce faux saignement des rochers et de la terre...Les arbres ne sont même pas des figurants dans ce théatre de la couleur. C'est l'écrasement de la nuance. Le rouge cramoisi du velours, de la tenture, des plis assassins se fait regretter. Les touches de vermillon, ponctuation chrétienne de Van Gogh, ce vermillon attendu depuis toujours, reçu dans l'éternité, prennent des proportions universelles. C'est du sang, du crime, c'est du violent, c'est quand même du rococo.
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Les gares, les quais ne me font pas souffrir.
J'ai sucé le sang, moi goule-touriste, des monuments historiques et je pars plus loin, repue, gonflée, moi punaise des artistes de l'art roman, pour sucer encore.
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Je suis du sexe féminin, mon sexe doit se taire, demeurer neutre, se vouloir faible, effacé dans une salle de douze hommes, douze puissances d’indifférence après le boire et le manger. Que pouvais-je faire ? Prendre la parole, attaquer la gérante, les ouvriers… Je ne me délivre pas d’une éducation innée, de ma saloperie d’hérédité de bâtard, je ne m’en délivre pas surtout dans un cas de terrifiante injustice comme celui-ci. Je ne peux pas parler en public, au-delà d’un auditeur, je ne peux pas m’imposer. Ma réclamation dès le début eût tourné à la clownerie.
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Savez-vous quelle romancière a fait de sa bâtardise un étendard ? On ne voulait pas d'elle, elle a voulu devenir écrivaine. Et elle y est parvenu…
« La bâtarde » de Violette Leduc, c'est à lire chez Gallimard dans la collection L'Imaginaire.
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