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Critique de kuroineko


Le garde, le poète et le prisonnier de Lee Jung-myung a marqué un de mes premiers pas dans une littérature coréenne qui tend à se diffuser de plus en plus en France. Une très bonne chose car elle permet de découvrir un tel roman.

L'histoire, une fois encore, est aux prises avec l'Histoire. Elle se déroule au Japon, dans la prison de Fukuoka en 1944. Les détenus sont coréens. Leur pays est soumis à la tutelle de fer de l'Empire japonais depuis 1910. Ce livre montre les conditions de détention terriblement éprouvantes auxquelles sont livrés les prisonniers. Parmi eux, un poète Yun Dong-ju - Hiranuma pour l'administration carcérale car après l'invasion de la Corée, ses habitants et ses ressortissants au Japon doivent impérativement porter un nom japonais - a été condamné pour "propos séditieux". Il prête sa plume à ses congénères souvent analphabètes pour rédiger leur courrier à leurs proches.

Sugiyama est un maton redouté et redoutable, véritable brute épaisse élevé au bâton. Physiquement ou psychologiquement, il exerce sa mainmise sur la prison, écrasant sans pitié les détenus. Jusqu'à être confronté et ébranlé par la Beauté : celle de la musique d'une infirmière pianiste répétant dans un des corps de l'ensemble carcéral, celle de la poésie. Touché par la grâce.

Lorsqu'on le retrouve assassiné, Watanabe un jeune conscrit est chargé de l'enquête. En plus de reconstituer les faits, ce dernier va recomposer le mystérieux portrait à facettes de la victime.

Le garde, le poète et le prisonnier est un roman extrêmement fort où violence des autorités et des gardiens japonais, atrocité des conditions d'emprisonnement des Coréens et émotions du beau s'entremêlent. Lee Jung-myung m'a permis de découvrir ce pan sombre de l'archipel nippon en guerre, ainsi que le jeune poète Yun Dong-ju qui a effectivement existé et mourut à seulement 27 ans dans les geôles, ne laissant derrière lui qu'un recueil dont ce roman offre quelques poèmes. On y retrouve aussi, une surprise, les très beaux vers du Français Francis Jammes. le contraste abrupte entre la douceur des mots et de musique et la brutalité de la prison tissent une atmosphère singulière et fortement émouvante. La Muse et la Mort planent de concert au-dessus de Fukuoka, se répartissant les élus.
C'est également un remarquable portrait d'homme, celui de Sugiyama dont l'évolution dans sa mentalité semble à peine concevable.

Tous ces aspects l'emportent sur le qualificatif de roman policier. Certes il y a enquête. Mais ça n'est pas ce que j'en ai le plus retenu tant les personnages, le contexte, les aspirations à la liberté - même planant sur un cerf-volant, la poésie occupent le devant de la scène. Lee Jung-myung signe un récit d'une noire beauté et d'une force exceptionnelle.
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