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Critique de Jolap


Jolap
11 septembre 2017
Ce roman a été écrit en 1960 par Harper Lee qui a attendu d'avoir 88 ans pour écrire un second roman.
Quarante millions d'exemplaires ont été vendus.
Il est enseigné dans les trois quart des écoles publiques des Etats-Unis. C'est le livre le plus influent dans la vie des américains après la Bible.
Il a obtenu le prix Pullitzer en 1961.

L'histoire, qui s'étale sur trois ans, est racontée par Jem une fillette (de six à neuf ans). Son frère Scout de trois ans son cadet, leur père Atticus et Jem elle-même sont omniprésents tout au long de ce roman.
Le tout début du livre m'a bercée dans le confort et l'harmonie. Nous sommes dans la ville fictive de Maycomb aux Etats-Unis dans les années 30. Tout est décrit en respectant le regard de la fillette, ses impressions, ses interrogations, ses interprétations et ses doutes. Bien qu'il s'agisse d'une fillette assez clairvoyante pour son âge, nous sommes plongés dans un univers protégé affectivement et matériellement ce qui laisse toute la place à une certaine naïveté, une candeur bienfaisante et beaucoup d'espièglerie. Atticus élève ses enfants seul aidé en cela par sa soeur, tante Alexandra, une femme pour le moins rigide « tante Alexandra….semblable à l'Everest, une froide présence, ce qu'elle fut durant toute mon enfance » et la gouvernante de couleur Calpurnia pleine de bon sens et de tendresse.
Mais Jem commence à se poser des questions. A l'école les enfants lui lance des quolibets qu'elle ne comprend pas toujours. « Ton père défend les nègres » etc L'ambiance s'alourdit, et les interventions des uns et des autres dressent le portrait d'une société raciste et ségrégationniste du sud des Etats-Unis. le lecteur assiste aux dialogues bienfaisants d'Atticus avec ses enfants servant de ligne directrice à une éducation tolérante servant de contre-poids au climat de l'époque « Ne dis pas nègre, Scout, c'est grossier. » « Mais Atticus, tout le monde dit ça à l'école ! » « Désormais ce sera tout le monde sauf toi » « tu ne comprendras jamais une personne tant que tu n'envisageras pas la situation de son point de vue » « Ce n'est pas parce qu'on est battu d'avance qu'il ne faut pas essayer de gagner ».etc . Loin de se défiler il leur donne une ligne de conduite morale, il leur explique les valeurs qui font de lui ce qu'il est et qu'il désire transmettre à ses enfants . Il est avocat. Il défend les innocents qu'ils soient blancs ou noirs quoi qu'il advienne.

Je note que le parcours marqué par la compréhension, la justice et la tolérance comporte des failles. Les usages en place ont la vie dure. Ainsi, tante Alexandra interdit à Scout de jouer avec Walter Cunnigham : « Tu peux récurer Walter jusqu'à ce qu'il brille, lui mettre des chaussures et un costume neufs, il ne sera jamais comme Jem. de plus il y a une propension à la boisson dans cette famille. Je ne veux pas que tu le fréquentes » Comme quoi la ségrégation peut comporter différents domaines, elle n'en est pas plus juste pour autant !

Venons-en aux faits. Tom Robinson, noir, est accusé d'avoir violé une blanche. le procès auquel le lecteur assiste met en lumière les difficultés de l'accusé et d'Atticus à faire entendre leurs voix. A travers ce procès, c'est le combat de toute une population oppressée qui surgit. Une prise de conscience anime le lecteur s'il en était besoin. Les spéculations surgissent .Les échanges abondent avec vigueur et mauvaise foi. Harper Lee illustre avec force détails les propos outrageants que subissent à cette époque des hommes uniquement parce qu'ils sont de couleur noire.

Ce livre a été écrit au moment où John Kennedy a ouvertement combattu la ségrégation. Les noirs subissent de nombreuses discriminations et exclusions dans les lieux et services publics, certains théâtres, certains restaurants. Il faudra attendre l'adoption des lois civiques signées par le président Johson en 1964 pour abolir définitivement la ségrégation, les discours violents, l'usage du lynchage, le climat de terreur sur cette population. Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur a, je pense, participé à sa manière au changement dans les moeurs raciales. C'est certainement une des raisons de son succès mais pas seulement.

Profitant du regard d'un enfant en devenir, sans préjugé, encore malléable, qui pose les bonnes questions, il montre à mon sens la dose de morale et de bon sens sur lequel un adulte devrait s'appuyer pour modifier habilement sa manière de penser et d'agir. Une averse d'eau fraîche dans un torrent un peu boueux, ce texte a certainement aidé certains à réfléchir.

J'ajouterai qu'en 2003 George Bush reconnait l'esclavage comme l'un des plus grands crimes de l'histoire et qu'en 2008 la chambre des représentants présente des excuses pour l'esclavage et la ségrégation raciale envers les noirs.
J'ai bien sûr accompagné Scout avec le plus vif intérêt, respectant aussi l'immense popularité de cet ouvrage courageux, tenace et précis, trouvant par moment le ton un peu désuet mais le plus souvent percutant.
Je suis convaincue que cet ouvrage de référence peut être lu dès l'adolescence et ne perdra pas de sa valeur entre les mains des plus âgés. Un livre essentiel.
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