Le titre du roman est emprunté à ce jeu très populaire au Japon, sorte de flipper auquel on joue avec des billes d'acier. C'est un jeu de hasard avec ses incertitudes, comme la vie de ces milliers de coréens émigrés économiques au Japon, pays colonisateur qui a confisqué leurs terres.
Le roman débute donc en 1910 quand le Japon annexe la Corée. Sunja est la fille unique d'un couple qui tient une modeste pension. A la mort de son père, elle poursuivra la tâche avec sa mère.
Enceinte d'un homme riche et marié, Sunja n'a d'autre alternative que d'épouser Isak, un pasteur chrétien prêt à donner son nom à l'enfant à naitre.
Sunja va suivre son mari au Japon où les attendent son frère Yoseb et son épouse. La vie est difficile pour les coréens dont le pays est colonisé par le Japon. Émigrés économiques, ils ne trouvent que des emplois précaires et sous-payés, et logent dans des quartiers insalubres. Ils sont des zainichi, c'est-à-dire des résidents du Japon sans en avoir la citoyenneté et ils doivent affronter le racisme, l'humiliation et le mépris des habitants légitimes. C'est dans ce climat d'incertitude, de pauvreté et de peur que Sunja et Isak vont élever leurs deux garçons.
Roman dense et divisé en trois parties et qui va nous mener jusqu'en 1989 en suivant le destin de plusieurs personnages de cette famille coréenne. Chaque génération devra affronter des difficultés et le racisme des japonais, même lorsqu'ils accèdent aux études supérieures. Un homme influent et riche, lié à la famille, va les aider mais il sera rejeté par les siens à cause de son activité liée à la corruption puisqu'il est Yakusa.
Après l'histoire de la mère, c'est à celle des deux fils que la romancière s'attache plus particulièrement pour terminer par celle de Solomon, petit-fils de Sunja et élève brillant promis à un grand avenir. A travers lui, on découvre la diaspora coréenne aux États-Unis et la confrontation d'une même culture divisée et vécue aux antipodes. En 1952, Solomon vivra l'humiliation des Coréens Zainichi déchus de la citoyenneté japonaise alors qu'il est la troisième génération à vivre dans ce pays.
Dans un style fluide et alerte grâce, notamment, à de nombreux dialogues,
Min Jin Lee nous livre une grande saga familiale et historique dans une période troublée.
J'ai apprécié la découverte de cette période historique en Corée et au Japon que je ne connaissais pas. Mais je regrette toutefois que l'autrice ne creuse pas assez l'aspect historique et ses répercussions. La période de la guerre est peu évoquée par les protagonistes, alors qu'ils en supportent les conséquences désastreuses de plein fouet. Autant j'ai été tout de suite passionnée par l'histoire de Sunja, autant les péripéties de ses enfants et de leurs proches m'ont moins intéressée. Bien que palpitant, j'ai trouvé ce roman de qualité inégale.
Je remercie les éditions Harper Collins et Lecteurs.com pour la lecture de ce roman.