Avec l'année 1640, nous abordons une période particulièrement féconde. A compter de cette date, les créations de l'artiste se présentent nombreuses, variées, les unes singulièrement puissantes, simplement admirables les autres, magistrales et superbes la plupart. Elles se succèdent et s'échelonnent jusqu'au moment où il fera sa deuxième excursion en Italie; presque toutes se retrouvent au musée du Prado.
Et cette langue, ferme, arrêtée, définitive, complète, chez Velazquez, et pourtant déjà vieille de deux siècles, il nous semble pouvoir en dire, sans injustice, que nos impressionnistes, cette jeune avant-garde de l'école, commencent à peine encore à la balbutier.
Assurément aucune peinture autre que celle de Velazquez ne permettrait ces enjambements audacieux par-dessus la chronologie et n'autoriserait des rapprochements qu'on jugerait sans doute fantaisistes et excessifs, si l'oeuvre n'était là pour témoigner de ce surprenant privilège d'inaltérable jeunesse et d'absolue modernité.
Une transformation comme celle à laquelle nous assistons, qui menace un principe, un enseignement dogmatique et des traditions enracinées, ne va pas s'opérant sans hésitation, sans trouble, et surtout sans quelque désarroi. L'état présent de l'école en témoigne. Mais, d'abord, existe-t-il encore un enseignement et des traditions ? Que, de bonne foi, on puisse se poser une telle question, indique déjà suffisamment combien l'état de confusion est extrême.
Toutes les écoles de peinture ont dans leurs traditions de semblables légendes. Le plus souvent elles font sourire. Mais nous demandons grâce pour celle-ci; la mauvaise vue de Philippe, qui était très myope, et, surtout, l'étonnante illusion de vie que Velazquez a su communiquer à ses portraits, donnent véritablement au récit de Palomino quelque apparence de vraisemblance.
Visiblement, et peut-être sans retour possible aux abstractions chères aux écoles d'autres temps, l'art de nos jours, l'art libre et militant, incline de plus en plus vers le naturalisme