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Critique de MaloWoisard


"Les héros dysfonctionnent", c'est ce que nous apprend Claire Legendre dans Matricule, un bref roman incisif, épuré et vif, j'oserai jouissif, musical, en particulier dans sa première partie, qui fait souvent penser à du Echenoz dans sa deuxième partie, ne serait que je commence à croire que c'est tout simplement du Legendre. Ma deuxième découverte de Claire Legendre s'ouvre sur le désir et les ruses d'un couple qui piétine à s'installer, "de ne pas donner quelque chose que l'on a à quelqu'un qui le désire avidement", les lâchetés de quand "lutter serait plus fatigant encore". Joseph A et Clémence forment un couple inabouti. Clémence se consume d'un aboutissement qui ne vient pas et organise une étonnante pérégrination roumaine qui permettra à Joseph de découvrir son désir de paternité. Oeuvre ternaire a priori construite à partir de trois points de vue, trois personnages, dont Joseph est la clé, Matricule interroge le rapport au corps, aux autres par la présence qu'ils installent dans le sens qu'on veut donner à sa vie. Au départ, ce qui semble l'histoire de "deux jeunes diplômés découragés par les petites annonces qui veulent qu'on ait toujours de l'expérience" et on parle bien de couple, se révèle une formidable réflexion et un bonheur de lecture sur la paternité, terreur, projet plus ou moins assumé, bonheur, investissement, accaparement, transmission jusqu'à résonner comme une trahison. Cette oeuvre parfois inattendue, nécessaire d'être surprenante car elle rappelle à propos combien tous les débuts sont beaucoup plus longs et compliqués qu'on ne le dit, m'a souvent positivement troublé. Et c'est bien ! C'est de la littérature de vous interroger au plus profond, de vous forcer à vous positionner autant qu'à vous guider ou vous imposer. Reste qu'on combine ici grâce et poésie, comme capacité à rendre les absurdes dans un regard chirurgical empreint d'un vrai sens de la dérision.J'ai personnellement adoré la première partie qu'on n'avale pas d'une traite mais qu'on reprend comme prendre son élan pour repartir de l'avant et, oui, les scènes de grâce de la magie d'être magicien, des enfants et des enfants. La troisième partie ne se dévoile pas, condensé des émotions d'une vie. Il faut la lire et pour qui la lira, "la promesse tacite viendra". Seulement, parce que je fais profession de transmission et que le thème du départ me hante, une forme de conclusion que je relirai m'a profondément touchée. En cela, je témoigne d'un texte juste. Conclure que nombreux suivront Joseph pour se demander, au terme de ces portraits prenants, s'il faut "résister aux tentations fusionnelles... qui défont les talents et piétinent l'ambition", créer ou fonder, fonder ou créer. Entre la grâce et le terrien, je ne sais pas encore si ce beau livre donne une réponse. C'est sans doute à chacun de la déterminer. Et, oui, c'est mieux ainsi ! En ce qui me concerne, je choisis le père Noël et Brel !
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