AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782072967153
192 pages
Gallimard (03/02/2022)
3.9/5   39 notes
Résumé :
À la fin des années 1960, un ingénieur fonde une ville sur un territoire prétendument vierge. Il a rêvé cette ville intensément, il veut qu’elle change la vie, respecte la nature, invente le futur et fasse advenir tout un monde nouveau. Il la baptise Sophia-Antipolis.
Seulement rien ne vieillit plus vite que le futur.
Seulement aucun territoire n’est jamais vide de passé.
Seulement les rêves, à devenir réels, prennent des tours inattendus.
... >Voir plus
Que lire après AntipolisVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je ne pensais pas qu'un livre racontant la naissance d'une ville, Sophia-Antipolis en l'occurrence, me passionnerait autant. L'écriture y est pour beaucoup. Cette façon de raconter qui nous rend impatient de savoir : mais si, vous savez, comme quand on a une idée en tête, et qu'on se précipite pour se mettre à l'oeuvre - ce coup de "speed" créatif, on le partage ici. Notre autrice arrive à reproduire cela. Parce que cette ville, qui porte le prénom d'une femme aimée, est sortie de la tête d'un seul homme qui attendra 10 ans pour voir réaliser son projet de Ville de la Sagesse, 10 ans de plus pour y voir arriver des vies. On voit naître une ville, les errements, les difficultés, et puis les déceptions aussi. Parce que, d'abord, avant de construire, il faut détruire, et que, ensuite, parfois les projets échappent à leur créateur. Bel hommage à celui qui a eu l'idée bien-sûr, mais aussi à ceux oubliés et aux invisibles.
Commenter  J’apprécie          380
C'est un important « petit » (moins de 180 pages) livre, qui n'a l'air de rien : l'histoire de l'aménagement de « Sophia-Antipolis » au-dessus de Nice, née à la toute fin des années 1960 et continûment développée par la suite jusqu'à la « Technopole internationale » d'aujourd'hui. Il s'agissait à première vue d'une de ces opérations intégratives d'aménagement du territoire censées matérialiser dans l'espace et la matière « L'âge de Raison » --éloquence du nom hellénisant de Sophia-Antipolis-- des soi-disant « sociétés libérales avancées ». Mais, d'observation en réflexion, subtilement connecté à un réseau de notions et références significatives, ce texte n'est pas sans invoquer la problématique plus générale de ce qu'on pourrait appeler la crise prométhéenne.

L'air de rien, car la couverture annonce un roman. Sur une trame chronologique, le style erre avec bonheur entre un documentaire inspiré et la littérature expérimentale. Mais la lecture laisse percevoir une thématique plus profonde, l'autopsie d'une impossible Utopie née à la culminance des Trente Glorieuses. Un-demi siècle a suffi pour que la vision d'une Cité idéale renouant avec la sagesse grecque soit ensevelie sous une « Technopôle » polyglotte d'acier et de verre. Quelques pages d'un stoïcisme chimiquement pur (la maladie terminale de Sophie Laffitte, épouse de Pierre) me font penser que ce que ce livre a de remarquable échappe au roman.

IL s'agit de fonder une ville de synthèse, imaginée par un ingénieur humaniste, Pierre Laffitte, reprise presque par hasard par un préfet très conscient du danger de la mono-activité touristique d'une économie régionale alors strictement littorale. Sans que cela soit explicitement rapporté, Laffitte imaginait Sophia-Antipolis héritière spirituelle du Mouseîon grec tels ceux d'Éphèse, d'Athènes ou encore  Smyrne mais surtout l'Alexandrie des Ptolémée, avec sa mythique Bibliothèque. Construit en 290 av. JC, selon le modèle de l'Académie platonicienne et du Lycée aristotélicien le Mouseîon est devenu un archétype socio-culturel sans égal depuis sa construction. « Composé d'un jardin et de promenades, d'une salle de réunion, d'autels, d'une bibliothèque, et de diverses annexes comme l'observatoire, le jardin botanique et l'institut d'anatomie, le musée d'Alexandrie est aussi un lieu de conservation de la mémoire »[Wikipedia, où l'on trouvera une intéressante introduction à l'organisation et au fonctionnement de cette institution].

Comment procéder à la conception, comment couper avec l'héritage, comment libérer enfin la Raison des contingences héritées du passé, de la médiocrité traditionnelle ? La doctrine rationaliste prescrit de partir d'une page blanche. Un projet non-fonctionnaliste si l'on veut, où l'Université, les laboratoires, le théâtre (en plein air : nous sommes en Riviera), un forum multi-activités (qui verra le jour, inauguré par Picasso en personne !), un premier village aux venelles étroites et aux placettes ombragées auraient abrité et nourri, au soir des journées de labeur et de découverte, un bouillon de culture informel et fécond de rapprochements et connexions inattendus et espérés devant l'épuisement de spécialités toujours plus étroites.

La fondation de Sophia pouvait bien reprendre le slogan de Fos-sur-Mer, strictement contemporain : c'était « la rencontre d'un site et d'une idée ». IL s'agissait alors de réaménager le territoire par la création de « Métropoles d'équilibre » capables de relations directes –économiques, culturelles, intellectuelles, artistiques-- avec d'autres métropoles européennes ou mondiales. Mais peut-il exister une page blanche ? « Il n'y avait rien, il y aurait tout: une histoire qui commence ainsi oublie davantage qu'elle ne se souvient, elle passe sous silence les voix distinctes, les visions distinctes, les innombrables versions de la réalité sans lesquelles un récit n'est que le fantasme d'un monde au garde-à-vous. Pour lui échapper, il faut approcher les faits comme les lieux, avec la conscience qu'aucun promontoire, si surplombant soit-il, ne livrera jamais le portrait véridique et complet d'un territoire »[13]. La rationalité de l'homme est limitée par nature, même s'il s'imagine être sorti de la caverne platonicienne. Les inventeurs du projet n'ont pas vu que la place n'était pas vierge, il était trop tôt encore pour comprendre --et accepter-- qu'il ne puisse y en avoir. Certains des acteurs réagissent de manière imprévue. Des intérêts inattendus (et pourtant connus de toute éternité) reprennent et détournent le projet initial. Laffitte est poussé de côté et gratifié d'un strapontin. le chantier de Sophia effleure puis évince une petite communauté de Harkis, plantée là pour remanier deux décennies durant un couvert forestier devenu incontrôlable et dangereux en été : à l'exil succède l'expulsion d'une population dont l'aspect ne concordait guère avec l'habitus de la Cité pionnière du prochain millénaire... le business a instauré ses droits, ici comme partout ailleurs… Les marchands ont envahi le Temple.

Foin d'Agora, de théâtre, de rencontres artistiques, de village : la nuit Sophienne est aussi déserte que celle de la Défense, et l'argent y coule à flots soigneusement canalisés… En 2000, J-G.Ballard, romancier britannique bien connu, situe à « Super-Cannes » une de ses dystopies sociologiques : « à Eden-Olympia, nouveau parc d'activités high-tec sur les hauteurs de Cannes, une élite de PDG de multinationales, de financiers et de scientifiques venus de ous les pays prépare le troisième millénaire. Harmonie, efficacité, rendement sont les maîtres-mots ». L'allusion à Sophia-Antipolis est transparente !

Non loin des blanches pyramides striées de Marina-Baie des Anges, où Ballard aurait pu inscrire « High-Rise », un autre de ses romans, Sophia, présentée comme l'anti-Fos-sur-Mer, découle en réalité dune même illusion : la voltige sans filet d'une création coupée du passé. Pas plus qu'à Fos, l'expérience n'a réussi. Non seulement le support et la matière ne réagissent pas toujours comme prévu, mais la Modernité incarnée par ce projet, entendue comme gouvernement des organisations humaines selon la Raison, est une illusion.

Il n'est pas indifférent que « Antipolis » soit paru en 2022, dans des circonstances –écologiques, économiques, culturelles, politiques et, depuis, militaires-- qui nous confirment que les Lumières se sont trompées ; il n'y a pas de solution politique au problème humain.

Janvier 2024
Commenter  J’apprécie          00
Tout commence par une femme.

Celle-ci s'appelle Sofia.

Issue de la noblesse juive de Kiev à l'époque où Kiev est russe, elle émigre à Berlin lors de la chute du Tsar puis à Paris en 1922 où elle suit des études de littérature. Elle part à Nice ensuite, traverse la méditerranée encore pour finalement revenir à Paris où elle fonde le service de littérature slave à la bibliothèque nationale.

Lors d'une conférence elle rencontre Pierre, un jeune étudiant de l'école Polytechnique. Elle lui raconte sa vie, ses errances surtout. Pierre est touché par l'histoire de cette femme expatriée . Ils se revoient et, malgré leur différence d'âge, tombent amoureux.

C'est à ce moment que l'idée germe dans la tête de Pierre Laffitte : comme Romulus qui a fondé Rome, il souhaite construire une ville, une ville réparatrice, une ville de la sagesse, « une ville du futur contre les atrocités du passé, un ville antidote », une ville qui se nommerait Sophia « quelque chose ». Sophia comme sa femme, comme la sagesse.

En 1960 Pierre signe une tribune dans le Monde, intitulée « Le Quartier latin des champs » dans laquelle il expose les raisons pour lesquelles une ville dédiée à la sagesse doit être construite près de Paris.

C'est en 1969 que Sophia-Antipolis voit le jour non pas près de Paris mais sur le plateau de la Valbonne, seul espace vierge et non habité susceptible d'accueillir la technopole.

Réellement non habité ? Ce territoire palimpseste abrite pourtant le camp de la Bouillide où vivent des familles de harkis, ces Algériens servant l'armée française lors de la guerre d'Algérie et relégués aux tâches forestières du plateau pour empêcher les incendies. La technopole étant en pleine expansion, ces familles sont finalement priées de quitter la Bouillide pour les HLM de Garbejaïre en 1992.

Une plume poétique pour cette épopée urbanistique, sur l'oeuvre d'un homme dont l'utopie est devenue réalité. Mais une réalité remplie de contradictions et d'incertitudes.

Un roman qui n'est pas dépourvu d'émotions et qui réhabilite la mémoire des Harkis qui lèguent une histoire à cette ville sans âme.

J'ai acheté ce roman dont je n'avais jamais entendu parler car j'étais attirée par le titre. J'avoue qu'au tout début de cette lecture, je pensais qu'il s'agissait d'une fiction, je n'avais jamais entendu parler de cette technopole considérée comme la Silicon Valley française.
Commenter  J’apprécie          90
J'ai tout à fait apprécié ce roman original d'une jeune acurice totalement inconnue pour moi. Née dans les Alpes-Maritimes, elle a tenté d'écrire un roman autour d'un sujet improbable, comme la ville elle-même d'ailleurs : Sophia-Antipolis. Ceux qui sont allé par là (mais pour quoi faire je me le demande un peu, si ce n'est découvrir une impressionnante collection de rond-points ! ) auront été frappé par le caractère hybride de cette ville qui n'en est pas une, entre collines, high-tech et paysages méditerranéen sans cesse réduits à une portion de plus en plus congrue...
le livre écrit (ou peut-être davantage encore présenté sur le plan presque typographique) de manière originale rappelle que ce fut à l'origine une superbe histoire d'amour (ce qu'à mon avis presque aucun des cadres dynamiques qui y travaillent ne sait !), mais qu'également, ce qui fut construit sur un espace sensément vide, le fut en réalité sur un espace dans lequel étaient parqués des harkis. de ce point de vue la deuxième partie du livre rappelle' tout particulièrement l'Art de perdre d'Alice Zeniter.
Un roman original ( je note que les écrivains français sont désormais entichés de ce genre de thème de la naissance d'un pont au très dispensable tracé des lignes TGV d'Aurélien Bellanger) et qui vous fera regarder Sophia-Antipolis d'un autre oeil... Mais bon je me rend compte en rédigeant ce billet qu'il y a une dimension locale assez forte et que la portée universelle du livre n'est peut-être pas évidente tant l'ancrage local est fort. Je ne me rends pas bien compte à vrai dire, mais en tout cas ce livre m'a plu !
Commenter  J’apprécie          100
J'ai démarré la lecture de ce livre pour en savoir plus sur Sophia Antipolis, dont j'avais la vague idée d'être un temple de la modernité technologique.
Dès les premières lignes, je me suis retrouvé happé par le récit et par son style rythmé.
On apprend sur une époque, sur ce qu'il advient des grandes idées comme celle de bâtir une ville.
La création de cette cité est ouverte sur l'idée de Pierre Lafitte, puis tout s'enchaîne, rebondit, s'échappe. D'autres angles de vue. Dautres protagonistes. D'autres séquences de vie.
J'ai finalement saisi ce qu'est advenue Sophia Antipolis, mais surtout j'ai pris un grand plaisir de lecture. Bravo à Nina LEGER pour ce livre très bien écrit qui nous fait rentrer dans une idée, un projet, une époque, des personnes, dans la France des années 1960 a 2020.
Cela fait un peu écho pour moi au livre de Pierre Lemaitre « le silence et la colère » où, au travers de la construction d'un barrage, on saisit les enjeux de société de l'époque. Avec une grosse différence de style. Celui de Nina LEGER est clairement très original et vivifiant.
Commenter  J’apprécie          11


critiques presse (2)
LeDevoir
07 juin 2022
Dans un roman à la narration télescopée, Nina Leger retrace les origines de la première technopole d'Europe.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Bibliobs
03 mai 2022
Le roman de Nina Leger, sobre chant lyrique qui mêle réalité et fiction, répare à sa façon le passé.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Notre histoire est celle d'une terreur recouverte de honte sur laquelle on a mis de l'indifférence sur laquelle on a mis de l'oubli. On devait disparaître, voilà ce qui était attendu de nous, qu'on disparaisse de tout et tout le temps, qu'on disparaisse de la mémoire, qu'on s'efface de l'histoire, qu'on s'efface des lieux, que nos maisons soient cachées derrière les arbres, que nos gestes soient petits quand les vôtres étaient grands, qu'on se fonde dans le paysage et qu'on n'y fonde rien, c'était ça notre peine, disparaître, et on devait l'exécuter nous-même.
Alors si on lutte aujourd'hui, ce n'est pas pour conserver, c'est vous qui conservez en construisant, vous qui perpétuez. Nous, on déblaye les couches de l'oubli et d'indifférence pour arriver jusqu'à la couche de honte pour enfin atteindre celle de terreur. Vous n'avez pas idée du travail que ça demande.
page 151
Commenter  J’apprécie          100
Ce que je veux dire, c'est que les médecins posent mal le problème, ils oublient ce que la science a pourtant découvert, et qui est aussi une affaire de grammaire: la relativité. Ils disent que ce n'est pas bon, mais tout dépend du référentiel. Si la vie est le référentiel, bien entendu, ce n'est pas bon, mais si on considère qu'à mon âge le référentiel s'est modifié, que ce n'est plus la vie, mais la mort, alors les médecins devraient considérer que tout va bien, qu'on est sur la bonne voie et que ma mort ne sera pas un raté, pas une défaite pour la médecine ou pour moi, mais le terme qu'il fallait atteindre en s'y prenant le mieux possible, au moment le plus juste.
page 76
Commenter  J’apprécie          40
Personne ne veut raconter l'histoire des harkis, ni ceux qui' l'ont vécue, ni sont qui l'ont causée, et pourtant tout le monde se plaint de l'avoir trop entendue, tout le monde juge qu'elle prend trop de place et qu'il faut tourner la page. Mais on ne tourne pas une page restée blanche.
Commenter  J’apprécie          40
Il n'y a rien, il y aurait tout : une histoire qui commence ainsi oublie davantage qu'elle ne se souvient, elle passe sous silence les voix distinctes, les visions distinctes, les innombrables versions de la réalité sans lesquelles un récit n'est que le fantasme d'un monde au garde-à-vous.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Nina Leger (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nina Leger
Mise en pièces: Romance de Nina Leger aux éditions Gallimard
"Elle construit un palais de mémoire qui, à mesure qu'il se peuple de sexes nouveaux, se complique de couloirs, d'annexes et de dépendances. Les portes y sont toujours plus nombreuses. Elle aurait pu prendre des photos et en faire collection, elle aurait pu tenir un carnet de comptes ou de croquis, utiliser comme support un tableur ou un journal intime, confier à d'autres ses souvenirs plus ou moins retouchés, elle aurait pu oublier - elle a préféré construire un palais". de chambre en chambre, Jeanne rencontre des hommes. Elle verrouille des portes qui l'enferment avec des inconnus et les rouvre un peu plus tard, emportant avec elle le souvenir du sexe qu'elle a mis à nu, oubliant la personne. Imaginons une vie qui ne serait que sexuelle. Jeanne circule dans Paris et y trame une géographie fantasmatique. Parfois, elle tombe dans les filets qu'elle a elle-même tendus. Une romance à un personnage. Une romance d?aujourd'hui.
http://www.lagriffenoire.com/66687-divers-litterature-mise-en-pieces.html
Vous pouvez commander Mise en pièces sur le site de la librairie en ligne www.lagriffenoire.com
+ Lire la suite
autres livres classés : idéauxVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (105) Voir plus



Quiz Voir plus

la mythologie grecque

Qu i sont les premiers enfants d'Ouranous et de Gaia ?

les titans
les cyclopes
les titans et les titanides
les titanides

50 questions
845 lecteurs ont répondu
Thèmes : mythologie grecqueCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..