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Isabelle Maillet (Traducteur)
EAN : 9782743616809
247 pages
Payot et Rivages (30/04/2007)
3.35/5   133 notes
Résumé :
Que ce soient deux anciens du Vietnam qui retournent dans leur ville natale, des adolescents qui mettent à sac la maison d'un camarade, un homme innocent traqué par des agents gouvernementaux paranoïaques, un père qui vient chercher son fils à sa sortie de prison, ou une jeune femme prise entre les feux d'une guerre des gangs, les personnages de Dennis Lehane nous sont familiers au départ et, très vite, leurs dérapages nous les rendent tour à tour effrayants et déch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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J'apprécie beaucoup Dennis Lehane dont je pense lire l'intégralité de la bibliographie dans les années qui viennent, je me suis attaqué ici à un recueil de nouvelles avec la curiosité de savoir si le format court allait autant m'enchanter que le long.
La réponse est oui, l'auteur est objectivement doué pour écrire des nouvelles, il réussit avec un style agréable et efficace à façonner en peu de pages des ambiances d'une belle densité.
Les personnages, dans chacune de ces histoires, prennent rapidement une consistance psychologique qui nous fait entrer dans chaque histoire sans ennui et c'est toujours ce que l'on souhaite dans ce type de récit et de format.
A peine une dizaine de nouvelles dont la majorité va concerner des "bad boys" ou des gens qui vivent un peu en marge de la société à l'exception de "En observation" qui est un peu inclassable.
La seule chose qui m'aura un peu frustré c'est ce parti pris de laisser systématiquement une fin "ouverte" en conclusion, excepté pour la dernière nouvelle qui sera donc ma préférée (Avant Gwen).
A noter que cette dernière va être l'objet d'une variation sous forme de pièce de théâtre en deux actes en fin de volume, le tout précédé de l'historique de sa création par l'auteur, intéressant de découvrir les ajouts qui étoffent un récit que l'on vient de lire et le passage de la nouvelle à la pièce de théâtre.
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Au volant d'une vieille Dodge, évitant les chiens errants dans la poussière de la Caroline du Sud, regardant les chiens écrasés sur la double deux voies, je file à toute berzingue et à travers quelques instants de ma vie poussiéreuse. Je m'arrête chez un pote, un ancien du Viêt-Nam, y'en a toujours un dans les bons romans américains. « Assieds-toi, vieux, dit Blue. Y a de la bière dans le frigo si t'as soif. », me dit-il. - Petit aparté. Déjà Blue me fait penser immédiatement à la trilogie new-yorkaise de Paul Auster, l'oeuvre ultime des romans américains. Fin du petit aparté totalement personnelle et subjectif. - Et là, avec nos bières fraîches et décapsulées, on s'assoit sur la terrasse, de vieilles planches en bois posées à même la poussière, de son mobil home, face au soleil couchant. le silence est là, un silence pas dérangeant, un silence de complicité avec son ami, avec sa bière, avec sa lune. D'ailleurs on en reprend une troisième pendant que les étoiles commencent à illuminer la solitude des coyotes. Au bout d'une ou deux heures, j'abrège donc le silence, il est temps que je reprenne la route, direction Coronado.

J'allume l'autoradio, un morceau de Dave Matthews s'en échappe. Je file, je m'arrête pour prendre une auto-stoppeuse qui monte à l'arrière, l'air fatiguée, une pute qui veut changer d'air et reprendre sa vie en main, devenir reine sous le soleil californien ou au moins actrice de sitcom. On s'arrête au bord de la route, un bar poussiéreux mais aux néons qui tranchent dans le vif, colorent ta nuit semblent-ils te dire. Je commande un Jim Beam. « Elle fait tinter les glaçons dans son verre. Tire une bouffée de sa cigarette. » Rien qu'une telle pensée me met dans un état d'excitation intense. Mandy est partie dans les toilettes, probablement se refaire un brin de fraîcheur et une ligne de coke.

Je reprends la route seul, Mandy trouvera certainement une nouvelle âme toute ouïe à ses charmes. La route vers Coronado va être encore longue, pas envie de m'arrêter dans un motel, pour y faire quoi, d'ailleurs, dormir deux heures et me réveiller seul en sueur avec un bouquin de Dennis Lehane posé sur la table de chevet. Non autant filer tout droit, jusque ce que la nuit prenne fin, vienne m'embarquer dans les méandres de ses pensées. Coronado, là-bas, il y a mon ex petite amie, y'en a toujours une dans les bons romans américains. On se retrouvera ou pas, comme une scène de théâtre où deux coeurs surjouent leurs partitions.

Fin de l'histoire, je ne sais plus où je vais, une fois mes santiags posées à Coronado. Je ferme le bouquin de ma vie, bon bouquin, celui de Lehane, pas celui de ma vie. Je vais l'ensevelir de poussière, le bouquin, ma vie, jusqu'à ce que quelqu'un le reprenne en main et fasse une nouvelle route avec.
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Ceci est un recueil de nouvelles qui permet de mesurer l'ampleur du talent littéraire de l'auteur, car chacune d'elles est accomplie, se suffit à elle-même, alors pourtant que certaines histoires sont très courtes.

En filigrane dans tout ceci, on retrouve une certaine Amérique profonde, la petitesse sociale associée à la profondeur de l'humanité de ces personnes, je n'ose pas dire "personnages" tant ils semblent réels, et c'est là toute la beauté de Lehane : on peut être modeste et mal servi par la vie, on n'en demeure pas moins humain et capable d'une intelligence remarquable.

L'histoire intitulée Coronado, qui donne son titre au recueil, est écrite deux fois, sous la forme d'une nouvelle puis d'une pièce de théâtre, et les deux se complètent admirablement.
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La justesse et la profondeur des personnages, de leur misère morale de la détresse qui suinte en permanence de leur routine, coulent dans les mots de Dennis Lehane.. Les portraits cruels distillés dans ces cinq nouvelles semblent intemporels, témoins d'une frange de l'Amérique qui ne rêve plus, n'a jamais même rêvé.
Seul bémol, la deuxième partie, la pièce de théâtre tirée d'une des nouvelles mixée de l'ambiance des autres...
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J'ai passé un excellent moment avec ce recueil de cinq nouvelles de Dennis Lehane dévoré en 2 jours. J'ai généralement peu d'attraits pour ce type de recueils, me retrouvant souvent frustrée de ne pouvoir suivre les personnages plus longtemps, mieux connaître leur histoire, prendre le temps de m'en imprégner et faire un bout de chemin avec eux. Mais l'auteur, à la plume touchante et acerbe, réussit en quelques pages à nous faire réfléchir sur nous-mêmes, sur l'objet de nos actes, sur ce que l'on fait ou ne fait pas pour une autre personne. Je me suis attachée à des personnages rencontrés en seulement quelques lignes, au fil de cavalcades intenses, avant de comprendre avec une certaine appréhension que l'on peut tous déraper à n'importe quel moment : pour un amour, pour un enfant, à cause d'une méprise, pour des souvenirs trop lourds à porter, pour une soeur.
Une des nouvelles est ensuite développée en une pièce de théâtre savamment menée, où les personnages se croisent, où passé et présent se mêlent, où les aspirations se complètent, dans une mélancolie ambiante, un manque, des fantômes et une intention commune : se rendre à Coronado, même si le trajet est semé d'embûches et ne demande qu'à déterrer les erreurs du passé.
Je n'avais jamais lu Dennis Lehane, je ne crois pas que Coronado soit un de ces ouvrages les plus connus, mais je recommande vivement ces nouvelles poignantes et exaltantes où l'intrigue et la réflexion nous portent avec frénésie du début à la fin.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Dans les salles d'attente, il assiste aux drames vécus par les proches des blessés, des éclopés, des êtres brisés, abimés et ravagés, des comateux, des cancéreux, des anémiques en phase terminale, des patients atteints de la drépanocytose, du sida, de la jaunisse, de diverses tumeurs. Il entend parler de maladies rares aux noms étranges, de brusques pannes dans le cortex cérébral, l'aorte, les ventricules droit et gauche, les reins et le pancréas. (Et de tout cela, il retient que rien ne vaut un pancréas sain. Quand ça commence à aller mal dans ce coin-là, la médecine moderne ne peut plus grand-chose.)
Surveillez bien votre côlon aussi. Bougez, bon sang ! Évitez les fritures, les cigarettes, l'alcool, l'amiante.
Mais ce n'est pas tout : ne traversez pas les rues où le soleil de midi risque de se réfléchir sur les pare-brise arrivant vers vous. Ne vous baignez pas ivre. Ne vous baignez pas la nuit. Ne vous baignez pas, point final. Ne vous chargez pas vous-même des travaux d'électricité. Ne vous accordez pas de plaisirs anaux solitaires avec une bouteille de Coca (ce n'est qu'une rumeur circulant dans l'un des services chirurgicaux, d'accord, mais elle fait bien rigoler tout le monde.) Ne skiez pas près des arbres. Ne vivez pas seul. Ne grimpez pas sur une échelle si vous êtes enceinte. Ne riez pas en mangeant. Et surtout, quoi qu'il arrive, ne prenez pas votre retraite.
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Au Viêt-nam, il y avait ce gros type, un dénommé Woodson, originaire du Dakota du Sud, qui n'avait pas la cote dans la section. Il n'était pas malin, il n'était pas sportif, il n'était pas drôle, il n'était même pas aimable. Il était là, c’est tout. Un jour, Elgin courait près de lui dans un océan de rizières, leurs bottes s'arrachant de la vase avec un bruit de succion à chacun de leurs pas, quand un soldat embusqué en face d'eux avait tiré une brusque rafale, sectionnant la tête de Woodson si nettement que, pendant quelques secondes, Elgin n'avait plus vu à côté de lui que la moitié inférieure de son visage. Pas de cheveux, pas de front, pas d'yeux. Juste une partie du nez, la bouche et le menton.
Le plus incroyable, c'était que Woodson avait continué à courir, le M-15 serré contre sa poitrine, à patauger dans l'eau et à faire ces mêmes bruits de succion pendant bien cinq ou six mètres. Ce gosse était mort, et pourtant, il courait toujours. Il n'avait aucune raison de s'accrocher, mais comme il ne le savait pas, il continuait à courir.
Quelle étincelle d'espoir, de souvenir ou de rêve l'avait poussé à avancer ?
Forcément, on se posait la question.
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Le soir, après le coucher du soleil, quand mon père a passé la journée à écluser des Lone Star auxquelles il ajoute du whisky, il finit par regarder sa baraque merdique, la véranda affaissée et la terre dure du Texas, et il chiale en silence. Il reste assis là, sans bouger ni trembler ni rien - juste pétrifié, avec cette eau qui coule sur son visage.
Il m'a dit une fois : « Si j'avais su que tout ce bordel se résumait à ça, tu sais ce que j'aurais fait ? »
J'avais peut-être dix ans. « Non, p'pa. »
Il a avalé une grande lampée de bière, jeté la cannette et roté. « Ben, je serais mort plus tôt. »
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Si on avait gagné le dernier match de la saison, on serait allés jusqu'au championnat contre Lubbock Vo-Tech. La seule chance pour des gars comme nous, qui ont grandi dans un trou à rats, de se faire repérer par un dénicheur de talents, c'est de jouer en championnat. Et on était bien partis pour y arriver, c'est sûr, avant que les mains de Lyle Biddet se transforment en polystyrène. Il a fallu qu'il lâche ce foutu ballon deux fois, et North Park en a profité pour inscrire deux touchdowns, nous laissant assommés et transis sous le ciel noir du Texas, alors que les fans rentraient chez eux et que les projecteurs s'éteignaient.
Une semaine plus tard, quand mon conseiller d'orientation m'a demandé ce que je comptais faire de ma vie, quels étaient mes projets, à quoi j'allais m'appliquer, je n'ai pensé qu'à une chose : je veux appliquer mes mains sur la gorge de Lyle Biddet et serrer jusqu'à en avoir des crampes.
Lyle, lui, n'a jamais eu besoin de compter sur ce match de championnat. Il va entrer en fac quoi qu'il arrive. À SMU, si j'ai bien compris. Y a pire.

On a saccagé pratiquement tout le rez-de-chaussée quand la fille arrive. La chaîne stéréo a sombré dans la piscine en même temps que deux fauteuils en cuir étripés. Le frigo ouvert gît sur le carrelage de la cuisine. Les plantes vertes sont dépotées, les toilettes débordent dans le vestibule et ne me demandez même pas ce que les frères Lewis ont ajouté au motif chocolat du tapis.
Donc, on est plantés là, plus ou moins vidés, stupé­faits de voir le bordel qu'on a réussi à semer en quarante minutes sans en avoir jamais reçu l'ordre. Parce que c'est ça, le plus bizarre - la façon dont c'est arrivé. Ça s'est déchaîné d'un coup, comme une tornade, un tourbillon de rage aveugle, doué d'une vie propre, qui a tout dévasté chez les Biddet.
Soudain, la porte de la cuisine s'ouvre et la fille entre. Elle a des cheveux châtains raides, dont elle a tressé deux mèches au-dessus des oreilles. Elle porte des bottes blanches qui lui montent jusqu'aux genoux et une jupe à carreaux semblable à celle des nanas dans le privé - les bahuts de Jésus -, sauf que la sienne est éclaboussée de peinture rouge et que quelqu'un a des­siné sur sa cuisse gauche le symbole de la paix. Ses petits mamelons durcis pointent sous son T-shirt moulant façon tie-dye.
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LE PÈRE DE BOBBY. T'aurais préféré aller dans la même putain d'école que tous les autres mômes ? Jouer avec des jeux vidéo dans un putain de sous-sol de banlieue ? Dans une putain de banlieue avec un centre commercial exactement pareil à tous les centres commerciaux ? Et après, hein ? Le lycée, la fac, les études de commerce ou de politique ? T'aurais décroché un boulot, un plan de retraite et t'aurais épousé la standardiste parce qu'elle t'a souri et qu'elle sait tailler une pipe ? Résultat, à trente-cinq balais, les pipes c'est plus qu'un souvenir, t'as deux moutards qui braillent pour avoir des putains de jeux vidéo et des baskets, et t'as l'impression que ton âme est comme une tomate laissée trop longtemps au soleil mais, oh, attends ! T'as quand même deux ou trois pornos planqués dans le placard, une belle grosse bagnole neuve, et le supermarché est juste au bout de la rue ! Le pied, non ? Et il te reste encore une bonne cinquantaine d'années pour en profiter si t'as une vie bien saine, sans fumer ni boire ni rien bouffer de ce qui a du goût, et tout ça pour finir par crever en Floride dans une belle baraque blanche pendant que des Guatémaltèques arrosent ta pelouse... Franchement, y a de quoi s'éclater !
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