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EAN : 9782070364350
213 pages
Gallimard (22/08/1973)
3.55/5   288 notes
Résumé :
Michel Leiris

L'âge d'homme

précédé de De la littérature considérée comme une tauromachie

Dans la période de grande licence qui suivit les hostilités, le jazz fut un signe de ralliement, un étendard orgiaque aux couleurs du moment. Il agissait magiquement et son mode d'influence peut être comparé à une possession. C'était le meilleur élément pour donner leur vrai sens à ces fêtes, un sens religieux, avec communion par la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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« L'âge d'homme », une oeuvre autobiographique si l'on en croit l'ensemble de la critique ; certes, une oeuvre ou Michel Leiris parle de lui, exclusivement de lui. Autobiographique, donc … mais mieux que ça : une oeuvre autobiographique originale dans la mesure où, faisant fi de la chronologie, l'auteur se livre par thème.

Huit thèmes, et un ouvrage qui prend fin au moment où Michel Leiris prétend avoir atteint « l'âge d'homme » ; en fait, celui qui correspond, nous dit-il, à la naissance de sa vocation d'écrivain.

Publié en 1939, à la suite d'une expérience psychanalytique, « L'âge d'homme » en garde quelques scories ; un texte introspectif, parfois un peu jargonneux mais non dépourvu d'humour et d'autodérision écrit dans un style « classique » remarquable ; avec en filigrane ses personnages quasi-obsessionnels de Judith (la putain criminelle) et Lucrèce (la chaste suicidaire). Un texte brillant où Michel Leiris nous expose finalement la difficulté de s'accepter et de vivre avec soi-même.
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Ce livre qui interroge notre maturité — sous réserve que les hommes y parviennent – expose à une lecture grotesque. Après Augustin d'Hippone, Montaigne, Rousseau et quelques autres, Leiris annonce dans sa trop longue préface « De la littérature considérée comme une tauromachie » qu'il va produire une confession sincère, où il s'exposera comme le matador menacé par la corne qui n'a d'autre choix que de mourir ou de donner la mort. L'excès romanesque est doublé d'une obsession adolescente pour le nu académique que le jeune Leiris guette dans le Nouveau Larousse Illustré, dans les musées, puis dans une mauvaise reproduction de Cranach. Ce peintre prolifique représente toujours la même femme : déhanchement, torsion du cou, seins de fillette, demi-sourire ambigu, paupière lourde, oeil bridé et regard de dangereuse victime. Dans l'image qui obsède Leiris, Lucrèce et Judith dénudées portent un symbole phallique, le glaive, instrument du suicide de Lucrèce et de la décollation/castration d'Holopherne pour Judith. Cranach a peint les deux femmes à de multiples reprises ; Leiris s'et enflammé sur la mauvaise reproduction d'originaux perdus ; Gallimard « corrige » dans l'édition de poche par une image de Judith et sa servante richement vêtues. Enfant gâté puis jeune dandy, il rapporte par le menu ses flirts malheureux, ses cuites et ses virées au bordel, suivies de hontes qui l'entrainent au suicide ou à l'émasculation (mais il cherche le cyanure et le rasoir chez des amis qui vont le dissuader). Plus tard, voyageur en Afrique (il deviendra ethnologue), il ne rapporte à son lecteur que la crasse et l'image d'une femme dominante, excisée, doublée d'une esclave.

« Si je pense à l'amour absolu — cette conjonction, non de deux êtres (ou d'un être et du monde), mais bien plutôt de deux grands mots — il me semble qu'il ne saurait s'acquérir que moyennant une expiation, pareille à celle de Prométhée puni d'avoir volé le feu. Châtiment qu'on s'inflige afin d'avoir le droit de s'aimer trop soi-même, telle apparaît donc, en dernière analyse, la signification du suicide. Et si l'on considère maintenant Cléopâtre non plus seulement en tant que femme à la vie déréglée (en tant que femme bafouant ses amants) mais en qualité de créature se supprimant, l'on s'aperçoit qu'elle résume ces deux aspects de l'éternel féminin, ma Lucrèce et ma Judith, avers et revers d'une même médaille » (p 141). L'amour absolu, Prométhée, Cléopâtre, l'éternel féminin, ma Lucrèce, ma Judith : on n'y croit guère, ou, dans la position bienveillante du thérapeute, on s'agace de la verbosité.

Pourtant la panoplie surréaliste-analytique est surpassée par de grandes pages sur le rêve, la lassitude, la satiété, la convoitise, le sacré, qui méritent lecture, relecture et méditation (voir p 174-5), particulièrement le dernier chapitre, « Le Radeau de la Méduse », où Leiris acquiert la maturité de l'âge d'homme : « Je mesure mes actes et mes goûts à leur juste valeur, je ne me livre plus guère à ces burlesques incartades, mais tout se passe exactement comme si les constructions fallacieuses sur lesquelles je vivais avaient été sapées à la base sans que rien m'eût été donné qui puisse les remplacer. Il en résulte que j'agis, certes avec plus de sagacité, mais que le vide dans lequel je me meus en est d'autant plus accusé. Avec une amertume que je ne soupçonnais pas autrefois, j'en viens à m'apercevoir qu'il n'y aurait pour me sauver qu'une certaine ferveur mais que, décidément, ce monde manque d'une chose POUR QUOI JE SERAIS CAPABLE DE MOURIR » (p 200).
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J'étais un peu sur la défensive au moment d'ouvrir cette oeuvre autobiographique. Je crains, en effet, les romans trop psychanalytiques. Mais toutes mes réticences se sont dissipées dès les premières lignes du roman.
D'une part à cause de son originalité dans la structure formelle. Michel Leiris organise son récit selon plusieurs thématiques ce qui change des romans chronologiques. Ces thèmes sont principalement les mythes classiques, notamment ceux – je les découvrais au passage – de Judith et de Lucrèce. Je ne vais pas vous les présenter maintenant, lisez le roman, Michel Leiris prend le temps de nous éclairer sur ces modèles. Il est vrai que l'éducation bourgeoise de ce dernier est extrêmement prégnante, car il bénéficia d'une culture classique très riche, lui offrant ainsi la possibilité de se construire en tant qu'homme et d'élaborer une pensée cohérente et structurante à partir de ces références.
D'autre part à cause de son intégrité dans sa manière d'assumer son point de vue. Michel Leiris parle de lui, essentiellement de lui. Il ne s'appesantit donc pas, ni sur de quelconques descriptions de son environnement, ni sur les portraits de ses proches. Tout se concentre sur les réflexions de l'auteur, ses souvenirs intérieurs, ses rêves, ses phantasmes ou ses angoisses.
Michel Leiris n'hésite pas également à s'exposer en tant qu'écrivain. Les récits de ses souvenirs sont comme enchâssés dans un cadre plus large où l'auteur nous fait part de ses principes, de ses doutes et de ses hésitations. L'exigence formelle de cette oeuvre rend sa lecture passionnante, d'autant plus qu'elle se fait rare dans le tout venant de la littérature contemporaine.
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Michel Leiris aborde ici l'autobiographie sous un genre nouveau. L'auteur ne se borne pas à décrire sa vie de façon linéaire. Il y inclut en quelque sorte une auto-psychanalyse dans laquelle in n'hésite pas à nous révéler son côté sombre en nous avouant pas exemple ses obsessions, qu'elles soient morbides ou sexuelles avec une lucidité assez déconcertante. Utilisant néanmoins le procédé de l'autodérision. L'auteur a voulu tenir le pari de dire absolument «toute la vérité et rien que la vérité» et l'on peut dire que c'est pari gagné.
Ouvrage parfois un peu difficile d'accès puisque l'auteur emploie parfois des termes de psychanalyse afin de décrire certains de ses comportements mais qui au final, est un livre plus vrai que vrai, qui nous rassure parfois et permettre au lecteur d'accepter certaines réalités, qui sont différentes pour chacun d'entre nous mais qui font néanmoins partie de la condition humaine et qui sont des étapes normales de la vie pour permettre à tout être humain de mûrir et d'accéder au stade de «l'âge d'homme. À découvrir !
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L'âge d'homme est un récit autobiographique axé très largement sur le rapport de l'auteur aux femmes, à la sexualité et plus généralement à la difficulté de vivre.

Remarquable est le soucis de franchise et d'authenticité, de marcher sur la corde raide de la confession en ne transigeant pas (cf de la littérature considérée comme une tauromachie) : Michel Leiris n'élude pas l'aveu de ces insuffisances, travers et autres actes manqués. Bien au contraire, il y trouve la justification de sa démarche.

La prose de Leiris est d'une précision peu commune, le style en est sûr et captivant, et le propos est servi par une bonne dose d'autodérision. Un bonheur de lecture anobli d'une érudition discrète.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Une des grandes énigmes de mes premières années, en dehors de l'énigme de la naissance, fut le mécanisme de la descente des jouets de Noël à travers la cheminée. J'échafaudais des raisonnements byzantins à propos des jouets trop grands pour pouvoir logiquement passer dans la cheminée, le Père Noël les ayant lâchés d'en haut. [...]
Lorsque j'appris que les enfants se formaient dans le ventre et que le mystère de Noël me fut révélé, il me sembla que j'accédais à une sorte de majorité [...]. Dès que je sus ce qu'était la grossesse, le problème de l'accouchement se posa pour moi d'une manière analogue à celle dont s'était posé le problème de la venue des jouets dans la cheminée : comment peuvent passer les jouets ? comment peuvent sortir les enfants ?
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[...] j'ai toujours réagi par le même louche mélange de peur et de pitié devant tout ce qui relève du "fait divers", expression triviale de la fatalité. Je suis épouvanté, notamment, par les accidents de la rue, surtout les accidents - ou rixes - qui surviennent l'été (lorsqu'il fait beau et chaud, que les gens sont en sueur, les femmes en robes légères, bras nus ou décolletées) ou encore les jours de fête, lors des vacances, ou le dimanche (quand la foule revient de se promener), bref tout ce qu'on appelle "Noël sanglante", "14 juillet qui finit mal", "baignade tragique" ; les joies qui tournent à l'aigre (comme les trop grands rires d'enfance qui mènent forcément aux larmes, ou les périodes d'optimisme trop marqué dont l'inéluctable conclusion est un plongeon vertigineux dans le cafard), tout ce qui fait figure de "coup de tonnerre dans un ciel serein", d'apparition spectrale à la fin d'un banquet, de malheur surgissant alors que tout semblait si calme, telle la guerre éclatant en pleine prospérité ou la police chargeant une foule paisible, au moment le plus inattendu.
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Agé de cinq ou six ans, je fus victime d’une agression. Je veux dire que je subis
dans la gorge une opération qui consista à m’enlever des végétations ; l’intervention
eut lieu d’une manière très brutale, sans que je fusse anesthésié. Mes parents avaient
d’abord commis la faute de m’emmener chez le chirurgien sans me dire où ils me
conduisaient. Si mes souvenirs sont justes, je m’imaginais que nous allions au cirque ;
j’étais donc très loin de prévoir le tour sinistre que me réservaient le vieux médecin
de la famille, qui assistait le chirurgien, et ce dernier lui-même. Cela se déroula, point
pour point, ainsi qu’un coup monté et j’eus le sentiment qu’on m’avait attiré dans un
abominable guet-apens. Voici comment les choses se passèrent : laissant mes parents
dans le salon d’attente, le vieux médecin m’amena jusqu’au chirurgien, qui se tenait
dans une autre pièce en grande barbe noire et blouse blanche (telle est, du moins,
l’image d’ogre que j’en ai gardée) ; j’aperçus des instruments tranchants et, sans
doute, eus-je l’air effrayé car, me prenant sur ses genoux, le vieux médecin dit pour
me rassurer : « Viens, mon petit coco ! On va jouer à faire la cuisine. » A partir de ce
moment je ne me souviens de rien, sinon de l’attaque soudaine du chirurgien qui
plongea un outil dans ma gorge, de la douleur que je ressentis et du cri de bête qu’on
éventre que je poussai. Ma mère, qui m’entendit d’à côté fut effarée.
Dans le fiacre qui nous ramena je ne dis pas un mot ; le choc avait été si violent
que pendant vingt-quatre heures il fut impossible de m’arracher une parole ; ma mère,
complètement désorientée, se demandait si je n’étais pas devenu muet. Tout ce que
je me rappelle de la période qui suivit immédiatement l’opération, c’est le retour en
fiacre, les vaines tentatives de mes parents pour me faire parler puis, à la maison : ma
mère me tenant dans ses bras devant la cheminée du salon, les sorbets qu’on me
faisait avaler, le sang qu’à diverses reprises je dégurgitai et qui se confondait pour
moi avec la couleur fraise des sorbets.
Ce souvenir est, je crois, le plus pénible de mes souvenirs d’enfance. Non
seulement je ne comprenais pas que l’on m’eût fait si mal, mais j’avais la notion d’une
duperie, d’un piège, d’une perfidie atroce de la part des adultes, qui ne m’avaient
amadoué que pour se livrer sur ma personne à la plus sauvage agression. Toute ma
représentation de la vie en est restée marquée : le monde, plein de chausse-trapes,
n’est qu’une vaste prison ou salle de chirurgie ; je ne suis sur terre que pour devenir
chair à médecins, chair à canons, chair à cercueil ; comme la promesse fallacieuse de
m’emmener au cirque ou de jouer à faire la cuisine, tout ce qui peut m’arriver
d’agréable en attendant n’est qu’un leurre, une façon de me dorer la pilule pour me
conduire plus sûrement à l’abattoir où, tôt ou tard, je dois être mené.
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D'abord, la lassitude, la satiété pure et simple, le besoin de changement. L'amour – seule possibilité de coïncidence entre le sujet et l'objet, seul moyen d'accéder au sacré que représente l'objet convoité dans la mesure où il nous est un monde extérieur et étrange – implique sa propre négation du fait que tenir le sacré c'est en même temps le profaner et finalement le détruire en le dépouillant peu à peu de son caractère d'étrangeté. Un amour durable, c'est un sacré qui met longtemps à s'épuiser. Dans l'érotisme brut, tout est plus direct et plus clair : pour que le désir reste éveillé, il n'a qu'à changer d'objet. Le malheur commence à partir du moment où l'homme ne veut plus changer d'objet, où il veut le sacré chez soi, à portée de sa main, en permanence ; où il ne lui suffit plus d'adorer un sacré mais où il veut – devenu dieu lui–même – être pour l'autre, à son tour, un sacré, que l'autre adore en permanence. Car, entre ces deux êtres sacrés l'un pour l'autre et s'adorant réciproquement, il n'y a plus la possibilité de nul mouvement, sinon dans un sens de profanation, de déchéance. La seule chance pratique de salut est l'amour voué à une créature assez personnelle pour que, malgré l'incessant rapprochement, l'on n'atteigne jamais la limite de la connaissance que l'on peut en fait avoir d'elle, ou douée d'une suffisante coquetterie instinctive pour que, si profondément qu'elle vous aime, il semble qu'à chaque instant elle soit prête à s'échapper.
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Mettre à nu certaines obsessions d'ordre sentimental ou sexuel, confesser publiquement certaines des déficiences ou des lâchetés qui lui font le plus honte, tel fut pour l'auteur le moyen – grossier sans doute, mais qu'il livre à d'autres en espérant le voir amender – d'introduire ne fût-ce que l'ombre d'une corne de taureau dans une œuvre littéraire.
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Vidéo de Michel Leiris
Le livre est disponibles sur editions-harmattan.fr : https://www.editions-harmattan.fr/livre-le_merveilleux_chez_michel_leiris_didier_saillier-9782140288579-74085.html ___________________________________________________________________________
Michel Leiris, écrivain et ethnologue, auteur de L'Âge d'homme et de l'autobiographie en quatre volumes, La Règle du jeu, appartenait à la génération fortement marquée par la Première Guerre mondiale et ses conséquences. Dès les années 1920, il s'engagea dans une démarche critique qui mettait en cause les fondements philosophiques du monde occidental. Il contestait la rationalité considérée comme le principe fondamental d'organisation de la société moderne et explorait les forces motrices irrationnelles et les courants sous-jacents. En recourant à la notion de « merveilleux », qui dans ses écrits littéraires et ethnographiques devient un outil d'analyse, Leiris explore « l'au-delà ».
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Bonnes lectures !
Crédit : école EMC, la prise de son, d'image et montage vidéo
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