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Critique de Kirzy


« Et ta soeur, elle en est où, elle fait quoi ? »

Cette phrase scande douloureusement le roman. La soeur de la narratrice a disparu, ou plutôt elle a fui sans donner de nouvelles dans une ZAD en plein coeur d'une forêt menacée. Par le pronom « tu », la narratrice s'adresse à l'absente, essayant de comprendre pourquoi elle est ainsi partie loin de sa famille. Elle recrée ainsi un lien avec sa soeur en lui créant un présent projeté.

« Etre la même chaque jour : tu ne pouvais pas. Être celle qu'on attendait que tu sois : tu ne voulais pas. Te satisfaire de cette vie-là : impossible ! » Plus rien ne te guidait hormis tes voix, trop nombreuses pour être d'accord, trop imprévisibles pour être domptées. Alors tu suivais celle qui parlait le plus fort, à tort ou à raison. Ton corps devenait une maison ambulante, des pilotis à la place des pieds. Tu n'as pas chuté, tu ne t'es pas brisé. Tu as simplement bifurqué sur le chemin d'à côté. »

Le « tu » alterne au « je » de l'absente dont on suit le ressenti et la recherche de symbiose avec les arbres et la faune de cette forêt à défendre. Ce « tu » finit presque par se superposer au « je », comme un miroir sororal, au point de créer un trouble très singulier, donnant presque l'impression que le « je » et le « tu » ne sont qu'une même personne et non deux soeurs distinctes. Cette ambiguité déconcertante sert vraiment le roman et m'a happée.

En fait, de ces deux voix, c'est celle du « tu » que je retiens. Les passages sur la soeur absente sont empreints de sensibilité nature writing mais assez convenus ( avec des échos aux romans de la québécoise Gabrièle Filtau-Chiba, Encabanée et Sauvagines ). Clairement, c'est la voix de la soeur présente qui m'a le plus intéressée. Elle qui doit faire face à la douleur de l'absence, réceptacle des angoisses des parents alors qu'elle-même semble bien fragile.

Tout le roman traite avec beaucoup de sensibilité la question de la place de chacun dans le monde. La quête de soi est permanente et interroge. Comment vivre avec nos failles ? Comment vivre avec les autres ? Quels autres choisir ? Comment trouver l'endroit où vivre avec les autres a un sens pour nous ? Quelle empreinte laissons-nous sur le monde ? J'ai été touchée par la pudeur, la mélancolie et la sensibilité qui accompagnent l'errance introspective de ces jeunes femmes qui cherchent à conjurer la solitude.

Avec ce roman, je découvre les éditions du Panseur et sa chouette charte graphique intégrant le texte à une couverture toute veloutée.

Lu dans le cadre des 68 Premières fois 2022 #6


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