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Critique de Alfaric


"Yoko Tsuno" est une saga culte, volontairement SFFF (l'auteur amateur de Jules Verne et Edgar Allan Poe ayant toujours porté les deux casquettes science-fiction et fantastique), résolument Women's Lib et fondamentalement libéro-humaniste… Je vais donc être volontairement, résolument et fondamentalement bavard donc attachez vos ceintures et attention au décollage car mon TARDIS va s'envoler vers une époque où le monde entier croyait que demain serait meilleur qu'aujourd'hui !

Dans ma tête et dans mon coeur "Yoko Tsuno" appartient définitivement aux années 1970, tout en lorgnant sur les récits d'aventures des années 1960 qu'ils soient SF, fantastiques ou d'espionnage (et comme la série voyage souvent à travers le temps et l'espace elle vieillit peu et bien en fait), or j'ai une affection toute particulière pour les années 1970 en général et pour les BD des années 1970 en particulier, moins parce que je suis un enfant des années 1970 que parce que je partage à 100% les valeurs qu'elles ont valeureusement portées. Entre la révolution culturelle des années 1960 et la contre-révolution financière des années 1980, le monde a connu un Big Bang démocratique et populaire qui a touché tous les genres et tous les médias (évolution constamment vilipendée par les commissaires culturels qui regrettent le bon vieux temps de l'élitisme par et pour les élites) : New Wave SF, fantasy alternative, westerns pros-indiens, films antisystèmes déroulant le ruban de Moebius de l'utopie et le dystopie… Pendant plusieurs années l'humanité a cru de toutes ses forces à un avenir meilleur, de plus en plus (les années Flower Power) puis de moins en moins (les années No Future), et les héritiers du Doctor Who de la BBC, des mutants de Chris Claremont ou des cyborgs de Shotaro Ishinomori ont ainsi lutté à travers le temps et l'espace contre les forces obscures de la crevardise pour la liberté, l'égalité et la fraternité… Et force est de constater que la BD européenne n'a pas été en reste, mieux elle a été et est encore louée de nos jours par les connaisseurs anglo-saxons, avec "Les Pionniers de l'Espérance" chez Vaillant, "Valerian & Laureline" chez Pilote, "Yoko Tsuno" chez le Journal de Spirou… Depuis le grimdark des homines crevarices adorateurs du Veau d'Or a infecté et gangréné la culture populaire mondiale, et avec la fin de l'espérance euthanasiée et enterrée par le TINA je crois bien que quelque chose est mort qu'on ne retrouvera peut-être plus jamais… C'est donc avec bonheur mais aussi avec douleur que je me replonge dans les aventures de la femme de tête, d'action et de coeur qui elle aussi a porté haut les couleurs de l'humanisme à travers le temps et l'espace !!!

Le destin est farceur, triplement même ^^ :
- le mahatma Roger Leloup a été un élève modèle de l'école de Bruxelles, représentée par le Journal de Tintin, mais il a connu la célébrité dans les pages du Journal de Spirou, représentant de l'école de Charleroi… Bon sang ne saurait mentir et rapidement l'influence Franquin cède le pas à l'influence Hergé, le style Ligne Claire s'imposant face au style Marcinelle… Toutefois il finit par trouver sa voie et c'est son propre style qui finit par développer. Comme ses mentors l'auteur est clairement atteint de maniaquerie, mais ses passions transparaissent dans tout ce qu'il fait : décors et paysages sont impressionnants de détail et de réalisme, et je n'ose imaginer l'oufissime travail de documentation que tout cela a dû nécessiter, surtout en sachant que l'auteur belge a toujours été un maquettiste de talent…
- le premier épisode de la série a eu une genèse mouvementée, et pour le meilleur a vite été vampé / vampirisé par sa guest star asiatique, geekette fan de pilotage et d'arts martiaux… la série qui devait s'appeler "Le Trio de l'étrange" devient la série "Yoko Tsuno" et l'électronicienne japonaise vole immédiatement la vedette à Vic Vidéo et Pol Pitron (argh ce naming à la Franquin ^^) vite réduits aux rôles de sympathiques side-kicks même si Pol existe davantage en tant que comic-relief que Vic en tant que sous Lancelot de Yoko qu'on finit presque par oublier tellement il est transparent… Je suis triste pour lui et je compatis…
Car oui, il ne faut pas oublier que la BD franco-belge a brillé et brille encore par son sexisme, à tel point que certaines séries ont franchi le plafond de verre du machisme pour flirter avec l'homoérotisme (oui, en tous temps et en tous lieux l'homosexualité a été l'aboutissement ultime du sexisme… C'est dommage de motiver un choix de vie parfaitement honorable par le rejet de l'autre…). Dans les années 1960 plusieurs héroïnes de BD ont été censurées voire interdites, bien souvent pour outrage au patriarcat par remise en cause de l'autorité du chef de famille, mais au grand dam des zemmouriens et autres gros cons conservateurs la révolution culturelle de la fin des années 1960 est bien passée par là (ils la maudissent, mais les êtres humains la bénissent). Comme Emma Peel l'héroïne de série télé "Chapeau Melon et Bottes de Cuir", qui a connu la célébrité la décennie précédente, Yoko Tsuno a fasciné et fascine toujours un public très large tant masculin que féminin, tant jeune que mature (et selon certains témoignages tant hétérosexuel qu'homosexuel ^^). Générer tant de passions, c'est le propre des séries cultes !
- dès les premières pages du tome 1 Vic et Pol se plaignent qu'il n'y a personne pour soutenir leurs projets science-fictionnels… et IRL beaucoup d'auteurs ont essayé de transposer les aventures de Yoko Tsuno à l'écran, et qu'est-ce qu'on leur a répondu ?
« Une gniak / jaune / macaque / chinetoque / face ce citron (sic), vous n'y pensez pas : le public n'est pas prêt ! »
« La Science-Fiction ? L'Europe n'est pas faite pour ce genre de trucs débiles et vulgaires. »
« Une femme d'action ? Mais cela ne marchera jamais… »
Hey, messieurs les vieux schnocks issus de père en fils des beaux quartiers cela a déjà marché, et il y a bientôt près de 50 ans ! Alors arrêtez de prendre votre cas pour une généralité, sortez de vos détestables préjugés et bougez-vous le cul car il n'est jamais trop tard pour changer et encore moins pour bien faire… Et puis ce n'est pas comme si on n'avait pas sous la main plusieurs actrices de talent parfaites pour le rôle :
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La saga "Yoko Tsuno", portée par de magnifiques illustrations de couverture imprégnées de « sens of wonder » (malgré la fausse note des tomes 16 & 17 ^^), c'est un peu comme un morceau de bossa nova joué sur la plage de Copacabana : un moment de bonheur qui permet de tutoyer l'éternité… Mais avec l'immense respect qu'on leur doit, Roger Leloup et ses créations on déjà atteint un âge vénérable et il va peut-être bientôt temps de passer la main… Les possibilités offertes à leurs successeurs sont immenses, pour ne pas dire vertigineuses… Là je viens d'imaginer Roger Leloup animé par Hayao Miyazaki : OMG que c'est beau ! Et un cross over entre Yoko Tsuno et Nausicaä, ou entre Yoko Tsuno et le Doctor Who ? OMG je suis mort et au paradis des geeks !!! ^^


Dans ce tome 1 de la série déjà très abouti tant scénaristiquement que graphiquement, et justement intitulé "Le Trio de l'étrange", après une longue nuit de travail les ingénieurs de la télévision belge Vic Vidéo et Pol Pitron font la connaissance de la désormais légendaire électronicienne japonaise Yoko Tsuno et sa tenue rouge et noir avant de l'engager pour tourner une série d'émission sur la spéléologie… L'Aventure commença à ce moment là et depuis lors jamais ne cessa !!!
Rien ne se passe comme prévu et le trio de l'étrange embarqué dans un siphon souterrain fait fortuitement la découverte d'une civilisation venue d'au-delà des étoiles se réfugier sur Terre sous terre et qui a survécu grâce à sa maîtrise des technologies magnétiques. C'est la belle Khâny et la petit Poky qui leur vont visiter cet inframonde, mais rapidement le trio de l'étranger et leurs amies s'attirent l'ire du vindicatif Kharpan et d'un ennemi tout aussi invisible que mystérieux… Nous sommes dans le récit d'aventure vintage donc on a l'impression que les personnages sont constamment en train de courir : les rebondissements sont légion, le rythme est trépidant, et on est presque content quand l'action se calme un peu pour donner des explications ou pour faire déambuler des personnages liliputiens dans des paysages et des décors cyclopéens (Roger Leloup est l'un des meilleurs dessinateurs du monde pour les décors SF, et ce n'est sans doute pas un hasard si tous les meilleurs en ce domaines ont oeuvré dans les années 1970 avant l'irruption des technologies numériques et du DAO)
Pour le meilleur comme pour le pire c'est ici la méthode Franquin qui est usitée, mais l'auteur ne saurait déroger à ses premières amours et les héritages de Jules Verne et d'H.G. Wells, mais aussi d'Edgar Rice Burroughs, se nourrissent ici des esthétiques de "Planète interdite" et "2001 l'odyssée de l'espace". C'est d'ailleurs de ces deux films qu'est tiré l'entité tyrannique qui se cache au coeur de la civilisation vinéenne, mais et ce n'est pas vraiment optimisé (toutefois c'est une impression a posteriori, sans doute car dans le genre on fit bien mieux par la suite : le MCP de "Tron", le Skynet de "Terminator", ou la Matrice qui s'inspire de l'un et de l'autre dans la trilogie des Wachowskis)...
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