Vous vous êtes surement déjà dit, en pensant à un vieux couple de votre connaissance, qu'ils étaient devenus inséparables au point que leur personnalité respective ne puisse avoir de définition sans la complémentarité de l'autre. Comme chez Brel, « celui des deux qui reste se retrouve en enfer ». Et d'autres aussi, passant leur vie à déplorer que l'autre l'ait gâchée mais incapable d'imaginer une journée sans lui. On a pu dire longtemps que les mariages arrangés, les univers étriquées où les unions n'étaient pas laissées à la liberté des conjoints avaient pu produire ce genre d'identité presque contre nature. Aujourd'hui, alors que le mariage ne repose plus que sur l'amour et que les divorces sont légion, cet argument ne tient plus. Pourtant, le couple reste, dans certaines de ces incarnations, comme une troisième identité qui surpasse les deux autres qui la constituent au point même de les oblitérer au moins partiellement. Et c'était sur ce fonctionnement qui m'interrogeait que je voulais réfléchir.
Ce Couple : sa vie, sa mort m'a paru d'un abord tout à fait accessible. Les nombreux cas cliniques qui émaillent le propos ainsi que sa progression raisonnée le rendent facile à comprendre. J'ai apprécié aussi que l'analyse repose sur une somme de concepts psychanalytiques très restreint : Surmoi, ça, moi, Idéal du moi et c'est à peu près tout (j'exagère). En plus de
Freud,
Mélanie Klein et
Winnicott sont quasiment les seuls auteurs convoqués. Ainsi, on peut se concentrer sur les mécanismes interprétés, comprendre avec une économie de moyens tout à fait appréciable la simplicité des pulsions mises en jeu tant lorsque le couple se créée que lors de ses moments de crise.
J'ai également été sensible aux apports (encore trop restreints mais parfaitement revendiqués) de la sociologie, de la philosophie politique pour compléter le regard du psychanalyste. La polysémie des lectures ainsi proposées reflète de manière plus vraisemblable la complexité du réel étudié.
Enfin, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire souvent sous la plume de
Jean-G. Lemaire que tel ou tel comportement, telle réaction n'avait absolument rien de pathologique et que la grille d'interprétation que proposait ici la psychanalyse n'avait pas tant pour fonction de stigmatiser que de décrire une économie psychique opérante.
Le livre de
Jean-G. Lemaire date de 1979 et la modernité du traitement de cette question du couple fait que cela ne se sent qu'à peine.