"Les grands malheurs de Sophie", sorti un siècle et demi plus tard…
Sophie, sophie, sophie...
Pourquoi ce prénom a-t-il autant de succès ? Mais de quelle Sophie parle-t-on dans le roman de
Pierre Lemaitre «
Robe de marié » dont elle est effectivement l'héroïne ?
Lorsque vous êtes parent, vous pensez immédiatement à « Sophie la Girafe », le jouet fétiche des bébés en forme d'animal plein de tâches. Non, vous n'y êtes pas.
Pierre Lemaitre n'aime pas les animaux, surtout les chats.
Si vous aimez la musique française, il vous vient surement à l'esprit «
La Grande Sophie », une chanteuse française de son vrai nom Sophie Huriaux. Non plus,
Pierre Lemaitre a horreur des chanteuses un peu rock, il préfère les grands compositeurs autrichiens de musique classique, Mozart, Beethoven, …
Si vous êtes fan de télé et notamment de canal+, vous regardez peut-être Sophie et Sophie, les deux filles de l'accueil de la série télévisée dans le grand journal. Non, là c'est impossible car cette série n'existait pas en 2009. de toute manière, Lemaitre déteste regarder la télévision et préfère largement écrire des scénarios de film.
Dernière chance. Si vous adorez les ouvrages du 19ième siècle, vous avez surement ouvert le roman «
Les malheurs de Sophie » datant de 1858 et écrit par la
Comtesse de Ségur. Oui, oui, Lemaitre adore la littérature française et surtout l'enseigner. Cette histoire pour enfants l'a marquée plus jeune et après avoir bu un bon cognac de 2006, il en a fait un remake pour adultes en accentuant fortement les bêtises de Sophie.
En effet, la pauvre Sophie a l'air très mal en point, complètement déprimée et proche de la folie par moments. Ses grands malheurs, parlons-on ! Plus de mari, mort dans un accident. Plus de mère. Plus de belle-mère. Ah, ça, non, ce n'est pas comptabilisé dans les malheurs car elle la détestait au plus haut point. Continuons… Un travail de nurse à mille lieux de ses capacités professionnelles, parties en fumée. Et par-dessus le marché, elle oublie tout, tout le temps. « J'ai la mémoire qui flanche, je ne me souviens plus très bien » aurait pu chanter la pauvre Sophie.
Et puis, comble de malheur, elle découvre un matin une personne étranglée et ligotée dans l'appartement où elle dormait. L'a-t-elle tuée ? Elle ne le sait même pas elle-même. La seule solution qu'elle trouve est la fuite vers l'inconnu pour échapper à la police. Va–t-elle s'en sortir ? Pourra-elle vivre normalement un jour sans avoir à se cacher en permanence ? Lemaitre, se faisant un sang d'encre pour son héroïne, va-t-il-en profiter pour l'expatrier en Autriche à Vienne ou peut-être vers une destination plus francophone Montigny les Cormeilles ? Telle est la réponse à la lecture du roman Hitchcookien du maitre actuel du polar français.
Après avoir lu «
Cadres noirs », très bon roman sur la détresse d'un cadre supérieur à la cinquantaine prêt à tout pour retrouver un emploi, je me suis plongé dans «
Robe de marié », bien conscient de la marié pas très féminine a priori. Lemaitre avait peut-être quatre ans d'avance sur la prochaine loi sur le mariage pour tous ? Non, pas du tout mais je ne vous dirai rien de plus sur ce sujet...
Pour construire son roman, Lemaitre a donc sculpté son histoire en trois chapitres comme dans «
cadres noirs » et ménage ainsi le suspense jusqu'au bout. J'ai préféré la première partie à la seconde car je m'attendais un peu trop à ce genre de scénario (on ne se fait pas avoir deux fois de suite). de plus, la souffrance de Sophie dans cette seconde phase m'a paru abominable, interminable et truffée de détails qui m'ont gêné à la longue. Je préfère dans les romans la violence physique assumée à cette violence infligée à petit feu vous menant tout droit à la folie. Certes, j'ai tout de même apprécié la description minutieuse de la préparation des meurtres. La troisième partie, en revanche, est remarquable et emballante jusqu'au bout.
En résumé, alors que j'ai été enthousiasmé par la seconde partie du roman «
Cadres noirs», j'ai adoré les premiers et troisièmes tiers de «
Robe de marié ». Statistiquement, si je continue sur ma lancée, je devrais être littéralement emballé par le prochain Lemaitre.
Finalement, je trouve que c'est un excellent livre qui aurait donc mérité une seconde partie plus courte et une fin encore plus longue pour faire durer le plaisir. J'ai longuement hésité entre donner quatre ou cinq étoiles, sachant que quatre et demi est à mon point de vue la note idéale. Je vous recommande donc ce roman, surtout pour les fans de thriller psychologique insoutenable.
Alex, prépare-toi, je fonce vers toi !
PS :
Pierre Lemaitre étant un mystère, j'ai dû quelque peu imaginer ses gouts divers et variés. Toute ressemblance avec des faits réels est pure coïncidence, quoi que certains prix littéraires obtenus par Lemaitre ne seraient pas...