AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782200350604
254 pages
Armand Colin (09/01/2013)
4/5   5 notes
Résumé :
L'histoire de Jérusalem à la fin de l'Empire ottoman a longtemps été oubliée et mérite d'être racontée. On y croise un maire arabe polyglotte, un député ottoman franc-maçon, des Juifs levantins, mais aussi des archéologues occidentaux occupés à creuser le sous-sol pour faire ressurgir les lieux saints de la "Jérusalem biblique"...
Vincent Lemire restitue cette période exceptionnelle en s'appuyant sur les recherches les plus récentes et sur de nombreuses sour... >Voir plus
Que lire après Jérusalem 1900. La ville sainte à l'âge des possiblesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans la vie d'un lecteur, il y a des livres qui font date et ce sera le cas de celui-ci, bref essai sur l'histoire de Jérusalem entre 1860 et 1930. L'extrême importance du livre m'a frappé d'emblée, car Vincent Lemire (historien brillant spécialisé dans l'histoire de Jérusalem de l'époque ottomane à nos jours) s'emploie avec des preuves remarquables et irréfutables à démontrer qu'une large partie de ce que nous croyons savoir sur Jérusalem est faux.
Il est faux de voir la vieille ville de Jérusalem autrefois divisée en quatre parties verrouillées, les quartiers étaient bien plus hétérogènes que l'on ne pouvait le penser.
Il est faux de penser qu'avant 1917 la ville est endormie à l'image d'un Empire ottoman que l'on se plait à caricaturer. Au contraire la ville était très dynamique, son gouverneur était un fonctionnaire important et la ville connaissait un développement accéléré.
Il est faux de figer la localisation des lieux saints qui sont incroyablement complexes à localiser et parfois qui sortent de nos schémas de pensée telle cette mosquée dédiée à Jésus.
Il est faux d'imaginer des "communautés" se regardant en chien de fayence en attendant l'inévitable affrontement. Juifs, chrétiens et musulmans cohabitaient plutôt pas mal au sein des instances municipales et géraient plutôt bien la vie quotidienne et son lot de problème comme l'accès à l'eau. Ainsi on apprend que le gardien musulman d'une fontaine, voyant venir à lui des écoliers juifs venus chercher de l'eau à la fontaine pout leur famille, les faisait placer devant la file pour qu'ils ne ratent pas trop l'école.
Bref un livre remarquable, très accessible, très carré dans sa démonstration qui montre à quel point on a été trop façonné par les témoignages des visiteurs souvent prestigieux au XIXème, mais qui souvent ne voyaient que ce qu'ils voulaient voir !
le livre n'hésite pas à étriller certains historiens, parfois israéliens, parfois pas, l'idée étant que l'on pusse enfin prendre la mesure d'une histoire complexe que notre connaissance de la suite rend parfois intelligible.
Un livre absolument exceptionnel qui apportera du grain à moudre pour tous ceux qui ne veulent pas voir dans la situation au Proche-Orient un engrenante inéluctable et définitif. D'autres futurs étaient possibles nous rappelle fort à propos ce livre que je fait plus que recommander !
Commenter  J’apprécie          134
Il est banal d'affirmer que la question de Jérusalem est un des obstacles majeurs aux négociations de paix, que nul n'est prêt à renoncer à la ville sainte pour capitale, et que le partage de la ville, retour à la situation d'avant 1967 serait impossible .

Pourtant, l'auteur l'affirme, Jérusalem n'a pas toujours été le champ de bataille où s'affrontent Juifs et Palestiniens. Une autre histoire, oubliée, s'est déroulée à l'orée du XXème siècle:"Jérusalem 1900 - la ville sainte à l'âge des possibles". Au tournant du siècle, une municipalité réunissait musulmans, chrétiens et juifs sous l'empire ottoman la cité, pour gérer les adductions d'eau, la voirie, la santé publique, pour moderniser l'urbanisme d'une ville en expansion qui voyait sa population quitter les murailles de Soliman et s'étendre dans les quartiers de la ville nouvelle. La population, toutes confessions confondues, se massait à l'inauguration de la gare, ou d'une fontaine publique, ou de la Tour de l'Horloge. Il y eut même une révolution en 1908 avec le rétablissement de la constitution ottomane, "on s'appelle frère, on s'embrasse, on jure fidélité à la devise jeune-turque "Liberté, égalité, justice, fraternité".

jérusalemJérusalem n'était donc nullement "une province reculée sans loi ni administration. La vie s'y déroulait, dans le carcan de la tradition et au rythme du chameau" comme l'a écrit Tom Segev, distingué historien israélien.

Pourquoi cette histoire a-t-elle été occultée? C'est le propos de l'ouvrage de Vincent Lemire qui administre une magistrale leçon d'histoire.

Il commence par commenter les cartes de Jérusalem communément présentées avec une ville divisée en quatre quartiers correspondant chacun à une communauté: Musulmans, Chrétiens, Arméniens et Juifs. Dans le premier chapitre "Le dessous des cartes" il démontre que ces cartes ne correspondent aucunement au peuplement réel de la ville. Elles seraient plutôt des "cartes touristiques" destinées au pèlerins cherchant les lieux saints dans la vieille ville. Les autochtones utilisaient une toponymie tout à fait différente de celle que présente ces cartes aux 4 quartiers. L'analyse des recensements montre au contraire une grande mixité dans chacun de ces quartiers. Il compare cette utilisation des cartes à celle des plans que les offices de tourisme distribuent aux touristes Chinois ou Japonais à Paris. le manque de sérieux correspond-il à un présupposé idéologique privilégiant la séparation des communautés?

Le 2ème chapitre montre comment s'est construite la ville-musée à destination des pèlerins au cours du19ème siècle. Étrange invention d'une tombe du jardin - Saint Sépulcre-bis par les Protestants, privés de garde dans le vrai. Archéologie approximative : dans les fouilles du prétoire ou de la via Dolorosa, des monnaies du 2ème siècle après JC trouvées sous les dalles ne troublant pas la foi des croyants.

Ce chapitre reprend les écrits des écrivains-voyageurs. Il s'ouvre sur une citation de Pierre Loti qui "tourne le dos à la ville moderne" qu'il a découverte du chemin de fer. le réflexe folklorisant chez les pèlerins, les touristes et les écrivains n'a rien d'étonnant. Ils viennent chercher les Lieux saints qu'ils connaissent ou croient connaître. Déjà Chateaubriand en 1811 a ce regard empreint de préjugés, vision morbide quand il décrit ce boucher arabe :" à l'air hagard et féroce de cet homme, à ses bras ensanglantés, vous croiriez qu'il vient plutôt de tuer son semblable que d'immoler un agneau", cette scène renvoie à l'idée d'une cité-déicide.

Reconstruire l'histoire de Jérusalem à la lecture des écrivains romantiques est certes plus facile que de consulter les archives écrites en ottoman - graphie et même langue qui a disparu depuis Kémal Atatürk. La perception de l'histoire de Jérusalem doit beaucoup à ces préjugés. L'historien qui s'attache aux sources fiables fait des découvertes très différentes. Même quand il s'agit des lieux saints d'hybridation entre les différentes confessions est courante. L'enchevêtrement entre les traditions religieuses culmine quand il s'agit de la Tombe de David au sommet du Mont Sion, où les Franciscains sont expulsés en 1624 ; leur église est remplacée pour une mosquée entretenant le souvenir de Nebi Daoud, le "prophète juif". Étrange homophonie entre le nom du Roi Salomon et de Suleyman l'ottoman qui conquit la ville!

Il est aussi important de situer l'histoire de la ville dans le contexte de l'empire ottoman, qui n'était peut être pas aussi décadent qu'on a bien voulu l'affirmer "l'homme malade" . La Palestine était loin d'être "une terre sans peuple" et sans administration. "Orientalisme occidental, sionisme et nationalisme arabe se sont paradoxalement donné la main pour enterrer l'histoire de la Palestine et de la Jérusalem ottomane sous une "légende noire" qu'il est aujourd'hui urgent de revisiter.

L'auteur livre une galerie de portraits d'administrateurs compétents, polyglottes, modernes qui contraste avec les préjugés. Il détaille l'action municipale. Quoi de plus symbolique que cette horloge de 25m construite hors les murs en face de la Mairie neuve qui devait donner l'heure universelle alors qu'autrefois le muezzin, les cloches ou le chofar réglaient les prières des fidèles des confessions diverses!

Un livre passionnant, peut être un pas vers une histoire partagée, et une autre vision politique?


Lien : http://miriampanigel.blog.le..
Commenter  J’apprécie          41


critiques presse (2)
LaViedesIdees
01 juillet 2013
Entre 1860 et 1930, la ville sainte n’est pas une belle assoupie, mais une métropole active, riche d’une opinion publique structurée, tenaillée par une soif de modernité, et qui vit à l’heure de l’empire ottoman.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Liberation
21 janvier 2013
A quelques jours des élections législatives en Israël, ce livre devrait être mis entre les mains de tous ceux (et celles) qui s’intéressent au conflit israélo-palestinien [...] parce qu’il apporte un éclairage historique nouveau sur ce qui constitue le cœur palpitant du conflit : Jérusalem.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Les jeunes historiens palestiniens, israéliens, européens et américains se croisent dans les colloques, échangent plus moins cordialement leurs points de vue, partagent leurs découvertes et leurs archives, mais ces avancées peinent à atteindre le grand public, laissé dans l'ignorance, par crainte peut-être de déclencher polémiques et incompréhensions. Le rôle de l'histoire, pourtant, est bien de tenter d'éclairer le début public. C'est l'ambition de ce livre, qui voudrait être le point de départ d'une véritable histoire partagée de Jérusalem.
Commenter  J’apprécie          50
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce livre ,n'est pas un cri dans le désert, un point de vue isolé. Depuis une vingtaine d'années, à la suite des espoirs suscités par feu le "processus de paix", de nombreux historiens ont pris conscience de l'enjeu fondamental d'une nouvelle histoire de Jérusalem dans les années 1870-1930.
Commenter  J’apprécie          20
On ne construit pas l'avenir d'une nation ou d'une métropole sur l'oubli ou le déni : les habitants actuels de Jérusalem doivent pouvoir partager un morceau d'histoire commune pour au moins envisager un avenir partagé.
Commenter  J’apprécie          20

Lire un extrait
Videos de Vincent Lemire (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Vincent Lemire
Vidéo de Vincent Lemire
autres livres classés : histoireVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (20) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3175 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}