Parole d'ascenseur : "Nous sommes 445 milliards de machines et 7 milliards d'humains à nous partager cette planète. Les ressources communes ne sont pas infinies et doivent être gérées avec soin." Dans cette société où les machines sont ultra-présentes, et les êtres humains effacés, enfermés chez eux (télétravail), et les contacts corporels et charnels auto-bannis au nom de la prévention sanitaire, il n'y a plus d'enfants à naître. La grossesse de la femme est d'ailleurs jugée dégradante pour le corps humain... L'être humain devient donc une ressource finie, qui ne peut pas tout à fait prétendre à l'autodétermination.... en tout cas dans un cadre limité. Notre héros, Roïn Venkoo, travailleur émérite, un des derniers à sortir de chez lui, demande la permission de mourir. Il n'a plus de motivation dans ce monde de machine, son travail ne le passionne pas, et sa femme, être extravagant inutile à la société (et qui le paiera) le lasse. Mais dans un monde animé par des robots-fonctionnaires, la permission de se suicider passe en examen... dans 6 mois. Trop long pour un dépressif... Dans un coup de tête, il saute dans le vide (300 m de chute) et passe ainsi outre la permission. Grave erreur... constatera-t-il au réveil. Son corps est reconstitué, son cerveau réinitialisé : " Lorsque vous êtes entré dans nos services, votre cerveau était inactif depuis quelques minutes, mais votre sauvegarde psy avait bien fonctionné. Nos neurochirurgiens ont prélevé votre encéphale, ont retiré la capsule bio avec laquelle ils ont programmé une endive qu'ils ont réimplantée dans votre crâne."
Hors-la-loi par son acte, Roïn est condamné à une lourde peine : vivre. Dans ce monde où les maladies sont vaincues, la vieillesse des cellules aussi, c'est une condamnation à perpétuité.... ad vitam eternam.
Antoine Lencou nous entraîne sur cette nouvelle de 122 pages sur un terrain intéressant : notre place dans la société, notre utilité au regard du monde extérieur, notre réelle capacité d'autodétermination. Si notre liberté s'arrête là où celle des autres commence, que dire des lois implicites qui régissent les sociétés ? Quand un mode de vie est imposée à tous sans concertation de chacun, peut-on parler de dictature par le nombre ou de soumission inconsciente de troupeaux dociles ? Si le propre du politique est de décréter le bonheur des foules à leurs dépends, l'état d'abrutissement qu'un monde aux apparences oisives nous impose sera-t-il suffisant à tirer l'humanité vers le haut et la faire progresser ? plus généralement : qu'est-ce que le bonheur, quelle est l'unité de mesure pour l'appréhender ? Quand on a tout, qu'est-ce qui manque encore ? Sujet de philo pour le bac, ou de thèse pour les psys : pourquoi prétendre à ce que l'on n'a pas ? Et pour les sociologues: l'art est-il inutile ?
Autour de cette nouvelle, et des questions ainsi posées, on peut parler du livre en lui-même. Agréable à lire et bonne prise en main, format poche, avec un petit plus : le marque-page aux couleurs du livre. Pas de faute de typo, c'est agréable, pas de faute d'orthographe suite à de mauvaises relectures, agréable aussi (merci si j'en crois les "crédits" à
Magali Duez, Réjane Durand, Menolly, Lucile Orliac).
L'éditeur : Griffe d'Encre édition, se définit ainsi : une ligne éditoriale entre réel et imaginaire (bref de l'anticipation), un site web une boutique et un forum : http://www.griffedencre.fr/. le catalogue laisse apparaître de belles promesses de lecture. Personnellement, j'ai eu ce livre entre les mains grâce à Babelio et masse Critique spécial SFFF, et tomber sur un éditeur qui n'édite que ce genre de livres me ravit au plus haut point, étant donné que c'est mon style préféré.gageons que de belles perles s'y cachent... Merci donc à Babelio, et aux éditeurs qui sont plus grands que le "petit" par lequel ils s'auto-désignent...
L'auteur
Antoine Lencou m'était inconnu. Il a commis d'autres romans et nouvelles, et je vais de ce pas ajouter à Babélio une biographie de l'auteur telle qu'elle est décrite dans le site Internet de Griffe d'Encre. le lien : http://www.babelio.com/auteur/
Lencou-Antoine/110784
Pour clore le tout : une lecture très agréable, une histoire intéressante et pas très banale, une mise en situation intéressante qui laisse apparaître une suite... pourquoi pas ?
Lien :
http://www.avoriaz-vacances...