Premier essai de lecture d'un Frédéric Lenoir…concluant ! Je redoutais un ouvrage plein de bons sentiments, un peu tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil…C'est que je ne m'étais pas renseigné sur le parcours de vie du bonhomme. Certes, ses interventions télévisées assez récurrentes me plaisaient pour leur clarté et l'empathie dégagée…mais j'étais circonspect.
Heureuse surprise, ce livre concilie à mon sens plusieurs grandes qualités : structuration, concision, et sous une apparente simplicité d'argumentation, s'appuie sur des bases philosophiques solides et tout à fait respectables comme Nietzsche, Spinoza, Bergson, Montaigne, Tchouang-Tseu…mais aussi, et c'est une de ses forces, par un éclairage, une illustration par l'exemple, notamment sur les expériences de vie de l'auteur.
Frédéric Lenoir distingue au préalable le plaisir (« éphémère et dépendant de causes qui nous sont extérieures »), le bonheur (l'individu est en quête de durabilité, de sagesse au sens des stoïciens, c'est une forme d'auto-limitation pour éviter la souffrance) et la joie, « source d'un immense contentement dans la vie ».
Cette notion de joie, nietzschéenne et surtout spinoziste, qui a aussi les faveurs d'un Michel Onfray, est « une expérience à la fois mentale et physique intense, en réaction à un événement, et de durée limitée ». La joie nous tombe dessus, répondant généralement à un stimulus extérieur. C'est une sorte de plaisir décuplé, plus intense, plus global, plus profond. La joie touche l'être dans son ensemble, elle rayonne et irradie, elle a même le pouvoir de se propager, de gagner l'entourage du joyeux, elle est empathique.
L'auteur distingue avec Spinoza les joies actives des joies passives, aux effets plus nuancés lorsque par exemple nous idéalisons sans bien la connaître une personne dont nous venons de tomber amoureux. Il faut donc aller vers la connaissance, de soi, de l'autre, qui procure des joies actives. Pour nous y aider, décuplons notre attention, notre présence aux autres, à la nature (ouvrons nos sens lorsque nous nous baladons en forêt et ne pensons plus à rien d'autre qu'à cette immersion !). On y ajoutera la méditation, la confiance, l'ouverture du coeur, la bienveillance, la gratuité, la gratitude, la persévérance dans l'effort, le lâcher-prise, la jouissance du corps.
La joie, c'est finalement une puissance d'exister, de vivre pleinement en prenant tout de la vie, même de ses drames que nous connaîtrons et qui nous ferons grandir dans cet apprentissage du devenir soi. Découvrir, se découvrir, notamment en apprenant à dire non lorsqu'on n'est pas en phase avec ses valeurs intérieures profondes, se déconnecter et reconnecter ainsi avec le monde (avec les humains, mais aussi avec les animaux)…
Au final, un livre lumineux sans les niaiseries archi-formatées des bouquins bien-être qui envahissent le commerce et n'ont sans doute jamais vraiment aidé personne. Rejoignant sans le citer, et probablement sans le vouloir, tant la comparaison peut sembler étonnante (mais je l'assume) des références chères à Michel Onfray, jusqu'à même reprendre la formule titre d'un de ses livres-clés « la puissance d'exister «, il s'en distingue à mon sens sur au moins deux points.
Frédéric Lenoir a l'immense mérite de ne pas encombrer sa réflexion de scories politiques. Et quand Onfray assène à l'emporte-pièce des vérités qui parfois ne sont que les siennes, critiquant et cassant les mythes, Lenoir ne juge pas, c'est un authentique gentil.
En revanche, et il ne s'en est jamais caché, Lenoir a une foi religieuse, et j'ai été un peu plus dubitatif sur l'arrivée de Jésus dans cette réflexion, à l'issue du déroulé des philosophes de référence. L'agnostique, voire l'athée en moi se retrouve davantage sur ce point avec Onfray.
Une belle découverte cependant, que je compte approfondir avec sa lettre ouverte aux animaux.
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Frédéric Lenoir est un grand sage, un philosophe comme il en existe peu.
L'amour est sa seule partition et il signe cette fois un extraordinaire hymne à la bienveillance ainsi qu'une généreuse divagation philosophique qui célèbre un état d'esprit : la joie.
Il trouve à en redire sur l'art de la joie sans se répéter mais surtout en apportant un éclairage différent sur notre perception de cet état d'esprit, ou de ce mode de vie qui habite les grands penseurs qui ont compris qu'on ne doit pas se compliquer la vie si on veut atteindre le nirvana de la joie.
Il nous fait prendre conscience que la joie n'est pas un état permanent mais qui on peut essayer de la trouver n'importe où et n'importe quand. On peut la provoquer, l'intérioriser comme un puits de lumière et aller y puiser en nous-mêmes dans les jours et les moments sombres.
Ce livre fait du bien ! Même s'il n'y a rien qu'on ne le sache déjà, c'est dit avec beaucoup de simplicité et de justesse. De Spinoza en passant par Nietzsche, Descartes, les Evangiles ou Kant, c'est une jolie balade dans la recherche de l'allégresse !
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Dans "La puissance de la joie", sur les pas de Tchouang-tseu également, l’écrivain-philosophe s’en est allé quérir une sagesse qui transcende toutes les peines de l’existence.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Ma première grande émotion d'amour, je l'ai connue enfant, non pas avec une petite camarade de classe, mais en me promenant dans la forêt: c'était une joie contemplative. Je devais avoir huit ou neuf ans. Ma tante, Antoinette, qui était ethnologue au Cameroun, m'avait rapporté un arc et des flèches. Mon père m'avait proposé d'aller chasser le faisan dans la forêt voisine du lieu où nous habitions. C'était un dimanche matin, de bonne heure. Je me souviens d'une très douce lumière qui filtrait à travers les branchages des arbres. J'avançais lentement avec mon arc, tandis que mon père me suivait, quelques mètres derrière moi. Soudain, un énorme faisan, aux couleurs somptueuses, s'est envolé juste devant moi. Je suis resté figé de stupeur. Mon père m'a hurlé: "Tire, tire!". J'ai regardé l'animal déployer ses ailes et s'élever vers le soleil. Puis un deuxième faisan, et bientôt un troisième et un quatrième se sont envolés à leur tour, devant mes yeux ébahis. J'ai alors laissé tomber au sol mon arc et mes flèches pour contempler ce spectacle, bouleversé. Mon coeur était rempli de joie. Mon père a compris et a posé sa main sur mon épaule, lui aussi ému par la beauté de la nature. J'ai su à cet instant que je ne serais jamais chasseur.
Le problème du plaisir, et les philosophes en discutent depuis l’Antiquité, c’est qu’il ne dure pas. (...) Le deuxième problème, que nous avons tous expérimenté, est que certains plaisirs nous font du bien dans l’immédiat, mais du mal à plus long terme. (...) Ces deux écueils posent une question sur laquelle les sages d’Orient et d’Occident se sont penchés : existe-t-il une satisfaction durable qui aille au-delà du caractère éphémère et ambivalent du plaisir ? Une satisfaction qui ne soit pas limitée dans la durée, qui ne dépende pas de circonstances extérieures, et qui ne devienne pas, in fine, un mauvais compagnonnage ? En quelque sorte, un plaisir plus global et plus durable. Pour définir cet état, un concept a été inventé : celui de bonheur.
Ouvrir son coeur, c'est accepter de vivre dans une certaine vulnérabilité, accepter la possibilité de tout accueillir, y compris celle d'être blessé. C'est prendre le risque de vivre pleinement. Or, nous préférons bien souvent nous cloisonner, nous protéger, nous contenter de survivre.
J'ai rencontré dans ma vie bien des personnes qui, à des degrés divers, s'étaient, comme je l'ai déjà évoqué à mon propos, "blindées", qui avaient verrouillé leurs émotions, et avaient parfois entouré leur coeur d'une sorte de gangue de protection afin de ne plus souffrir. Elles souffraient moins, bien sûr, mais elles s'étaient aussi interdit l'accès aux joies profondes de l'amour. Accepter la douleur, c'est le prix à payer pour une vie émotionnelle riche. Une vie qui vaut la peine d'être vécue. Un coeur fermé restera hermétique à tout, y compris à la joie.
La pensée taoïste est une philosophie de l'opportunité. Le non-agir qu'elle prône ne consiste pas à ne jamais agir, mais à agir en épousant le mouvement de la vie - sans perdre de vue ses propres objectifs, ses propres intentions, sans chercher à les réaliser immédiatement et à n'importe quel prix. Si la vie s'y oppose, laissons nous porter par son flux. Cet objectif, nous l'atteindrons plus tard, voire jamais si, entre-temps, nous avons changé d'objectif.
Aucun être humain ne peut vivre et croître sans amour, sans liens affectifs avec les autres et le monde. Nos tout premiers liens remontent à la vie intra-utérine. Ce sont des liens exclusifs avec notre mère, avec son inconscient, ses énergies, ses affects. Après la naissance, ces liens se renforcent. Le regard des parents - heureusement le plus souvent empreint d'amour -, puis, très vite, les regards de notre entourage seront le miroir qui nous permettra de nous construire : c'est à travers le regard des autres qu'on commence à se considérer soi-même. Quand cette image est positive, l'enfant se sent aimé et aimable, il acquiert un sentiment de sécurité et une confiance qui vont lui permettre de grandir et d'éprouver ses premières joies. Les joies de l'enfant sont extraordinaires. Elles sont à fleur de peau, elles se manifestent de manière spontanée, enthousiaste, par des applaudissements, des cris, des rires, par le corps qui se mobilise tout entier, par des yeux qui exultent. Il ne s'agit pas de petits plaisirs, comme ceux que nous éprouvons plus volontiers dès les prémices de l'adolescence, et encore plus à l'âge adulte. Il s'agit de vraies joies.
Frédéric Lenoir et Anne-Lise Combeaud vous présentent "Sacré Dieu !"
"Dieu et les religions, sacrée histoire…
Depuis le Paléolithique, au cours des siècles, est peu à peu apparue l'idée
l'idée du sacré en réponse à l'inexplicable. de la conceptualisation d'une entité supérieure à la multiplication
des religions établies, du simple rituel quotidien jusqu'à de véritables
chamboulements sociétaux et politiques, la notion du divin devient
progressivement un élément incontournable de la vie des hommes."
Sacré Dieu !
En librairie le 24 avril 2024
Fiche du livre et extrait de lecture : https://www.editions-ruedesevres.fr/Sacre-Dieu
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