J'avais un peu acheté ce livre par défaut, parce que la date limite d'achat était arrivé à échéance à
France Loisirs et que la vendeuse m'avait affirmé que je n'avais pas besoin d'avoir lu le premier tome pour entamer et comprendre celui-ci (oui, le tome 1 ne figurait déjà plus dans ma boutique !^^). Conclusion ? j'ai eu raison de faire confiance à ma vendeuse...
En effet, j'ai lu ce libre d'une traite, en m'esclaffant de rire à chaque chapitre, tant les bons mots et les situations cocasses fourmillent...
L'intrigue couvre la période allant de la mi-mai 1733 à octobre de la même année, correspondant au contexte de la publication imminente des
Lettres philosophiques de
Voltaire, menacées par la censure.
L'enquête ne m'est apparu que comme un prétexte pour nous plonger dans ce XVIIIème siècle commençant, et l'intrigue policière ne m'a guère convaincue, mais cela tombe bien car ce sont cette immersion dans le Paris des Lumières et la rencontre avec
Voltaire qui m'intéressaient plus que tout, et de ce côté, j'ai été comblée.
L'auteur nous brosse le portrait d'un
Voltaire tour à tour souffreteux et sautillant, orgueilleux et mesquin, âpre au gain (dans ce tome, il se fait marchand de grains, ce qui n'est pas du tout incompatible avec sa vie puisque l'on sait que le philosophe estimait que son statut d'écrivain indépendant passait par la sécurité financière), férocement sarcastique et assez chicanier vis-à-vis de son "petit personnel"... Un portrait qui joue autant sur ses défauts que ses qualités...
Voltaire se montre même d'un naturel désarmant, allant jusqu'à confier auprès de sa maîtresse, dans une scène supposée de séduction, que "son bonheur serait complet avec un bon lavement et appela ses gens pour qu'on lui préparât son clystère, le gros modèle, en cuivre avec bocal de verre vénitien bariolé." (page 226) Encore heureux qu'il est meilleur philosophe qu'amant...
Bizarrement, alors que ses travers auraient pu le rendre fortement antipathique, c'est tout le contraire qui survient, et on ne peut s'empêcher de le trouver touchant !
J'ai aussi beaucoup apprécié les interventions de Hérault, dont l'humour et les répliques caustiques le rendent finalement plus proche de
Voltaire qu'il ne le voudrait.
e ne sais pas si chaque tome de la série aborde un problème particulier de l'époque, mais ici, l'auteur met l'accent sur la censure inflexible qui s'exerce sur les hommes de lettres. Les écrivains ne sont d'ailleurs pas les seuls à risquer l'embastillement ou les galères pour délit d'expression, les imprimeurs et les libraires voire les colporteurs subissent les mêmes menaces. On assiste ici aux différents tours de passe-passe de
Voltaire pour contourner ce péril, et cette partie fut très instructive.
Pour conclure, même si l'enquête policière passe au second plan et s'avère peu développée, voire assez artificielle, le récit est délicieusement jubilatoire, tant les protagonistes font assaut de bons mots (ou en sont les malheureuses victimes). Lenormand fait défiler
Voltaire, Mme du Châtelet, Hérault, le pauvre abbé Linant et son acolyte Céran, souffre-douleurs consentants du philosophe, Maupertuis que
Voltaire jette inconsidérément dans les bras de sa maîtresse, les Crébillon père & fils, le duc de Richelieu en des scènes pleines de verve... On a même le privilège de voir
Voltaire s'exprimer en anglais dans une séquence grandiose (je crois même pouvoir affirmer qu'il a un accent aussi pourri que le mien ! ^^)... de plus, l'auteur nous livre en fin d'ouvrage quelques extraits de lettres que
Voltaire a écrites durant l'année 1733 et sur lesquelles est basée le déroulement de l'intrigue ! Bref, un voyage réussi dans le Paris des Lumières...
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