Voilà un bel et solide ouvrage que n'aurait pas dédaigné la plume, si élégante, si normande de Jean de la Varende.
Peut-être l'aurait embelli d'un soupçon, d'un rien de romanesque.
Peut-être n'y aurait-il rien ajouté !
Mais "Tournebut" est un livre d'Histoire.
Et c'est à G. Lenotre qu'on le doit.
Pourtant l'on n'est plus dans "la petite Histoire", l'on a quitté les vieux logis, délaissé les vieux papiers.
Et c'est une vieille tour, témoin du passé, qui, au grand historien, a "conseillé" ce livre, l'ancien donjon du château de Tournebut, à Aubevoye, près de Gaillon.
Ce livre est de ceux qui sont presque à toucher l'Histoire du doigt.
Victorien Sardou, dans une précieuse préface, y raconte un souvenir de Moisson, son beau-père qui, encore enfant, dût se réfugier, après la disparition de son royaliste de père, dans ce vieux donjon des terres de Mme de Combray .
La vieille tour y bruissait encore des allées et venues nocturnes et clandestines de mystérieuses silhouettes !
De ses silhouettes, Lenotre va dresser, dans son livre, une belle et romantique galerie de portraits.
Il va y montrer "une chouannerie normande qui, malgré des débuts chevaleresques, sur son déclin, va en être réduite à arrêter les diligences ".
L'ouvrage est articulé en deux grandes parties, ajoutés d'une préface et d'un épilogue :
- Jean-Pierre Querelle, Georges Cadoudal, Les Combray, D'Aché et l'affaire du Quesnay ...
- Licquet, Mme Acquet, le Chevalier, Mme de Vaubadon ...
Ce livre est un solide livre d'Histoire mais il a le goût de la passion, du romanesque.
La galerie de portraits brossée par Lenotre est à l'image de ce beau garçon de 25 ans, surnommé "le chevalier de Saint-Arnould" du nom de la commune dans laquelle il possédait une ferme.
Pour un peu, l'on oublierait que ces hautes figures si attachantes luttaient sans merci , ni pitié aucune contre la République qui depuis est devenue la fierté du pays tout entier.
"Tournebut - 1804/1809 - la chouannerie normande au temps de l'Empire" est un solide livre d'Histoire.
Rien n'y est inventé.
La rigueur de Lenotre en est une garantie des plus fiables.
Mais tout y est qui aurait fait un grand roman de Jean de la Varende ...
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- Je vois ma mère, anxieuse, envoyer notre fidèle servante aux nouvelles ; celle-ci les lui donner à voix basse ; mon père se faire de plus en plus rare au logis, et, enfin, une nuit, me réveiller en sursaut, m'embrasser, embrasser ma mère à la hâte, - et j'entends encore le bruit sourd de la porte de la rue se refermant sur lui ! On ne l'a jamais revu !
- Arrêté ? ...
- Nous l'aurions su ! Non ; mais probablement tué dans sa fuite ou mort de fatigue et de besoin ; ou encore noyé au passage de quelque rivière, comme d'autres fugitifs dont j'ai su jadis les noms ...
Celui qui n'a pas le goût de ces sortes d'excursions et d'enquêtes ne saurait s'en figurer le charme.
Que ce soit un petit problème historique à résoudre, un fait ignoré ou mal connu à élucider, cette course au document, avec les déceptions de la recherche et les joyeuses surprises de la découverte, sont bien la chasse la plus amusante, en compagnie surtout d'un fureteur tel que Lenôtre, doué d'un flair admirable qui le met toujours sur la bonne piste ...
(extrait de la préface écrite par Victorien Sardou)