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EAN : 9782234088702
Stock (08/01/2020)
3.55/5   102 notes
Résumé :
Leçon de Ténèbres : « Genre musical français du XVIIe qui accompagne les offices des ténèbres pour voix et basse continue. Se jouait donc la nuit à l'Église, les jeudi, vendredi et samedi saints. »
Le Musée Greco à Tolède n’est certes pas une Église, et Léonor de Recondo, quoique violoniste, n’y va pas pour jouer, dans cette nuit affolante de chaleur, de désir rentré, de beauté fulgurante, mais pour rencontrer, enfin, le peintre qu’elle admire, Dominikos Theo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
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Léonor retourne dans le musée qu'elle a visité à Tolède avec son père et sa découverte des tableaux de Dominikos Theotokopoulos a été un véritable choc : elle est tombée amoureuse du peintre en même temps que de son oeuvre. C'était une évidence, il fallait qu'elle aille à la rencontre de son « amor » dont elle parle avec beaucoup d'emphase, à la recherche d'une extase, d'une révélation.

En fait, c'est beaucoup plus compliqué qu'elle ne le pensait, après le regard plein de doute, voire de suspicion qu'elle perçoit déjà en arrivant (quelle idée saugrenue de vouloir passer « une nuit au musée » !) Elle comprend très vite qu'elle ne pourra pas vraiment être seule, il y a la surveillance, les alarmes, les rondes, donc, elle va être filmée tout le temps, on lui a donné le droit de rester seulement deux heures dans un lieu sans alarme mais où il existe quand même caméras… (Patio et chapelle). Comment la rencontre avec son grand amour va-t-elle pouvoir se passer ?

Je souris. Ils ne savent pas exactement pourquoi je suis là, mais moi je le sais très bien. On leur a dit que j'arrivais de Paris, que c'était une expérience intéressante d'enfermer une artiste toute une nuit dans le musée. Et ça a dû doucement les faire rire.

Pour mieux préparer l'aventure, elle ne s'est pas contentée du musée, elle a visité tous les lieux qui ont été importants dans la vie du peintre à Tolède, à la recherche de cet homme dont elle nous raconte avec brio l'histoire extraordinaire, tragique : il a quitté son pays, la Crète, où il se trouvait trop à l'étroit car il ne voulait plus se contenter de peindre des icônes, abandonnant son premier amour, pour le ciel de l'Italie et des génies de l'époque.

Il s'y sent très vite à l'étroit, non reconnu, alors qu'il a appris les techniques, a côtoyé les grands, et s'embarque pour l'Espagne. Il rencontre celui qui l'accompagnera une grande partie de sa vie. Il retombe amoureux mais le destin s'acharne, sa belle gitane va mourir en couches, il élèvera seul son fils :

Jerónima de las Cuevas a des airs de gitane. Elle a piqué des fleurs dans son chignon, elle porte sa plus belle robe, elle a noirci ses yeux, s'est parée d'un collier, de boucles d'oreilles et d'un châle brodé par son père. Dans sa famille, ils sont tous artisans brodeurs.

Léonor de Récondo alterne ses émotions, sa rencontre avec les tableaux de Greco qui se dérobe à elle, et l'histoire du peintre qu'elle retranscrit de fort belle manière, tout en rendant hommage au passage à trois noms, qui sont au firmament de la peinture espagnole : Goya, Velasquez et Greco. Un lien très fort l'unit à Dominikos Theotokopoulos, ils sont frères d'âme : tous deux ont connu l'exil alors elle est forcément sur la même longueur d'ondes que lui.

On sent au passage toute l'émotion que fait remonter la peinture, la quête de « La Rencontre », chez l'auteure, notamment quand elle lui offre son talent de violoniste en jouant dans le patio pour que les vibrations de l'instrument entrent en communion avec l'énergie du peintre. On se sent un peu voyeur dans ce moment intense mais on imagine ces deux êtres qui se rejoignent dans la beauté et la pureté de l'instant.

On peut sourire parfois devant cet amour qu'elle exprime avec émotion, avec emphase même, mais son enthousiasme est très communicatif ! je connaissais peu l'oeuvre de Dominikos Theotokopoulos, alors je suis allée à sa rencontre via Internet, découvrir les tableaux dont parle Léonor de Récondo, notamment « El Expolio », « l'enterrement du comte Orgaz » et « San Bernardino » peint en 1603-1604.

J'ai choisi ce livre parce que j'aime bien l'auteure, et j'apprécie beaucoup cette collection « Une nuit au musée ». le livre de Lydie Salvayre « Marcher jusqu'au soir » où elle parle de sa nuit avec « L'homme qui marche » de Giacometti, m'a plu.

Je connaissais déjà la sensibilité de Léonor de Récondo que j'ai découverte avec « Pietra viva » brillant hommage à Michel-Ange, pour lequel j'ai eu un coup de coeur à l'époque, ou encore avec « Amours » et une fois de plus, elle ne m'a pas déçue.

J'ai beaucoup aimé ce livre qui m'a permis de mieux connaître El Greco que je verrai plus de la même manière… je l'ai terminé, il y a quelques jours déjà, mais c'est toujours très compliqué de parler d'un livre qu'on a aimé car il rend les autres lectures fades ! Et la chronique va paraître certainement un peu échevelée, mais un peu de tendresse et d'émotion dans ce monde confiné, cela ne fait pas de mal, bien au contraire.

Un grand merci à NetGalley et aux Editions Stock qui m'ont permis de lire ce livre et de retrouver cette auteure que j'aime beaucoup.

#Laleçondeténèbres #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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La leçon de ténèbres, c'est l'histoire d'un rendez-vous pas comme les autres. Un rendez-vous amoureux ; jusque là, certes rien d'original. Mais un rendez-vous fixé dans une nuit étouffante de juin, au musée El Greco à Tolède, par Léonor de Récondo, à un homme qu'elle vénère, et dont elle ignore s'il viendra. Un rendez-vous particulier, donc, d'autant plus que l'objet du désir ardent de l'écrivaine et violoniste est un certain Dominikos Theotokopoulos, plus connu sous son nom d'artiste El Greco, et mort il y a plus de 400 ans...
Enfermée seule dans le musée, dans l'obscurité et la chaleur, sous l'oeil voyeur des caméras de surveillance, Léonor espère sa venue, espère la rencontre avec l'un des Maîtres du Siècle d'or espagnol, pour lequel elle a eu le coup de foudre 15 ans plus tôt, lors d'une visite en ces mêmes lieux avec ses parents.
Déambulant dans les couloirs, les jardins, la chapelle du musée, elle l'appelle, tente de l'attirer, de le séduire en jouant du violon. En l'attendant, elle nous raconte par petites touches la vie de l'artiste, son parcours de la Crète à Tolède en passant par Venise et Rome, son apprentissage, ses amours, son fils, son oeuvre, son métier, sa mort.
Au fil des pages, les mots et les notes de musique s'envolent et se mêlent pour composer une vibrante et sensuelle déclaration au Greco. Poésie, exaltation, délicatesse, la plume de Léonor de Récondo conjugue une nouvelle fois ces ingrédients dans un beau portrait du peintre, avec en arrière-plan, un hommage touchant à son propre père, lui-même artiste, et à sa famille.
En partenariat avec les Editions Stock via Netgalley.
#Laleçondeténèbres #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Mars 2020- juste avant le " confinement " - Librairie Caractères- Issy-Les- Moulineaux / 22 juin 2023

Moment de lecture magique et intemporel !

Collection magnifique dont j'adore l'idée: un artiste, un écrivain passe une nuit dans un musée de son choix ( en France comme à l'extérieur de l'hexagone..).
Double perspective : la substance du Musée , un artiste à l'honneur, avec en parallèle, les raisons du choix du dit artiste...par l'écrivain, ses souvenirs , son appréciation intime de l'oeuvre, du peintre , et son appréhension vis à vis de l'Art , en général !

Pour Leonord de Récondo, on découvre sa passion par trois grands maîtres espagnols ,dûe à des sorties culturelles avec ses parents, eux-mêmes, tous les deux artistes : Goya, Velásquez et surtout El Greco, pour lequel, elle éprouve une totale vénération..

On saura au fur et à mesure toutes les raisons de cette dévotion: artistique et plus intime !

Elle choisit donc Tolède, le meilleur endroit pour " rencontrer" son artiste préféré...Elle débute cette nuit unique au Musée, totalement exaltée de marcher sur ses pas, d' admirer" tout à loisir ses tableaux, ses portraits....les lieux où il a vécu, oeuvré, rêvé, souffert....

Rencontre qu'elle veut en totale fusion avec cet artiste crétois, qui va fonder la célèbre École Espagnole ....après des vitages, des exils, beaucoup de difficultés...

"Doménikos ira ainsi de procès en procès, exigeant l'argent qui lui est dû et plus encore, au nom de l'idéal qu'il a de l'artiste. Son orgueil agace, l'Espagne n'a pas eu Michel-Ange ou Léonard pour prouver aux yeux de tous que la peinture n'est pas un art mineur, qu'elle a toute sa place aux côtés de l'architecture et de la rhétorique. Les peintres espagnols sont toujours soumis au pouvoir des confréries d'artisans.La notion individuelle d'artiste n'existe pas.Et la Castille, en pleine contre- réforme sous le joug de l'Inquisition, ne prêche que la pénitence et la repentance. "

Elle ne s'adressera à lui que dans une grande proximité, dans le " tutoiement " et en dialoguant avec lui, en l'appelant par son vrai prénom :" Doménikos"

Alternance du récit, entre la narration de la vie d' El Greco, de ses difficultés d'artiste très singulier, son amour inconditionnel pour son fils unique, qu'il garde près de lui, pour le " former"... et le récit au présent, de Leonord de Récondo dans le musée, au milieu des chefs d'oeuvres de son " idole " !

Un très beau texte qui m'a fait pénétrer dans l'univers de ce peintre ..
Même si toutefois, je ne ressens pas la vénération et l'admiration très exclusive de l'auteure, je regarderai désormais un tableau d' El Greco, avec un regard plus attentif et averti !

L'auteure, musicienne...parle aussi avec fièvre et passion de son art de " violoniste".Son cher violon qu'elle a emporté avec elle afin de jouer pour Doménikos...comme abolissant les siècles et le temps humain, dans cette nuit au Musée ,si exceptionnelle!
..
J'achève ce billet par un extrait où l'auteure exprime avec flamme ...toute la modernité de cet artiste précurseur...à maints égards !

"Doménikos , je t'adore, parce que tes toiles me semblaient parfaitement anachroniques quand, jeune fille, je les regardais à Madrid au Musée du Prado.Je ne comprenais pas de quelle époque tu étais.Je te trouvais bizarre, étrange, beau certes, mais sans adjectif adéquat. Je vérifiais plusieurs fois: 1600, vraiment ?
J'avais l'impression que quelqu'un s'était trompé dans l'accrochage.
Ton style ne correspondait pas à celui des autres peintres exposés.Tu aurais dû être dans la salle des Goya.Ton coup de pinceau, ton expressivité me semblaient si proches de moi dans le temps.Tes tableaux auraient dû être accrochés à côté de ceux d'Egon Schiele, mais aussi de ceux de la période bleue de Picasso. L'artiste espagnol ne s'est jamais caché de la profonde influence que tu avais eue sur son travail."




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Rendez-vous amoureux avec Le Greco

Léonor de Récondo a passé une nuit dans la maison-musée du Greco à Tolède en espérant pouvoir déclarer son amour au peintre. Avec une arme secrète, son violon, elle va lui offrir la plus belle des Leçon de ténèbres.

Enfermer des écrivains une nuit dans un musée. L'idée émane d'Alina Gurdiel qui en a eu l'idée après un séjour sur l'île japonaise de Naoshima. Elle séjournait dans un hôtel contigu au musée et, n'arrivant pas à dormir, s'est retrouvée seule au milieu des oeuvres d'art. «Petit à petit m'est venue l'idée, et l'envie surtout, d'enfermer des écrivains dans un musée et qu'ils vivent cette expérience pour la raconter. Quel rapport avons-nous exactement à l'art? Et aux musées? Chaque écrivain va raconter ce moment étrange, de solitude dans un endroit où d'habitude on ne peut ni dormir ni être seul. Chaque texte sera différent, inédit, forcement étonnant, personnel, amusant…»
Kamel Daoud a inauguré la collection «Ma nuit au musée» avec le peintre dévorant la femme. Comme pour les deux titres qui ont suivi, Marcher jusqu'au soir de Lydie Salvayre et Nuit espagnole d'Adel Abdessemed, il a passé la nuit au musée Picasso. Trois variations autour d'un même artiste que Léonor de Récondo aurait sans doute pu poursuivre, mais elle a préféré retrouver un musée qu'elle a découvert dans sa jeunesse avec ses parents, celui dédié au Greco à Tolède.
Le rendez-vous est fixé un soir de juin caniculaire. Venant de Madrid où elle a pu retrouver ses habitudes d'«Espagnole», elle doit à un contrôleur de train compréhensif le fait d'avoir pu rejoindre Tolède à l'heure prévue, car le TGV qui reliait la capitale du pays à de la région Castille-La Manche était complet.
Quelquefois, il faut un peu provoquer la chance… surtout quand on veut retrouver un peintre soi-disant mort il y a plusieurs siècles.
En pénétrant dans le musée construit au début du siècle et censé reconstituer la maison du peintre, il n'est toutefois pas là pour l'accueillir. Seuls les gardes face à leur système de vidéosurveillance s'amusent de cette curieuse initiative et ne tardent pas à laisser la visiteuse déambuler à son gré dans le patio, le jardin, la chapelle et les pièces d'exposition plongées dans l'obscurité.
Une ambiance propice à un rendez-vous amoureux, mais pas vraiment à l'analyse des oeuvres d'art, éclairées à la lumière d'un smartphone.
Reste à apprivoiser Doménikos Theotokópoulos, le «Grec de Tolède» qu'on finira par appeler Le Greco. Pour la réussite de cette entreprise Léonor a pris soin de se rendre d'abord à la cathédrale où la coutume veut que l'on caresse une pierre protectrice si l'on veut que ses projets se concrétisent. Léonor imagine que Doménikos a fait ce geste un siècle avant elle, avant de réaliser sa première commande justement destinée à orner l'édifice religieux. S'il veut vivre de son art, il doit réussir après avoir quitté sa Crête natale pour Venise, puis Rome, puis Madrid où il n'a pas pu s'imposer.
Délaissant la biographie classique, la romancière choisit de nous livrer les éléments marquants de la vie de son amoureux, l'enfant qui trouve une vipère sur son chemin et court chercher refuge dans l'église u encore, quelques années plus tard, son choix de quitter la Crête et de s'installer à Venise, de laisser derrière lui la belle Ariana qui mourra peu après ou encore les tentatives de travailler à Rome puis à Madrid.
Enfin l'arrivée en 1577 à Tolède, considérée alors comme «la capitale spirituelle de l'Espagne».
C'est là, à quelques mètres du musée, qu'il finira par poser ses bagages et qu'il réalisera ses oeuvres incomparables aux couleurs brillantes et aux ombres douces qui fascinent Léonor:
« Étirements de bleu
éclairs de blanc,
percées de vert,
étincelles de rouge,
chevauchées de brun,
dentelles de gris. »
C'est là aussi qu'il rencontrera Jerónima et qu'elle mettra au monde leur fils Jorge Manuel auquel il essaiera de transmettre son art. Un fils que l'on retrouve sur l'une de ses toiles les plus emblématiques, la Vue et plan de Tolède.
Mais alors que la nuit s'avance, Le Greco ne semble pas devoir réagir à la sensible déclaration d'amour qui lui est faite, contrairement au garde de nuit qui entend jouer de la sensualité de ce moment.
Il reste toutefois un atout majeur dans le jeu de la visiteuse, son violon. Les notes envoûtantes parviendront-elles à convaincre Doménikos?
Pourra-t-il résister à La leçon de Ténèbres? (Le titre du livre fait en effet référence à un genre musical créé en France au XVIIe siècle et destiné au premier des trois nocturnes qui accompagnent chaque office des Ténèbres, c'est-à-dire les matines et les laudes). Vous le découvrirez en même temps que la belle invitation à (re)découvrir une oeuvre et/ou à filer toutes affaires cessantes à Tolède.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Enfermée seule une nuit entière dans un musée, quelle chance…je dois bien l'avouer j'aimerai assez !

Après avoir lu tout d'abord « le parfum des fleurs la nuit « de Leila Slimani, « La leçon de ténèbres » de Léonor de Récondo est le second livre que je lis dans la collection « La nuit au musée ».

Pour celui-ci, la romancière est restée enfermée la nuit entière dans le Muséo del Greco à Tolède, musée qu'elle avait déjà visité quinze ans plus tôt avec ses parents. Son souhait : y rencontrer Doménikos Theotokopoulos dit El Gréco, peintre de la couleur et fondateur de l'école Espagnole au XVIème siècle.

Quatre siècles les sépare, peu importe ! Léonor n'en a que faire, elle compte bien passer une nuit d'amour avec celui qui l'a tant subjuguée avec sa peinture il y a quinze ans et dont elle est tombée amoureuse.

Enfermée dans l'obscurité et la chaleur, observée par les vigiles sous l'oeil des caméras, la voici déambulant au grès de ses envies dans les couloirs, les jardins, la chapelle du musée.
Viendra-t-il ? Pa si sûr.

Alors qu'il tarde à apparaitre, Léonor de Recondo décide de l'appeler à travers la musique car dans ce musée, elle y est venue accompagnée de son violon. En plus d'être écrivaine, elle est aussi violoniste. Sa leçon de ténèbres musicale arrivera-t-elle à le séduire au point de traverser quatre siècles pour vivre ce rendez-vous d'amour si mystérieux ?

L'autrice alterne, dans ce petit livre de seulement 150 pages, la biographie de la vie d'El Gréco avec un récit profondément intimiste et émouvant dans lequel ses propres fantômes s'invitent et s'interposent dans ce rendez-vous amoureux. Ce récit empreint d'une extrême sensibilité m'a profondément touchée. Durant toute ma lecture, je me suis sentie comme suspendue à l'attente de cette rencontre.

J'aime énormément l'écriture de cette romancière et j'ai toujours ressenti beaucoup d'émotion à la lecture des romans que j'ai lus d'elle. Celui-ci ne déroge pas à la règle même s'il est totalement différent des autres. Je dois dire que le dernier chapitre de celui-ci est pour moi une merveille de sensualité.

Après cette lecture, je vais donc poursuivre ma découverte de cette collection en lisant prochainement celui de Lola Lafon, « Quand tu écouteras cette chanson »…

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critiques presse (1)
Actualitte
07 mars 2024
Avec cette volupté des mots qui transpire à chaque ligne, elle nous fait partager ces heures trop brèves, ces heures rares et sublimes d’un rêve devenant subitement réalité.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
INCIPIT
Je suis venue à 23 heures précises. Je marche avec Juan dans le jardin. Je remarque sa chemise trempée de sueur. La chaleur est suffocante. Je transpire aussi, la courroie de mon étui à violon glisse de mon épaule nue.
Depuis la veille, la canicule s’est abattue sur la ville. La nuit est brûlante comme le jour. Nous respirons à peine.
Nous nous dirigeons vers le local de sécurité. Nous parlons de l’étuve, du brasier, des incendies. Nous disons plusieurs fois, c’est une fournaise.
En entrant, l’air frais de la climatisation nous saisit. Le collègue de Juan me dévisage.
Je souris. Ils ne savent pas exactement pourquoi je suis là, mais moi je le sais très bien. On leur a dit que j’arrivais de Paris, que c’était une expérience intéressante d’enfermer une artiste toute une nuit dans le musée. Et ça a dû doucement les faire rire.
Dans la pièce où ils sont installés, il y a une grande table, quelques chaises en plastique, un paquet de cigarettes qui traîne, des bouteilles d’eau, des matraques, des talkies-walkies.
Je tends mon passeport à Juan, il note le numéro sur un papier et me donne en échange celui de leur téléphone.
Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas ! ajoute-t-il, espiègle.
Nous discutons encore un peu.
Au mur, je vois une dizaine d’écrans qui restituent fidèlement ce que filment, à chaque instant, les caméras de surveillance suspendues au plafond de toutes les salles. C’est bien ce que je craignais, je vais être filmée, épiée, mes mouvements scrutés. Je vais être vue regardant, errant, traînant je ne sais où. Les images seront stockées trois mois, puis effacées.
Doménikos, la perspective d’une nuit d’amour avec toi s’éloigne.
Je me prépare depuis des mois à cette fameuse nuit, la seule sans doute. Depuis que j’ai retrouvé le carnet de mon père, je me prépare à la possibilité de te rencontrer. Les quatre siècles qui nous séparent ne sont absolument pas un obstacle. Tu es né en 1541 en Crète, on n’est pas très sûr de la date, mais à une ou deux années près, c’est juste. Moi en 1976 à Paris XIIe, et alors ?
Je suis venue ici il y a quinze ans, mais la rencontre n’avait pas eu lieu. Combien de fois me faudra-t-il revenir ?
Juan et moi sortons du local de sécurité, il m’accompagne dans le jardin pour me montrer le chemin jusqu’à la porte du musée. Il fait nuit noire, il est 23 h 15. Tolède est en liesse, c’est un samedi soir de juin. À chaque respiration, j’avale une bouffée d’air chaud. Je ploie, la chaleur m’écrase.
Je suis émue.
Quand le portail a claqué dans mon dos, quelques instants auparavant, j’ai senti que j’entrais ailleurs, dans un espace clos et ouvert à la fois, dans ce jardin embrassé par le ciel criblé d’étoiles, avec au loin la bâtisse sombre du musée. C’est une belle maison reconstituée du XVIe siècle avec sa cuisine, son patio, ses meubles, ses instruments de musique, ses arbres, ses fontaines, son potager, ses herbes aromatiques. C’est un monde en soi, intime et accessible aux autres. Horaires stricts pour les centaines de touristes qui le parcourent chaque jour. Une nuit, une seule où je pourrai y déambuler loin de la foule. Il y a des pièces pour se cacher, des couloirs pour courir, une chapelle pour sortir le violon de son étui et écouter la résonance longue qui galopera sur la voûte et emplira mes oreilles.
Le violon pour faire vibrer l’espace vide, pour mettre en transe les particules de l’air, pour les mettre en danse afin que Doménikos me rejoigne. Et je ne doute pas de sa venue, comme il ne doute pas de mon désir. Mon seul désir.
Une nuit, une seule, avec lui.
Il n’y résistera pas. Pourquoi résister à l’amour?
Juan me conseille d’utiliser la torche de mon téléphone pour me diriger dans le jardin. Il m’indique où sont les toilettes.
Là, un peu plus loin, il me montre du doigt une baraque. Il me dit aussi qu’il fera une ronde à l’intérieur du musée toutes les deux heures.
La première, à une heure du matin, me précise-t-il.
Il me sourit, tu vas jouer du violon? J’ai l’impression que tu vas à une fête !
Je réponds oui, à tout.
J’attends que les pas de Juan s’éloignent pour écouter l’eau qui s’écoule doucement des fontaines, le vent frémir dans les arbres. Puis, je referme la porte du musée derrière moi, je suis seule avec les tableaux, les caméras, et Doménikos qui est en chemin.
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Doménikos , je t'adore, parce que tes toiles me semblaient parfaitement anachroniques quand, jeune fille, je les regardais à Madrid au Musée du Prado.Je ne comprenais pas de quelle époque tu étais.Je te trouvais bizarre, étrange, beau certes, mais sans adjectif adéquat. Je vérifiais plusieurs fois: 1600, vraiment ?
J'avais l'impression que quelqu'un s'était trompé dans l'accrochage.
Ton style ne correspondait pas à celui des autres peintres exposés.Tu aurais dû être dans la salle des Goya.Ton coup de pinceau, ton expressivité me semblaient si proches de moi dans le temps.Tes tableaux auraient dû être accrochés à côté de ceux d'Egon Schiele, mais aussi de ceux de la période bleue de Picasso. L'artiste espagnol ne s'est jamais caché de la profonde influence que tu avais eue sur son travail.

( p.127)
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Doménikos ira ainsi de procès en procès, exigeant l'argent qui lui est dû et plus encore, au nom de l'idéal qu'il a de l'artiste. Son orgueil agace, l'Espagne n'a pas eu Michel-Ange ou Léonard pour prouver aux yeux de tous que la peinture n'est pas un art mineur, qu'elle a toute sa place aux côtés de l'architecture et de la rhétorique. Les peintres espagnols sont toujours soumis au pouvoir des confréries d'artisans.La notion individuelle d'artiste n'existe pas.Et la Castille, en pleine contre- réforme sous le joug de l'Inquisition, ne prêche que la pénitence et la repentance.

( p.67)
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Mais il y avait d'autres beautés qui nous éblouissaient sur ces terres.Outre les paysages et l'architecture, il y avait la peinture espagnole avec trois noms au firmament: Greco, Velásquez et Goya, à me gaver des désastres de la guerre, à ne pas tout à fait comprendre qu'ils pouvaient représenter toutes les guerres, même celle qui avait provoqué l'exil familial. Cette violence et cette noirceur excitaient en moi quelque chose d'inconnu, loin de mon innocence
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Je monte directement à la salle du haut où sont exposées la plupart de ses œuvres. Celles que j’ai vues plus tôt dans la journée en pleine lumière sont maintenant dans le noir. Seulement deux toiles sont encore éclairées. Je n’en reviens pas, je me demande pourquoi les gardes ont presque tout éteint. Pour des raisons de sécurité ? De conservation ? J’en perds mon latin. Je laisse tomber mon sac par terre. Comment examiner les apôtres dans la pénombre ?
Ils sont accrochés les uns à côté des autres sur un mur. Portraits en buste de douze hommes, chacun drapé de ses couleurs, de ses attributs, de son rôle, tous barbus, plus ou moins âgés, peints à l’huile sur toile, et qui devaient m’en dire plus sur Doménikos.
Il y a aussi, au fond de la salle, le célèbre Vue et plan de Tolède où la ville est peinte de manière très détaillée. Aucun éclairage sur ce tableau non plus. Impossible d’observer la restitution exacte qu’a faite le peintre.
J’avais espéré pouvoir fouiller ces tableaux en prenant mon temps, en prenant même une bonne partie de la nuit. À ma guise, à mon rythme, j’aurais exploré chacun des plissés, scruté leurs mains, mais je ne vois plus rien.
Doménikos, je prie pour que tes mains soient aussi longues, aussi diaphanes, aussi éloquentes que celles que tu peins. Des mains qui, dans leurs mouvements, n’indiquent rien, qui prolongent le regard du personnage, en sont sa continuité expressive.
J’observe chacun des apôtres avec la torche de mon téléphone. La tâche de lumière éclaire une petite zone de la toile laissant tout le reste se diluer dans l’obscurité. J’examine ainsi le tableau par fragments successifs, perdant toute idée d’ensemble, d’unité. J’essaie ensuite de reconstituer le puzzle dans mon esprit. Je n’y arrive pas.
Je prends quelques photos de détails pour ne pas oublier, mais le flash écrase la toile, la criblant d’éclaboussures blanches. J’aimerais me souvenir, retenir tous les instants de cette nuit, pouvoir y revenir demain et les jours suivants. Pouvoir y revenir toujours.
Quand tu seras là, Doménikos, il me faudra tout abandonner. Mes armes, l’écriture, le livre, l’espace que j’ai créé pour toi dans mon esprit. Une place de choix, mais sera-t-elle suffisante ? Je sais que tu ne viendras pas de si loin, même pour faire l’amour, si nous n’anéantissons pas nos temporalités respectives.
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Vidéo de Léonor de Recondo
Accompagnée de la violoncelliste Elisa Jonglar Venise 1699. Ilaria Tagianotte naît dans une famille de marchands d'étoffes. C'est une période faste pour l'art et la musique, le violon en particulier. À peine âgée de quelques semaines, sa mère place la petite Ilaria à la Pietà. Cette institution publique a ouvert ses portes en 1345 pour offrir une chance de survie aux enfants abandonnés. On y enseigne la musique au plus haut niveau. le prêtre Antonio Vivaldi y est maître de musique. Ilaria, jeune prodige, apprend le violon et devient la copiste du maestro Vivaldi. Elle se lie avec Prudenza, une fillette de son âge. Leur amitié indéfectible la renforce et lui donne une ouverture vers le monde extérieur. le grand feu, c'est celui de l'amour qui foudroie Ilaria à l'aube de ses quinze ans. Celui qui mêle le désir charnel à la musique si étroitement dans son coeur qu'elle les confond et s'y perd.
Dans le cadre du festival Italissimo 2024.
À lire – Léonor de Récondo, le grand feu, Grasset, 2023.
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