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Citations sur Chants (33)

Nature humaine, comment peux-tu,
Si tu es à ce point fragile et basse,
Si tu n'es qu'ombre et poudre, nourrir de si hauts songes...
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L'INFINI

Toujours j'aimai cette hauteur déserte
Et cette haie qui du plus lointain horizon
Cache au regard une telle étendue.
Mais demeurant et contemplant j'invente
Des espaces interminables au-delà, de surhumains
Silences et une si profonde
Tranquillité que pour un peu se troublerait
Le cœur. Et percevant
Le vent qui passe dans ces feuilles - ce silence
Infini, je le vais comparant
À cette voix, et me souviens de l'éternel,
Des saisons qui sont mortes et de celle
Qui vit encor, de sa rumeur. Ainsi
Dans tant d'immensité ma pensée sombre,
Et m'abîmer m'est doux en cette mer.
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Vieillard blanchi, malade,
Demi-nu, sans chaussures,
Un lourd fardeau sur les épaules, il court
Par les montagnes et les vallées,
Par les rochers aigus, les dunes et les ronces,
Dans le vent, dans l’orage, quand flambe
L’heure ou qu’elle est glace ;
Il court, le souffle bref,
Franchit torrents et marécages,
Tombe, se lève, se hâte encore,
Sans trêve, sans repos,
Meurtri, sanglant, jusqu’à venir enfin
Où le menaient sa route et son effort :
Un gouffre immense et plein d’horreur,
Où dans l’oubli de tout, il s’abîme.
Lune vierge, telle
Est la vie d’un mortel.
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CHANT NOCTURNE D'UN BERGER ERRANT DE L'ASIE

Que fais-tu, Lune, au ciel ? dis-le-moi, que fais-tu,
Lune emplie de silence ?
Tu te lèves le soir et vas
Contemplant les déserts, puis te perds.
N'es-tu pas lasse encore
De courir les chemins éternels ?
N'es-tu pas assouvie, peux-tu rêver toujours
De revoir ces vallées ?
Elles ressemblent à ta vie,
Les années du berger.
Il se lève aux premières blancheurs,
Pousse au loin le troupeau par les champs,
Et voit troupeaux, sources, prairies,
Puis las il se repose vers le soir ;
Il n'est rien qu'il espère jamais.
Dis-moi, Lune, à quoi sert
Au berger sa propre vie ?
Et votre vie à vous ? Dis-moi : où tendent
Mon errance éphémère,
Ton parcours immortel ?
 
     Vieillard fragile et blanc,
Vêtu à peine, les pieds nus,
Le dos chargé d'un lourd fardeau,
Par les monts, les vallées,
Dans les rochers coupants, le sable, les buissons,
Sous le vent, la tempête, lorsque s'enflamme
L'heure et puis qu'elle se glace,
Il court, halète et court,
Passe torrents, marais,
Tombe, et se relève, et plus en plus se presse,
Sans pose, sans repos,
Ensanglanté, meurtri, jusqu'à venir
Là où sa route
Et sa longue fatigue le menaient :
Abîme horrible, immense,
Où, tombant, il perd mémoire du Tout.
Lune sans tache, telle
Est la vie du mortel.
 
     L'homme naît à grand-mal ;
Pour lui, naître, c'est risquer de mourir.
Ce qu'il éprouve d'abord,
C'est la peine et le tourment; et dès son premier jour,
Et sa mère et son père
Se prennent à le consoler de sa naissance.
Et puis comme il grandit,
L'un et l'autre le soutiennent, et toujours,
Par des gestes et des mots,
S'efforcent de lui donner du cœur,
De le réconforter d'être homme.
Plus douce charge,
Les parents n'en ont pas envers leurs fils.
Mais pourquoi donner au jour,
Pourquoi tenir en vie
Celui qu'il faut consoler d'elle ?
Si la vie est malheur,
Pourquoi en porter la douleur ?
Intacte Lune, telle
Est la vie des mortels.
Mais tu n'es pas mortelle,
Et sans doute mes mots ne t'importent.
 
     Et toi, solette, éternelle passante,
Si pensive, peut-être comprends-tu
Ce qu'est ce vivre
Terrestre, notre passion, notre soupir, ce qu'est
Notre mourir, cette ultime
Pâleur de l'apparence,
Et de périr à la terre et de quitter
Les familières, les aimantes présences.
Toi, certes, tu entends
Le sens des choses et vois le fruit
De l'aurore, du soir,
De l'aller infini et silencieux du temps.
Toi, c'est sûr, tu sais à quel amour
Rit le printemps,
A qui plaît la chaleur, ce que poursuit
L'hiver avec ses glaces.
Tu connais mille choses, tu en vois mille
Qui sont cachées au modeste berger.
Souvent, quand je te vois
Rester muette ainsi sur la plaine déserte
Qui dans son cours lointain touche au ciel,
Ou bien, avec mes bêtes,
Me suivre voyageant pas à pas,
Et quand au ciel je vois que brûlent les étoiles,
Je dis, pensant en moi :
Mais pourquoi tant de flammes ?
Que fait l'air infini, l'infini
Ciel profond ? que veut dire l'immense
Solitude? et moi, qui suis-je ?
Ainsi je parle en moi - et de cette demeure
Superbe et sans mesure,
Et du peuple sans nombre,
Et de tant de labeurs, de mouvements
Des choses célestes, et des choses terrestres,
Qui roulent sans repos
Pour retourner toujours d'où elles sont venues,
Aucun but, aucun fruit
Je ne puis deviner ; mais toi, c'est sûr,
Jeune fille immortelle, tu connais le Tout.
Moi, je connais et je sens
Que des cercles éternels,
Que de mon être fragile,
D'autres, peut-être, recevront quelque bien
Ou plaisir. Pour moi la vie est mal.
 
     O mon troupeau qui reposes, ô bienheureux
Qui ne sais pas, je crois, ta misère,
Quelle envie je te porte !
Non seulement d'aller
Presque libre de peine,
Car privations, angoisses et maux,
Tu les oublies aussitôt,
Mais surtout de n'éprouver jamais l'ennui.
Quand tu reposes à l'ombre, sur les herbes,
Tu es paisible et content ;
Et tu consumes ainsi
Sans dégoût de longs jours de l'année.
Mais moi, quand je m'étends à l'ombre, sur les herbes,
Un ennui vient m'encombrer
L'esprit, comme une pointe me brûle,
Si bien que, reposant, je ne puis davantage
Trouver demeure ou paix.
Pourtant de rien je n'ai désir,
Ni jusqu'ici de raison de pleurer.
Ce que tu aimes, le peu dont tu jouis,
Je ne le sais ; mais tu es bienheureux.
Moi, je ne jouis guère,
O mon troupeau, mais ce n'est pas ma seule plainte.
Si tu savais parler, je te dirais:
Dis-moi pourquoi, gisant
Au repos, sans contraintes,
Tout animal s'apaise,
Quand moi, si je m'étends au calme, l'ennui me prend ?
 
 
     Si j'avais l'aile peut-être
Pour voler au-dessus des nuages,
Et compter une à une les étoiles,
Ou pour errer comme l'orage de cime en cime,
Je serais plus heureux, mon doux troupeau,
Plus heureux, blanche Lune.
Ou peut-être, en contemplant
Le sort des autres, se fourvoie-t-elle, ma pensée :
Peut-être en toute forme, dans tout être,
Dans le terrier ou le berceau,
Jour funèbre est pour qui naît le jour natal.
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XXXVI
EPIGRAMME
     
Quand je vins tout enfant
A l'école des Muses
Apprendre mon métier, l'une me prit la main
Et guida ma visite
Dans toute l'officine
Au long de la journée
Tour à tour me montra
Les instruments de l'art
Et les divers usages
Que de chacun d'entre eux
L'on fait dans le travail
De la prose et des vers,
J'admirai, puis m'enquis :
« Mais, Muse, où est la lime ? » Et la déesse dit :
« La lime est usagée ; désormais l'on s'en passe. »
Et moi : « N'importe-t-il
De la remettre à neuf, quand elle est émoussée ? »
Et j'entendis : « Bien sûr - si le temps ne manquait. »
     
- - -
SCHERZO
     
Quando fanciullo io venni
A pormi con le Muse in disciplina,
l’una di quelle mi pigliò per mano ;
E poi tutto quel giorno
La mi condusse intorno
A veder l’officina.
Mostrommi a parte a parte
Gli strumenti dell’arte,
E i servigi diversi
A che ciascun di loro
S’adopra nel lavoro
Delle prose e de’ versi.
Io mirava, e chiedea :
Musa, la lima ov’è? Disse la Dea :
La lima è consumata ; or facciam senza.
Ed io : ma di rifarla
Non vi cal, soggiungea, quand’ella è stanca ?
Rispose : hassi a rifar, ma il tempo manca.
     
(Traduction de Michel Orcel – éd. GF Flammarion, pp. 260-261).
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À ma pensée qu'apparais-tu, ô semence
De l'homme ? Et me ressouvenant
De ton être ici-bas, dont est signe
Le sol que je foule, et puis encore
Qu'en maître et fin
Tu te crois donné au Tout, que si souvent
Rêver te plut, sur cet obscur
Grain de sable qui de Terre a le nom,
Que pour toi les auteurs
Des mondes étaient venus parler aimablement
À tes semblables, et que renouvelant ses rêves
Dérisoires, insulte aux sages
Jusqu'à l'âge présent qui, dans la connaissance
Et les coutumes de la cité,
Semble passer tous les autres, alors oui, quel élan,
Pauvre et mortelle race, quelle pensée
Enfin pour toi le cœur m'assaille ?
Je ne sais si prévaut le rire ou la pitié.
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Or poserai per sempre,
Stanco mio cor. Perì l'inganno estremo,
Ch'eterno io mi credei. Perì. Ben sento,
In noi di cari inganni,
Non che la speme, il desiderio è spento.
Posa per sempre. Assai
Palpitasti. Non val cosa nessuna
I moti tuoi, né di sospiri è degna
La terra. Amaro e noia
La vita, altro mai nulla; e fango è il mondo.
T'acqueta omai. Dispera
L'ultima volta. Al gener nostro il fato
Non donò che il morire. Omai disprezza
Te, la natura, il brutto
Poter che, ascoso, a comun danno impera,
E l'infinita vanità del tutto.

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Certains, espérant fuir le noir sort des humains,
Passent toute leur vie à changer de climat,
Ils traversent les mers et franchissent les cols,
Ils parcourent le monde, écartant les frontières
De l'espace infini tracé par la nature.
Un noir souci s'assied sur les plus hautes proues.
Et sous tous les climats, tous les cieux, on appelle
Bonheur ce qui n'est qu'un royaume de tristesse.
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Amour, amour, tu t'es envolé de mon cœur qui fut si chaud naguère, brûlant même. Le malheur l'a serré dans sa main froide, il s'est glacé à la fleur de ses ans. Je me souviens du temps où tu descendis dans mon sein. C'était ce temps plein de douceur, irrévocable, où la scène misérable de ce monde s'offre au jeune regard riante comme un paradis. Le cœur du jeune garçon bat d'espérance pure et de désir ; déjà le malheureux mortel se prépare aux travaux de cette vie comme à une danse ou un jeu. Mais à peine t'avais-je découvert, amour, que la Fortune avait brisé ma vie, et qu'à ces yeux ne convenait plus que pleurer.

La vie solitaire
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Silvia, rimembri ancora
quel tempo della tua vita mortale,
quando beltà splendea
negli occhi tuoi ridenti e fuggitivi,
e tu, lieta e pensosa, il limitare
di gioventù salivi?

Sonavan le quiete
stanze, e le vie d'intorno,
al tuo perpetuo canto,
allor che all'opre femminili intenta
sedevi, assai contenta
di quel vago avvenir che in mente avevi.
Era il maggio odoroso: e tu solevi
così menare il giorno.

Io gli studi leggiadri
talor lasciando e le sudate carte,
ove il tempo mio primo
e di me si spendea la miglior parte,
d’in su i veroni del paterno ostello
porgea gli orecchi al suon della tua voce,
ed alla man veloce
che percorrea la faticosa tela.
Mirava il ciel sereno,
le vie dorate e gli orti,
e quinci il mar da lungi, e quindi il monte.
Lingua mortal non dice
quel ch’io sentiva in seno.

Che pensieri soavi,
che speranze, che cori, o Silvia mia!
Quale allor ci apparia
la vita umana e il fato!
Quando sovviemmi di cotanta speme,
un affetto mi preme
acerbo e sconsolato,
e tornami a doler di mia sventura.
O natura, o natura,
perché non rendi poi
quel che prometti allor? perché di tanto
inganni i figli tuoi?

Tu pria che l’erbe inaridisse il verno,
da chiuso morbo combattuta e vinta,
perivi, o tenerella. E non vedevi
il fior degli anni tuoi;
non ti molceva il core
la dolce lode or delle negre chiome,
or degli sguardi innamorati e schivi;
né teco le compagne ai dì festivi
ragionavan d’amore.

Anche perìa fra poco
la speranza mia dolce: agli anni miei
anche negaro i fati
la giovinezza. Ahi come,
come passata sei,
cara compagna dell’età mia nova,
mia lacrimata speme!
Questo è il mondo? questi
i diletti, l’amor, l’opre, gli eventi,
onde cotanto ragionammo insieme?
questa la sorte delle umane genti?
All’apparir del vero
tu, misera, cadesti: e con la mano
la fredda morte ed una tomba ignuda
mostravi di lontano.

A SILVIA


Silvia *, te souvient-il encore

Du temps de cette vie mortelle,

Quand la beauté brillait

Dans tes yeux fugitifs et riants,

Et que, pensive et gaie, tu gravissais

Le seuil de la jeunesse?

Sonnaient les calmes

Voûtes *, et les rues alentour,

A ta chanson sans fin *,

Alors qu'assise à ton œuvre de femme

Tu t'appliquais, heureuse

De ce vague avenir que tu rêvais en toi.

C'était Mai plein d'odeurs, et tu aimais

Passer ainsi le jour.

Parfois abandonnant

Les biens-aimées études, les pages fatiguées *,

Où mon tout premier âge

Et le meilleur de moi se dissipaient,

Du haut des balcons du palais paternel

Je tendais mon oreille au son de ta voix

Et de ta main rapide

Qui parcourait l'âpre toile *.

Je contemplais le ciel serein,

Les rues dorées et les vergers,


Là-bas la mer, au loin, et là les monts.

Langue mortelle ne dit pas

Ce qu'au sein j'éprouvais.


Quelles pensées de douceur,

Quels espoirs et quels cœurs *, ma Silvia!

Tels alors nous paraissaient

La vie humaine et le destin!

Quand je revois une telle espérance,

Une passion m'oppresse,

Acerbe et désolée,

Et j'en reviens à souffrir de ma détresse.

O nature, nature,

Pourquoi ne tiens-tu pas

Ce que tu promettais alors? pourquoi

Te moques-tu de tes enfants?



Avant que l'hiver même eût desséché les feuilles,

Toi, frappée, vaincue d'un mal obscur,

Tu périssais, fillette. Et tu n'as point connu

La fleur de tes années,

Ton cœur ne s'est ému

Sous la tendre louange de tes cheveux de jais,

De tes yeux amoureux * et craintifs,

Et près de toi tes amies, aux jours de fête,

D'amour n'ont pas parlé.


Bientôt mourait aussi

Ma suave espérance : à mes années

Les destins refusèrent aussi

La jeunesse. Ah, comme,

Comme tu t'es enfuie,

Chère compagne de mon jeune âge,

Mon espérance pleine de larmes * !

C'est donc cela, le monde? cela, l'amour,

Et les plaisirs, les aventures, les travaux

Dont nous avions tant devisé ensemble?

C'est là le sort du peuple des mortels?

A peine parut le vrai *

Que tu tombas, fragile ; et de la main

La froide mort près d'un tombeau désert

Tu me montrais au loin.


















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