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Bertrand Schefer (Éditeur scientifique)
EAN : 9782844851314
2396 pages
Allia (26/11/2003)
4.41/5   29 notes
Résumé :

Les œuvres de génie ont le pouvoir de représenter crûment le néant des choses, de montrer clairement et de faire ressentir l'inévitable malheur de la vie, d'exprimer les plus terribles désespoirs, et d'être néanmoins une consolation pour une âme supérieure accablée, privée d'illusions, en proie au néant, à l'ennui et au découragement ou exposée aux peines les plus amères et les plus mortifères. En effet, les œuvres de génie consolent toujours, raniment l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

“Je confiais mon bonheur à la garde de la mélancolie”. Giacomo Léopardi est un savant dosage entre un pessimisme annonciateur de Schopenhauer et un existentialisme préfigurant les écrits de Kierkegaard. Dans cette brève anthologie, Michel Orcel prélève 133 fragments sur l'immense “chaos écrit” que représente le Zibaldone léopardien, pas moins de 4 600 pages de journal, de pensées les plus diverses, à la fois sur la vie intérieure, la philosophie, l'histoire, l'esthétique et la poésie.

“Le plus solide plaisir de cette vie est le vain plaisir des illusions”. Leopardi semble nager à contre-courant de l'Esprit des Lumières dans ses écrits, rédigés entre 1817 et 1832. le poète lyrique y proclame la nécessité des illusions, y déclare que la sagesse est plus proche de la nature que de la raison, et affirme : “l'homme ne désire pas connaître mais sentir infiniment”.
Grand ambassadeur du lyrisme, l'auteur fait l'éloge de ce courant poétique. Il vante notamment son harmonie, son vitalisme, son rythme, mais attention, le lyrisme se déguste à petites lampées, au risque de s'écoeurer.
Léopardi nous donne la clef (et nous déculpabilise au passage de nos bâillements intempestifs !) pour prendre plaisir face aux élégies, idylles, bucoliques et épigrammes, à l'image des “Odes” d'Anacréon, un plaisir “fugitif”, “rebelle à toute analyse” à condition de le lire avec “une attention distraite” et la rapidité ailée des sandales d'Hermès !

Au contraire d'une lecture minutieuse et exhaustive qui ne procurerait à coup sûr aucun plaisir. Pour le poète la saveur des vers ne se révèle que par “l'impression soudaine et indéfinissable du tout”. Ce n'est pas sans rappeler les conseils de lecture de Roland Barthes qui, dans L'Empire des signes, définissait également le haïku comme un instantané, plus éphémère qu'une volée de lucioles… alors poésie antique et haïkus même combat ?

“Les êtres sensibles sont par nature des êtres souffrants.” Mais Léopardi reste un grand pessimiste et ne s'en cache pas. Fort du constat qu'après vint-cinq ans tout homme est alerte “de la décadence de son corps” et “du flétrissement de la fleur de ses jours”, il proclame “l'existence n'est pas pour l'existant”, elle n'est que pour la conservation de l'espèce, nous sommes pour nous reproduire et tout plaisir ici bas n'est jamais dû qu'au hasard, et pourtant nous dit-il, nous espérons toujours. 
Le désespoir n'est jamais complet, même lorsque l'on se donne la mort, nous avons encore une once d'espoir et pas une pleine détestation de soi, l'amour propre ne s'éteint jamais complètement et “l'espérance est une passion”.

L'écrivain italien observe également le monde autour de lui, prédisant à l'Europe “civilisée” de nouvelles invasions barbares, notant que les peuples les plus civilisés sont souvent au bord du précipice, la civilisation et la science ne valant pas l'élan vital et immense qu'une nation barbare pleine d'illusions porte en elle. Cela me rappelle également le mot de Roger Martin du Gard dans son Jean Barois sur les idéologies qui, encore jeunes, ne peuvent qu'être intolérantes, sans compris possible, totalitaire dans leur portée car admettre la possibilité d'opinions contraires les conduiraient à n'être plus agissantes. Alors quel remède ? Pour l'auteur c'est qu'il n'y ait plus une seule nation “barbare” sur la surface du globe…

Le Zibaldone est également une oeuvre de moraliste, livrant une vision de l'existence, fortement influencée par les déboires, la dépression, les maux physiques de l'auteur, mort à seulement 37 ans. Ainsi, La Rochefoucauld écrivait que “la philosophie triomphe aisément des maux du passé et du futur mais les maux du présent triomphent d'elle”, Léopardi, plus sombre, écrit “le passé, dans la mémoire, est plus beau que le présent ; de même que le futur dans l'imagination. Pourquoi ? Parce que seul le présent est conçu par l'homme dans sa vraie forme ; il est la seule image du vrai; et le vrai tout entier est laideur.”

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Extrêmement difficile à rattacher à un genre littéraire précis, le Zibaldone est une somme de 4 526 feuillets rédigés par Leopardi de 1817 à 1832. C'est un chef-d'oeuvre d'une immense portée, témoin magistral du travail de pensée et de recherche d'un des esprits les plus vifs de son époque.
Il a pourtant fallu attendre l'année 1898, centenaire de la naissance de Leopardi, pour que le Zibaldone voie enfin le jour. Publiée par le poète Giosué Carducci, l'oeuvre ne comporte pas de titre. Mais des pages foliotées. L'index mentionne cependant l'expression de Leopardi « mon Zibaldone di pensieri ». C'est cette expression, très évocatrice pour le lecteur, qui a été retenue comme titre définitif de l'oeuvre. D'étymologie incertaine et brumeuse, ce mot ancien de « zibaldone » serait un terme culinaire, apparenté au « zabaione », le sabayon. Crème onctueuse obtenue grâce à de subtils et habiles mélanges d'ingrédients. Mais encore ?
Pour Leopardi, philologue amoureux des mots et du langage, la lettre Z qui est à l'initiale du mot, est à elle seule porteuse de sens. Elle évoque ces « parole pellegrine » qui conduisent aux pensées vagabondes. Pour le poète, l'aventure de l'écriture consiste avant tout à mettre au jour ces mots « pèlerins », élégants, flous et savoureux. Selon la formule du traducteur Bertrand Schefer, des « mots indéfinis pour un projet infini ! »
Le titre du recueil Zibaldone laisse pourtant imaginer un apparentement de cette oeuvre aux « miscellane », à ce que l'on appelle en littérature des « mélanges ». On y rencontre tour à tour des ébauches, des notes, des aphorismes, des dissertations, des critiques littéraires, des réflexions philosophiques. Mais également quelques éléments autobiographiques que Leopardi a intitulés « Polizzine non richiamate ». « Petits bulletins non mentionnés » qui figurent dans l'index général. Y sont abordés les grands thèmes léopardiens, les références aux théories des Arts et des Lettres, Les Mémoires de ma vie. Cependant, pour des raisons qui nous échappent encore à ce jour, Leopardi interrompt brusquement son travail de réflexion, s'éloigne de son oeuvre pour se consacrer à la réédition de certains de ses ouvrages antérieurs.
Commencé dès 1817, le Zibaldone est une sorte de « matrice », un « magma » dont émergent des blocs parfaits, qui se suffisent à eux-mêmes. C'est une « chambre noire », une « machine mécanique occulte » dans laquelle Leopardi voit sa propre langue restituée à l'intérieur des langues étrangères. Une oeuvre d'où se dégage une « Métaphysique du langage ». La seule qui reste lorsque toute métaphysique a disparu.
Oeuvre monumentale à nulle autre pareille, le Zibaldone est « une architecture », dans l'acception proustienne du terme. Un véritable « laboratoire expérimental du roman moderne », qui ouvre la voie à Musil et à Joyce. Une oeuvre difficile, exigeante, mais à l'heure où n'importe quel tâcheron dépressif se prend pour Philip Roth, une oeuvre salutaire.
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critiques presse (1)
LeMonde
25 novembre 2019
Le poète et penseur italien consigna ses réflexions dans le « Zibaldone » – littéralement, « fourre-tout » –, qui fut publié cinquante ans après sa mort, et mit encore un siècle à atteindre la France.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
6 novembre 1820


« Celui qui sait se nourrir de petits bonheurs, qui recueille dans son cœur les petits plaisirs qu’il a éprouvés durant la journée et qui sait donner du poids à ses petites aventures, traverse facilement l’existence, et s’il n’est pas heureux, il peut croire qu’il l’est sans s’apercevoir qu’il n’en est rien. Mais celui qui ne s’intéresse qu’aux grands bonheurs, qui compte pour rien ces petits événements agréables, ces petites victoires, satisfactions, réussites, etc., qui ne cherche pas à s’en nourrir, qui n’y revient plus et qui pense que tout n’est que néant s’il n’atteint pas le but important et difficile qu’il s’était proposé, celui-là vivra toujours dans l’affliction, dans l’anxiété, sans aucune jouissance et il ne trouvera jamais qu’un malheur perpétuel à la place de son grand bonheur. Et quand il l’atteindra, il le trouvera bien inférieur à ses espérances, comme cela arrive toujours avant ce que l’on désire et recherche ardemment. »
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2 janvier 1821


« L’égoïsme général provoque et nécessite l’égoïsme de chacun, car si personne ne fait rien pour vous, il vous faudra vivre en faisant tout par vous-même. Si les autres vous privent autant qu’ils peuvent de l’essentiel et que, tout à leurs propres avantages, ils ne se préoccupent pas du dommage qu’ils vous causent, il vous faudra pour vivre vous battre et affronter les autres le plus possible. Quelle que soit la chose que vous vouliez céder, vous ne devez en attendre ni gratitude, ni contrepartie, puisque l’échange où chacun se sacrifie pour l’autre, la libéralité et les bienfaits réciproques ont été abolis. Mais si vous reculez d’un seul pas, les autres vous repousseront de vingt, chacun s’y employant de toutes ses forces. C’est pourquoi il est nécessaire que chacun aille le plus possible contre les autres et combatte pour soi jusqu’à la fin et de toutes ses forces : la réaction doit être proportionnée à l’action pour pouvoir aboutir à un résultat, c’est-à-dire vivre; si l’une est importante l’autre doit nécessairement augmenter d’autant. Telle une meute de fauves affolés autour d’une proie, où chacun est décidé à ne rien laisser aux autres à moins d’y être obligé : le fauve qui reste sans agir, recule devant les autres, attend qu’ils pensent à lui ou n’engage pas toutes ses forces restera le ventre vide ou perdra d’autant plus de nourriture qu’il avait engagé ou pu engager moins de force. En vertu du système de l’égoïsme universel, tout ce que l’on donne est perdu. Par ailleurs, un tel égoïsme est également la cause de l’égoïsme individuel, non seulement d’après cet exemple mais parce qu’il donne à l’homme vertueux l’exemple de la triste expérience de l’inutilité, ou plutôt le caractère nuisible de la vertu et des sacrifices magnanimes, et lui fait perdre ses illusions ; cela s’explique aussi par la misanthropie qu’inspire le spectacle de tous ces gens préoccupés d’eux-mêmes, insoucieux de votre bien-être, ingrats envers vos bienfaits et qui sont prêts à vous nuire, qu’ils en tirent ou non un bénéfice. Un tel état de choses modifie le caractère des gens et enracine non seulement concrètement mais radicalement l’égoïsme jusque dans les esprits les mieux faits. Ce sont d’ailleurs les plus touchés, puisque l’égoïsme n’y entre pas comme une passion inférieure et vile, mais au contraire comme une passion supérieure et magnanime, telle par exemple la passion de la vengeance et de la haine envers les méchants et les ingrats. Si nocentem innocentemque idem exitus maneat, acrioris viri esse, merito perire [Si le coupable et l’innocent doivent avoir la même fin, c’est se montrer un homme ardent que de mériter sa mort] disait l’empereur Otton selon Tacite, Histoire, Liv. I, chap. 21. (2 janvier 1821.) »
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Deux vérités que d'ordinaire les hommes n'admettent pas: l'une est qu'ils ne savent rien; l'autre qu'ils ne sont rien. Ajoutez-en une troisième, intimement liée à la précédente: qu'ils n'ont rien à espérer après la mort.
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“La mémoire n’est presque rien d’autre qu’une faculté d’imitation, car toute reminiscence est comme une imitation que la mémoire, c’est à dire ses organes propres, fait des sensations passées.”
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Les illusions ne peuvent être condamnées, méprisées, pourchassées, que par ceux qui en sont les victimes et par ceux qui croient que le monde est ou puisse être vraiment quelque chose, et quelque chose de beau.
Illusion capitale : le demi-philosophe combat donc les illusions précisément parce qu'il en est la victime ; le vrai philosophe les aime et s'en fait l'apôtre parce qu'il en est dépourvu : en général, combattre les illusions est le signe le plus sûr d'une science très imparfaite et d'une illusion notable.
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Videos de Giacomo Leopardi (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Giacomo Leopardi
« […] Jour après jour, Saba - de son vrai nom Umberto Poli (1883-1957) - compose le “livre d'heures“ d'un poète en situation de frontière, il scrute cette âme et ce coeurs singuliers qui, par leur tendresse autant que leur perversité, par la profondeur de leur angoisse, estiment pouvoir parler une langue exemplaire. […] […] Au secret du coeur, dans une nuit pétrie d'angoisse mais consolée par la valeur que le poète attribue à son tourment, cette poésie est une étreinte : à fleur de peau, de voix, une fois encore sentir la présence de l'autre, porteur d'une joie qu'on n'espérait plus. […] Jamais Saba n'avait été aussi proche de son modèle de toujours, Leopardi (1798-1837) ; jamais poèmes n'avaient avoué semblable dette à l'égard de l'Infini. le Triestin rejoint l'auteur des Canti dans une sorte d'intime immensité. […] […] Comme le souligne Elsa Morante (1912-1985), Saba est plutôt l'un des rares poètes qui, au prix d'une tension infinie, ait élevé la complexité du destin moderne à hauteur d'un chant limpide. Mais limpidité n'est pas édulcoration, et permet au lecteur de percevoir deux immensités : le dédale poétique, l'infinie compassion. » (Bernard Simeone, L'étreinte.)
« […] La première édition du Canzoniere, qui regroupe tous ses poèmes, est fort mal accueillie par la critique en 1921. […] Le Canzoniere est un des premiers livres que publie Einaudi après la guerre […] L'important prix Vareggio de poésie, obtenu en 1946, la haute reconnaissance du prix Etna-Taormina ou du prix de l'Accademia dei Lincei, ne peuvent toutefois tirer le poète d'une profonde solitude, à la fois voulue et subie : il songe au suicide, s'adonne à la drogue. En 1953, il commence la rédaction d'Ernesto, son unique roman, qui ne paraîtra, inachevé, qu'en 1975. […] »
0:00 - Titre 0:06 - Trieste 1:29 - le faubourg 5:27 - Lieu cher 5:57 - Une nuit 6:32 - Variations sur la rose 7:15 - Épigraphe 7:30 - Générique
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Référence bibliographique : Umberto Saba, du Canzoniere, choix traduit par Philippe et Bernard Simeone, Paris, Orphée/La Différence, 1992.
Image d'illustration : https://itinerari.comune.trieste.it/en/the-trieste-of-umberto-saba/
Bande sonore originale : Maarten Schellekens - Hesitation Hesitation by Maarten Schellekens is licensed under a Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/maarten-schellekens/soft-piano-and-guitar/hesitation/
#UmbertoSaba #Canzoniere #PoésieItalienne
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